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Dette extérieure
La dégradation de Maurice par Moody’s arrive au plus mauvais moment pour le gouvernement qui cherche des financements extérieurs pour ses dépenses, lesquelles vont augmenter en raison du second confinement, les coupes budgétaires annoncées n’étant pas pour demain. Certes, l’agence de notation se focalise sur la dette extérieure fondée sur le marché, alors que Port Louis a recours à l’endettement souverain et se finance à très bas coût. Certes encore, un éventuel déclassement dans la catégorie «non-investment grade» ne signifie pas la banqueroute du pays, mais plutôt que les prêteurs réclament des taux d’intérêt plus élevés face à une plus grande probabilité de faire défaut. Il demeure que la note de Moody’s porte sur la disposition du gouvernement à mener des politiques lui permettant d’honorer ses dettes, et sur sa capacité à gérer une hausse de sa dette.
Nul ne comprend la politique du gouvernement en la matière. Première contradiction : il avait puisé Rs 18 milliards du Special Reserve Fund de la Banque de Maurice avec l’intention de réduire sa dette extérieure à Rs 24 milliards en juin 2020, mais celle-ci est finalement passée à Rs 44 milliards et s’est encore accrue à Rs 69 milliards en décembre dernier. Deuxième incohérence : il retranche deux milliards de dollars des réserves officielles pour le compte de la Mauritius Investment Corporation, puis il emprunte de l’étranger afin d’obtenir des devises.
À l’évidence, les crédits contractés auprès de l’Agence française de développement (300 millions d’euros), de l’Inde (100 millions de dollars), du Japon (30 milliards de yens) et de la Chine (40 millions de yuans) servent moins à développer le pays qu’à renflouer ses réserves internationales. Nos autorités craignent une spéculation tenace contre la roupie qui provoquerait une chute irrésistible des réserves en devises. Mais si le ministre des finances utilise celles-ci pour financer les plans d’aide dus au confinement, Maurice perdra de la crédibilité internationale.
Dans l’express du 2 mars, Ali Mansoor professe, sans prendre position, qu’« un certain équilibre est nécessaire entre les emprunts étrangers, l’utilisation de nos réserves et la dépréciation de la roupie ». Cela sera peut-être discuté au sein du comité sur la viabilité de la dette publique. Or c’est mal interpréter le message de Moody’s que de croire que la création monétaire peut être une alternative crédible à l’endettement. Ce n’est pas en imprimant de la monnaie que le pays évitera un abaissement à la note Baa3, mais bien en coupant les dépenses publiques.
Ensuite, les emprunts étrangers sont à des fins d’investissement, et non pour soutenir la consommation, encore moins pour subventionner des entreprises. Car ils doivent générer un rendement pour payer le service de la dette, qui coûtera plus cher en roupies dévaluées. Sans une croissance économique plus forte, la capacité d’endettement du pays s’affaiblira malgré des taux d’intérêt très bas.
Une dette extérieure est justifiée si c’est pour améliorer la gouvernance économique et appliquer des réformes de marché. Mais elle est contre-productive en tant que moyen pour les gouvernants de faire du populisme économique afin de rester au pouvoir. Les clés de la croissance se trouvent dans les bonnes politiques, et non dans le stock de dettes qui assombrit les perspectives économiques. Il rebute les investisseurs privés parce que le gouvernement peut surtaxer les profits pour rembourser ses créanciers.
En privilégiant des prêts bilatéraux, l’État mauricien a une politique de l’endettement qui se limite à minimiser les charges d’intérêt dans son budget. Le problème est qu’il se rend prisonnier des jeux géopolitiques auxquels s’adonnent des puissances étrangères dans la région. De plus, il laisse son marché de la dette dans un état de sous-développement.
Pour que Maurice soit vraiment un centre financier international, il faut que les investisseurs étrangers s’intéressent à ses marchés de capitaux. D’abord, il est temps pour le pays d’avoir un marché des obligations libellées en devises. Une émission d’euro-obligations, avec l’aide d’une banque d’investissement, permettra d’établir quotidiennement le prix du marché de notre risque souverain et de mettre de la discipline dans nos politiques.
Puis, pour donner plus de visibilité et de liquidité aux obligations locales, il convient d’augmenter la taille des émissions obligataires et de les admettre sur le système de règlement-livraison d’Euroclear, comme le font les marchés émergents. Cela déplairait à la Stock Exchange of Mauritius, devenue une plateforme de titres à revenu fixe, alors qu’elle est par essence, tel que son nom l’indique, un marché des actions, qui n’apporte pas de la valeur aux obligations.
Il reste pour le gouvernement d’avoir une stratégie de gestion active de la dette, qui est pilotée par des professionnels d’expérience ayant une réelle connaissance de la haute finance – capables de convaincre Moody’s.
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