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Tourisme : un virage critique

21 juillet 2021, 14:00

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Avec la première phase de la réouverture des frontières, Maurice aborde un virage critique de sa stratégie de relance. Depuis le 15 juillet, les touristes séjournent dans l’une des 14 bulles de villégiature (resort bubbles) agréées, une formule de quarantaine plus souple avec une amélioration des déplacements et leur permettant de profiter des prestations de leur établissement, notamment la piscine et la plage. Une stratégie qui a été utilisée avec succès par des destinations exotiques comme Hawaï et, à côté de chez nous par les Maldives qui, depuis le mois de décembre, a accueilli plus de 550 000 visiteurs, soit une baisse de seulement 26 % par rapport à la moyenne sur ces cinq dernières.

Cette phase expérimentale est cruciale. De son succès dépend le redémarrage de l’économie. Ces 16 mois de verrouillage de nos frontières ont fait perdre à Maurice plus de Rs 82 milliards en termes de devises étrangères. Il n’était plus possible d’avoir une économie fonctionnelle à moins de 85 % de sa capacité. Les conséquences, on les connaît : une dépréciation accélérée de la roupie, soit de l’ordre de plus 15 % face aux principales devises, les hôteliers s’enlisant dans l’endettement et plus de 100 000 familles mauriciennes dépendant directement et indirectement du tourisme vivant dans un profond désarroi.

«Aujourd’hui, les Maldives et les Seychelles sont davantage considérés comme des destinations premium»

Le mal est déjà fait. Et tout ne se résoudra pas d’un claquement de doigts. Il faudra avancer pas à pas, exercer une vigilance de tous les instants. L’ennemi numéro un, c’est ce maudit Covid-19 qui mute sans cesse et circule ces jours-ci à une vitesse accélérée au sein de la communauté (on a recensé 102 cas rien que le samedi 17 juillet). Au vu de la dégradation du tissu socio-économique, il est clair qu’on ne s’en sortira pas dans l’éventualité d’un nouveau confinement. D’où l’importance de maîtriser la propagation de la Covid-19 pour écarter les risques d’une troisième vague. La formule de confinement régional est plus ou moins efficace dans le sens qu’elle permet de combattre les foyers d’infection sans pour autant perturber l’activité économique à l’échelle nationale. Mais les pouvoirs publics, le secteur privé et la population en général doivent faire plus pour empêcher un nouveau drame.
Alors que les quelques milliers de touristes que nous accueillerons d’ici à fin septembre se prélasseront et s’accorderont un peu de bon temps bien mérité dans les bulles de villégiature, il faudra que dans la communauté, l’on avance résolument sur le front de la vaccination. Valeur du jour, plus de 50 % des Mauriciens ont déjà reçu leur première dose de vaccin. Avec la disponibilité des vaccins Sinopharm et Sputnik V, l’objectif d’atteindre l’immunité collective dans les dix prochaines semaines est largement atteignable.
Si on arrive au mois d’octobre sans trop de casse, on aura alors fait un pas de géant. Sera-t-on en mesure d’accueillir 650 000 touristes comme le prévoit le ministre des Finances, Renganaden Padayachy ? Rien n’est moins sûr. Quoi qu’au niveau de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), on pense qu’une telle performance est possible. Dans un rapport rendu public la semaine dernière, le cabinet AXYS se penche sur la question. En se basant sur un modèle qui prend en compte les données historiques des années précédentes sur les marchés émetteurs, le niveau de vaccination et en assumant qu’il n’y aura pas de perturbation au niveau de la connectivité aérienne, les analystes d’AXYS estiment que Maurice pourra accueillir entre 461 000 et 623 000 visiteurs dans les 12 mois suivant la première phase de réouverture des frontières. Et entre 504 000 et 683 000 touristes dans les 12 mois suivant la seconde phase. Pour les 15 mois suivant la réouverture, AXYS anticipe des recettes touristiques de Rs 28 milliards à Rs 43 milliards.
Le redémarrage du tourisme est la priorité des priorités. Parallèlement, il faudra qu’on s’attelle à repenser notre offre touristique. Car ces 15 dernières années, le secteur a perdu quelque peu de son éclat. Aujourd’hui, dans le bassin de l’océan Indien, les Maldives et les Seychelles sont davantage considérés comme des destinations premium. Les chiffres officiels sont révélateurs de cette tendance. Selon les données compilées par AXYS, le vacancier débourse en moyenne 1 189 euros pour son séjour à Maurice. Une moyenne qui n’a pas beaucoup bougé depuis 1995. Entre-temps, les Maldives et les Seychelles ont continué à accueillir des touristes ayant un meilleur pouvoir d’achat du fait de l’image de qualité associée à leurs complexes hôteliers. Ainsi, en moyenne, un touriste dépense respectivement 1 799 euros et 1 436 euros pour son séjour aux Maldives et aux Seychelles.
Tout l’enjeu résidera à l’avenir dans notre capacité à faire venir chez nous des touristes à plus fort pouvoir d’achat. Pour cela, il s’agira de consolider nos acquis sur le marché européen tout en réorientant notre stratégie commerciale. L’Asie et la Russie sont des marchés extrêmement lucratifs qu’il convient d’exploiter. Le modèle des Maldives peut nous inspirer. 41 % de sa clientèle touristique provient de la zone Asie-Pacifique contre seulement 15 % pour Maurice. Il y a définitivement matière à réflexion pour nos décideurs.