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Prévision économique
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Prévision économique
Les économistes ne font pas des prévisions parce qu’ils savent, mais parce qu’on le leur demande, ironisait John Kenneth Galbraith qui ajoutait ceci : «La seule fonction de la prévision économique est de rendre l’astrologie respectable.» Cette pique assassine trouve une résonance toute particulière à Maurice où les sachants accordent de la valeur à des prédictions chiffrées comme si l’avenir économique du pays en dépendait. Que celles-ci viennent de sources étatiques ou privées, les méthodes quantitatives ne peuvent pas mettre en équation les incertitudes du futur, inconnu et inconnaissable du fait qu’il est déterminé par les comportements futurs des êtres humains qui ne sont pas des objets.
C’est avec beaucoup de sérieux que les instances officielles des statistiques et leurs émules du secteur privé nous balancent les taux de croissance, de chômage et d’inflation, les arrivées et recettes touristiques et le déficit commercial qu’ils prévoient à l’horizon d’une ou de plusieurs années. Crise ou pas crise, ces estimations ne sont que des approximations subjectives de la réalité (c’est le cas du déflateur du PIB), qui doivent être tempérées par le caractère aléatoire des données (telles que les prix), lesquelles fournissent peu d’informations pour identifier les inconnues (comme la nouvelle psychologie des voyageurs) du modèle économétrique. Celui-ci, qui est un ensemble de diverses équations, doit être soumis au test du bon sens : est-il économiquement sensé, et donne-t-il des prédictions convaincantes ?
L’économie n’est pas une science physique ni une science naturelle. Elle a trait à l’action humaine au regard de laquelle on ne peut pas mener des expériences contrôlées en laboratoire (on change une variable, disons le taux d’intérêt, et on mesure la réaction du sujet, par exemple l’investissement). Le laboratoire des économistes, c’est l’histoire, mais les expériences en économie ne sont pas reproductibles, car les phénomènes économiques ne peuvent pas être isolés. C’est donc impossible de prédire des événements futurs de manière précise. La science économique est explicative, et non prédictive.
Celui qui a vanté le pouvoir prédictif supposé de cette discipline est nul autre que Milton Friedman qui, dans son essai «The Methodology of Positive Economics», écrit qu’en ce qui concerne la méthodologie économique, «its performance is to be judged by the precision, scope, and conformity with experience of the predictions it yields». Ce qui compte avec une théorie, ce ne sont pas ses hypothèses, car elles ne sont jamais réalistes, mais «whether the theory works, which means whether it yields sufficiently accurate predictions».
pour valider une théorie est absurde. C’est un axiome fondamental que les gens demandent moins un produit dont le prix grimpe, tout comme la loi de la demande dit qu’une hausse de la demande d’un bien augmentera son prix. Est-ce que le prix montera demain ou dans un mois ? La théorie de l’offre et de la demande n’a pas de réponse à cette question. Mais faut-il rejeter cette théorie parce qu’elle ne peut pas prédire le prix futur du bien ?
Le positivisme friedmanien repose sur des tests empiriques et élève le rôle des mathématiques et des statistiques en économie. Cela enchante les décideurs politiques qui croient faire de l’empirisme un outil pour améliorer et évaluer leurs politiques. Le problème est que les modèles mathématiques réduisent les individus à des robots qui répondent mécaniquement à des changements dans les variables. S’il est vrai que les gens réagissent à une hausse ou baisse de leurs revenus, leurs réactions ne sont pas automatiques.
L’être humain est un animal rationnel, et non une machine. Il agit de façon consciente et intentionnelle. Il utilise son esprit pour faire des choix, et il l’emploie en fonction des circonstances propres à lui. Ce qui rend impossible de saisir la nature humaine au moyen de formules mathématiques.
Il n’existe aucune norme constante pour mesurer les esprits, les valeurs et les idées des hommes. Comme l’affirme Ludwig von Mises dans «Human Action» (1949), «there are, in the field of economics, no constant relations, and consequently no measurement is possible». Ce n’est pas pour autant qu’on ne doit pas prédire en économie, mais la prédiction ne peut qu’être qualitative : on peut prévoir si un prix va baisser ou monter, mais dans une économie de marché, on ne peut pas savoir exactement ce que sera ce prix.
Les meilleurs prévisionnistes sont les entrepreneurs qui réussissent, dont le jugement leur permet d’anticiper les préférences des consommateurs et les conditions du marché. La planification étatique ne peut pas se substituer au flair entrepreneurial ni remplacer le mécanisme des prix par des commandements. L’économie fonctionne par les relations causales entre les actions individuelles et les événements, et non par la prévision qui discrédite la profession des économistes.
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