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Quatre mille ans…
Le plaidoyer contre les contrôles de prix n’est pas simplement un exercice académique limité aux manuels d’économie. Il existe un compte rendu historique de quatre mille ans décrivant les catastrophes économiques causées par les contrôles de prix. À Babylone, en 1800 avant Jésus-Christ, le Code d’Hammurabi était un labyrinthe de réglementations de prix qui étouffaient le progrès économique dans l’empire pendant plusieurs siècles. En 301 de notre ère, l’Édit de l’empereur romain Dioclétien fixait les prix maximums auxquels le bœuf, les céréales, les œufs et les vêtements pouvaient être vendus, et il prescrivait la peine de mort à quiconque ne respectait pas ces plafonds. À la suite de la loi sur le maximum de 1793 sous Robespierre, des gens mourraient de faim dans certaines villes de France.
De nos jours, le contrôle de prix n’est plus une question de vie ou de mort, et ce sont des pénalités financières qu’on encourt pour infraction aux réglementations de prix, et par rapport à un très petit nombre d’articles. C’est dire la place minime accordée au contrôle de prix dans l’économie contemporaine. Même à Maurice, à peine une quinzaine de produits, en temps normal, sont contrôlés par le ministère du Commerce.
Toutefois, la pandémie du coronavirus est venue favoriser le phénomène de «price gouging», de gonflement des prix, qui prend de l’ampleur durant un confinement national. Le problème ici n’est pas la hausse des prix, mais des abus sur les prix. Il est inévitable qu’un confinement fait monter les prix parce qu’avec les restrictions de mouvement, la clientèle est moindre, les volumes d’approvisionnement sont donc moins importants, et les transporteurs font payer plus cher la livraison, surtout que les prix des carburants augmentent. Et puis, avec la fermeture des frontières et la dépréciation de la roupie, la concurrence des produits importés diminue, ce qui est une aubaine pour les producteurs locaux.
On s’est flatté de l’expérience acquise du premier confinement pour mieux affronter le second. Dès le premier jour du reconfinement, des hausses de prix étaient attendues comme l’année dernière. Il est donc étonnant que les autorités aient pris six semaines pour allonger la liste des produits contrôlés. C’est une mesure exceptionnelle tout à fait compréhensible durant un confinement, même partiel, mais qui ne sera plus justifiée dès le déconfinement.
Des prix dits abusifs n’existent pas dans un régime de liberté des prix. Lorsque les prix fluctuent librement, c’est en fonction de l’offre et de la demande. Une offre inférieure à la demande fait grimper le prix. Si le prix dépasse celui qui correspond à l’équilibre entre l’offre et la demande, la concurrence se chargera de le ramener au prix d’équilibre.
Or la concurrence ne joue pas dans une situation de confinement national, car les gens ne peuvent pas se déplacer comme bon leur semble pour rechercher des informations sur les prix et les comparer. Ils ne peuvent sortir que deux fois par semaine, doivent faire leurs courses dans leur lieu d’habitation et n’ont que trente minutes de présence dans les supermarchés. De par ces contraintes sur les acheteurs, les commerçants jouissent d’une rente de monopole.
Dans ce cas spécifique, il est juste de plafonner les prix des produits de base en grande demande si l’augmentation des prix paraît déraisonnable. Mais l’exception ne doit pas devenir la règle. Les plafonds des prix doivent être supprimés aussitôt qu’est rétablie la libre circulation des personnes dans tout le pays.
En situation concurrentielle, les prix du marché sont un système de télécommunication qui indique la rareté relative des produits. Le contrôle de prix, lui, rend durable la rareté. Il n’aide pas à accélérer le réapprovisionnement. Il empêche la réorientation des chaînes de production existantes vers la fabrication des produits manquants. Il dissuade les importateurs d’acheter les biens qui font défaut chez nous. Il affaiblit l’offre, découragée par des prix artificiels, tout en encourageant la demande, ce qui crée la pénurie. Et il détruit des emplois.
Afin de protéger les consommateurs d’un envol des prix, le gouvernement a la possibilité d’agir autrement que de bloquer les prix. S’il réduit les impôts sur la production et sur les importations, les entreprises ne répercuteront pas aux consommateurs la hausse des coûts de fabrication ou de distribution. S’il enlève la TVA sur un certain nombre de produits, cela soulagera les consommateurs.
Reste que ce qu’il faut contrôler en amont pour éviter que l’inflation se développe, c’est la monnaie. Mais la Banque de Maurice a accru la quantité de monnaie en circulation pour financer des dépenses gouvernementales. Elle a laissé la roupie se déprécier afin d’obtenir des gains de change sur les réserves en devises, qu’elle a transférés au Trésor public. Si l’inflation monétaire a pu causer la chute du puissant empire romain, une petite île ne résistera pas aux foucades des prix.
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