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Idées recyclées

10 novembre 2021, 10:19

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La COP26 a donné lieu dans les médias à une litanie environnementaliste, dont le moindre n’est pas une imprécation contre le capitalisme : il ne fonctionne que par la surexploitation des ressources, la production de déchets et la pollution. L’île Maurice, que dis-je, la planète ne sera pas sauvée, selon le mot délirant d’un décroissantiste, avec «une économie de marché qui… aura mis en danger d’extinction imminent notre espèce».

Les nouveaux religieux qui vouent un culte à Gaïa, la déesse de la terre, vont taxer de «greenwashing» le Club des entrepreneurs de l’économie circulaire, lancé par Business Mauritius, qui «se veut une réponse concrète à la problématique de la gestion des déchets, particulièrement à la pollution plastique». C’est une initiative louable pour diminuer les émissions de méthane, même si un rapport des Nations Unies souligne les limites du recyclage des plastiques. Le gouvernement vise, d’ici à 2030, à doubler à 80 % le taux de matière recyclée dans les produits en PET qui sont collectés, et à réduire de 70 % la quantité de déchets envoyés à la décharge. De quoi recycler cette idée capitaliste qu’est la valorisation des déchets.

Jamais nous ne vivrons dans un monde parfaitement respectueux de l’environnement. De là à dire que l’économie de marché s’oppose à l’écologie, c’est méconnaître ce que signifie la recherche du profit. Dans «Le Capital», Karl Marx dénonce «l’acharnement fanatique des capitalistes à économiser les moyens de production» pour que «rien ne se perde ni ne soit gaspillé» ; à perfectionner leurs méthodes de travail de façon qu’elles consomment le moins de ressources possible ; à organiser le recyclage des déchets pour satisfaire le «besoin d’économiser les éléments de production» (livre III, chapitre V, section 1).

Ainsi Marx a vu juste sur le recyclage, qui a été inventé, bien avant les premiers écologistes, par des industriels à la recherche de débouchés pour leurs déchets. Il est naturel pour un capitaliste de vouloir économiser les ressources et recycler les déchets. «A fortiori» sur un marché concurrentiel, il est dans l’intérêt des entreprises de produire plus avec moins de ressources, car les déchets relèvent du gaspillage. La recherche du profit incite les industriels à se comporter de manière éco-responsable en développant de nouveaux usages pour leurs déchets, au lieu de les rejeter à perte dans la nature. Le droit de propriété fait que personne ne gagne à surexploiter les ressources rares qui lui appartiennent, car les ressources surexploitées perdent de la valeur.

La notion d’éliminer le gaspillage se trouve dans le concept d’efficacité économique : gérer moins de ressources par unité produite. De même, le profit indique que l’entreprise a combiné divers facteurs de production (travail, machines, matières premières, terrain, bâtiment) de telle sorte qu’ils sont valorisés par les consommateurs du produit, ce qui veut dire que ces ressources n’ont pas été gaspillées. Le profit est un signal que les consommateurs approuvent la manière dont la firme utilise les ressources. À l’inverse, les pertes d’une entreprise traduisent un gaspillage de ressources.

Recyclage n’est pas synonyme de conservation, car des ressources naturelles sont requises pour recycler les déchets : il faut dépenser de l’énergie et faire rouler des usines et des camions qui créent de la pollution. Seule une analyse coûts-bénéfices, fondée sur des prix de marché, peut déterminer si telle activité de recyclage est écologiquement favorable et économiquement rentable.

Pour être viable, une entreprise de recyclage doit savoir s’il est moins coûteux de fabriquer les mêmes produits à partir de matériaux recyclés qu’en recourant aux matières premières. Elle compare les coûts des ressources consacrées au travail de recyclage avec les revenus qu’elle espère tirer des produits recyclés. C’est par ce mécanisme de pertes et profits que les ressources sont affectées à leurs fins les plus productives.

Comme ce sont des coûts et bénéfices futurs, on estime leur valeur actuelle. Est crucial le taux d’actualisation, la façon dont on évalue ceux-ci par rapport à aujourd’hui. Si une roupie vaut dans 30 ans 20 sous aujourd’hui, soit une actualisation très élevée des pertes futures, prendre des actions fortes maintenant face à un risque incertain demain sera un gaspillage d’argent. Mais si une roupie vaut dans 30 ans 50 sous aujourd’hui, on sera motivé à agir pour éviter ces pertes. À charge pour la Banque de Maurice de se concentrer sur sa mission première, qui est de combattre l’inflation.

Des incitations à limiter les coûts, à faire des profits, sont autant d’incitations à conserver des ressources, à minimiser leur usage. La recherche de la rentabilité ne conduit pas à la destruction de l’environnement, mais à atténuer l’impact environnemental des activités économiques. S’il faut recycler le capitalisme, c’est en réalignant capital financier, capital physique, capital humain et capital naturel.