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Impôt d’inflation
Il avait annoncé un Budget qui s’articulerait autour d’un «équilibre entre relance et réforme» et d’une coupe de 25 % des dépenses courantes. Mais de réforme et d’épuration des finances publiques, il n’y a point dans le «Carry Forward Budget» de Renganaden Padayachy. En consacrant son Grand oral à une «Shopping List» de ce que le gouvernement va faire dans les 20 circonscriptions du pays, le ministre des Finances se complaît dans la politique partisane plutôt que de donner un sens de direction à l’économie. Dans ce qui est présenté comme un «plan pour l’économie», un terme soviétique fort à propos, le secteur privé a un rôle effacé.
Les dividendes politiques ne sont pas assurés pour autant : malgré l’absence de nouveaux impôts, le fardeau fiscal va s’accroître de Rs 27 milliards pour atteindre 22 % du PIB, des recettes qui seront générées essentiellement par l’inflation. L’impôt d’inflation frappe de plein fouet les salariés tandis que les gens fortunés peuvent se couvrir de l’inflation et deviennent encore plus riches avec l’inflation des actifs, alimentée par des taux d’intérêt extrêmement bas et par d’énormes incitations fiscales en faveur de l’immobilier. Cette taxe sur la classe moyenne qu’est l’inflation non seulement creuse les inégalités de patrimoine mais aussi réduit le pouvoir d’achat comme une peau de chagrin.
C’est sans doute pour cette raison que le Grand argentier n’a pas donné une estimation du taux d’inflation pour l’année 2021-2022. En revanche, il espère obtenir des revenus additionnels en misant sur une croissance nominale de 13 % du PIB, mais qui repose sur des hypothèses bien fragiles. Si – un grand si – les frontières sont totalement ouvertes le 1er octobre, on ne voit pas comment Maurice attirera 650 000 touristes en neuf mois. D’autant que, Air Mauritius cloué au sol, aucune nouvelle politique d’accès aérien n’a été définie.
Le ministère des Finances pèche par excès d’optimisme en anticipant une hausse de 45 % des impôts sur le revenu des sociétés, alors que des milliers d’entreprises continuent de se colleter avec des difficultés financières. Aussi, une progression de 14 % des impôts sur le revenu des particuliers est peu probable après que 33 400 emplois ont été détruits en 2020, selon Statistics Mauritius.
De même, on doute fort qu’après avoir chuté de Rs 4,6 milliards en 2020-2021, les recettes de la taxe à la valeur ajoutée s’accroissent de Rs 11,5 milliards, de 41%, la prochaine année fiscale. L’épargne domestique est déjà trop faible (6,2 % du PIB en 2020) pour que les consommateurs y puisent davantage et stimulent leurs dépenses. Dévaluation accélérée de la roupie qui porterait le dollar à Rs 50 ? Encore faut-il que les gens aient les moyens d’acheter ! Augmentations généreuses des salaires à venir dans le secteur public ? Ce serait une fuite en avant dans la stagflation !
De plus, les dépenses de consommation seront comprimées par le prélèvement de Rs 2 par litre de carburant qui, sur un an, rapportera plus que le coût de vacciner 70 % de la population. Pénalisant directement 600 000 utilisateurs de véhicules, cette taxe aura des répercussions sur tous les secteurs de l’économie. Pour éviter des distorsions de prix et l’injustice de faire payer les contribuables qui refusent d’être vaccinés, il eût été plus simple de rendre les vaccins payants.
Toujours est-il que l’indice des prix à la consommation sous-estime le véritable taux d’inflation. Les produits pétroliers sont sous-pondérés à 4,7 % dans le panier dit représentatif de biens et services, tout comme les produits alimentaires à 23 %, alors même que le Covid-19 a modifié les modes de consommation en faveur de ces derniers aux prix plus élevés. Le transport, lui, est surpondéré à 14,7 % avec le confinement partiel et le télétravail.
Une autre source inflationniste est l’inflation des dépenses qui, à rebours d’une consolidation fiscale, constitue le seul fil conducteur des deux Budgets de Padayachy. Au lieu de réaliser l’équilibre budgétaire comme promis, l’exercice de 2020- 2021 est marqué par des dépenses totales de Rs 180 milliards et par un déficit budgétaire de 5,6 % du PIB malgré les Rs 60 milliards de la Banque de Maurice. Ce qui rend peu crédible l’objectif d’un déficit de 5 % en 2021-2022.
En fait, le déficit consolidé est double, à 10 % du PIB ou Rs 50 milliards, car il convient d’inclure dans son calcul les Rs 16 milliards de fonds extrabudgétaires qui seront utilisés, et d’en exclure les Rs 9 milliards pris des revenus non distribués du CEB, de la STC, de la FSC et de la MPA. Sans compter que des projets ne créant aucun revenu ne seront pas financés par des ressources budgétaires, mais par la Mauritius Investment Corporation qui, en tant qu’investisseur, doit rentabiliser ses investissements. Comment remboursera-t-elle ses prêts à la banque centrale ?
En faisant fi des critiques du FMI et de la Banque mondiale, le gouvernement s’engage dans un jeu dangereux où l’inflation jouera les trouble-fêtes.
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