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Zone rouge

17 mars 2021, 07:55

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Zone rouge

Pendant des mois, on se pensait à l’abri, on se laissait volontiers bercer par cette douce illusion que le pays était Covid Safe, que la pandémie concernait les autres et qu’en se retranchant derrière les barricades de notre paradis insulaire, rien ne pouvait nous atteindre. 

Tout le monde ou presque s’est laissé gagner par une forme de léthargie qui nous a amenés à repousser sine die les priorités du jour. On pense là notamment aux tergiversations pour la commande des vaccins de Pfizer. Quand on nous a dit qu’il ne fallait pas se presser car il n’y avait alors pas de cas de contamination locale ou encore que les mallettes réfrigérées utilisées pour transporter les vaccins coûtaient une petite fortune et, qu’autrement dit, cet investissement n’en valait pas la peine, personne n’a vraiment protesté. Car après tout, n’étions-nous pas invulnérables ? Mais le réveil a été brutal ; on a senti passer un électrochoc. À nouveau, le confinement a été décrété. Une nouvelle fois, on a été pris de court. Comment se réorganiser efficacement à la veille de deux jours fériés même si l’on dispose d’un plan de continuité d’activité ?

Quand 7 000 Mauriciens ont pris d’assaut les hôpitaux pour se faire vacciner, il était déjà trop tard. C’est maintenant qu’on se rend compte que finalement, le coût de faire vacciner toute la population n’équivaut finalement qu’à peine quatre jours d’activité économique. Et qu’on s’est fourvoyé sur nos priorités. Oui, il fallait agir vite. Pourquoi s’accorder un temps d’observation quand notre industrie touristique, qui contribue directement et indirectement à 23 % du PIB, est à l’agonie et que 12 mois de quasi-inactivité, c’est à peu près Rs 60 milliards de devises en moins ? 

«Malgré ses 60 000+ vaccinés, Maurice est encore à la traîne et en retard sur les Seychelles»

Aujourd’hui, l’on veut rattraper le coup à travers des exercices de dépistage de masse et le redémarrage dans l’urgence de la campagne de vaccination. Mais on serait tenté de dire que ces initiatives très louables arrivent tardivement. Malgré ses 60 000+ vaccinés, Maurice est encore à la traîne et en retard sur les Seychelles, une destination concurrente qui devrait rouvrir ses frontières avant nous. Mais positivons : la volonté du gouvernement et du secteur privé d’agir de concert (si le même bon sens avait prévalu sur le dossier de la Contribution sociale généralisée, on ne se retrouverait pas avec une action judiciaire logée contre l’État) en vue d’accélérer la campagne de vaccination est une démarche qu’il convient de saluer et qui, on l’espère, augurera une nouvelle ère de coopération entre les deux parties. Souhaitons que la campagne de vaccination ne rencontre pas d’accroc, qu’on parvienne à faire vacciner au plus vite 800 000 de nos concitoyens et ainsi atteindre l’immunité collective. Si la bonne énergie est là et que la synergie générée par la collaboration public-privé est efficace, alors pourquoi pas ? Réussir à rouvrir nos frontières dans le courant du second semestre sera, à n’en point douter, un bel accomplissement. Revenons sur terre : on n’en est pas encore là. Les premiers calculs montrent que les deux premières semaines de confinement pourraient coûter à l’économie environ Rs 16 milliards en partant du postulat que chaque jour chômé représente un manque à gagner de quelque Rs 1,3 milliard. L’économie étant dynamique, on ne peut bien sûr s’arrêter à un simple calcul mathématique, mais on ne saurait être loin du compte. 

Concernant nos perspectives de croissance, elles devront certainement être révisées à la baisse. Dans ses dernières prévisions, Moody’s table sur une expansion économique de 6,5 % en 2021. Mais celles-ci ne prennent pas en considération le reconfinement et son impact sur l’activité économique. Clairement, notre salut dépendra de la vitesse à laquelle le pays se rouvrira au monde, mais aussi de la reprise sur nos principaux marchés. Des facteurs endogènes et exogènes sur lesquels on n’a pas grand contrôle. C’est la réalité macroéconomique. 

On ne peut qu’espérer que les circonstances seront favorables et que les nuages se dissiperont dans un avenir pas trop lointain. Mais, entre-temps, la détresse des acteurs économiques est un problème d’actualité. Affaiblis par le premier confinement, auront-ils la capacité de surmonter ce nouveau péril ? Plus le confinement se prolongera, plus leur trésorerie s’asséchera. La décision du gouvernement de réintroduire le Wage Assistance Scheme et le Self-Employed Assistance Scheme, qui, soit dit en passant, coûteront environ Rs 2 milliards au Trésor public pour deux semaines, n’est qu’un palliatif. Déjà malades, les entreprises vont voir leur état de santé se dégrader dans les semaines à venir. Le mal touchera aussi les salariés. Et les craintes d’une flambée du chômage sont tout à fait légitimes. On en voit déjà les prémices avec de nombreux travailleurs indépendants qui sont remerciés ces jours-ci. Ne nous voilons pas la face : la situation est critique. Tout ne tient qu’à un fil. Alors qu’on navigue en ces eaux troubles, il ne nous reste plus qu’à croire en notre bonne étoile. En fin de compte, outre une crise sanitaire, on risque fort bien d’avoir à gérer une grave crise sociale et économique.