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Une nouvelle feuille de route pour l’économie mauricienne

25 mai 2022, 09:00

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Dans quelques semaines, le Grand argentier présentera la loi de finances 2022-2023. Renganaden Padayachy n’est pas dupe : il sait qu’il cristallisera toutes les attentions et que son troisième Budget doit non seulement adresser les priorités socio-économiques sur le court terme, mais aussi avoir des allures de feuille de route balisant la voie à suivre pour l’émergence d’un nouveau modèle économique.

Les crises successives qui nous traversent depuis voilà deux ans ont laissé des blessures profondes. Et les cicatrices ne s’effaceront pas de sitôt. Il y a eu un net recul d’un point de vue macroéconomique, mais aussi au niveau du développement humain. Plus que jamais, les vulnérabilités de notre petit État insulaire sont mises à nu. La douce léthargie dans laquelle on s’est laissé bercer et qui a poussé tous les gouvernements qui se sont succédé jusqu’ici à repousser sine die la nécessité de s’attaquer à des dysfonctionnements structurels inhérents à notre économie, comme notre trop grande dépendance aux importations de produits pétroliers et alimentaires, fait qu’aujourd’hui l’on subit de plein fouet l’escalade des prix résultant des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Avec pour résultat que l’insécurité alimentaire et l’insécurité énergétique se posent comme des menaces potentielles.

«Le Budget 2022-23 sera l’occasion pour le ministre des Finances d’agir sur le levier de l’offre et de la demande pour déverrouiller la croissance»

Ce cycle de crise nous rappelle donc qu’il ne faut pas dissocier les priorités de court et de long termes. En bon père de famille, le ministre des Finances est certainement déjà dans cette réflexion. De même, il sait pertinemment qu’au vu de la dégradation des indicateurs économiques, avec une dette publique calculée à 88,6 % du PIB à fin mars (celle-ci est sans doute à plus de 100 % en comptabilisant la masse monétaire dans les Special purpose vehicles), un creusement du déficit de la balance courante (Moody’s anticipe un déficit de -16,3 % en 2022 contre -14,8 % l’année dernière) et une inflation globale estimée à 8 % en 2022 toujours selon les prévisions de Moody’s, il est tenu de rentrer dans le rang et d’avoir une approche plus conventionnelle après avoir laissé filer la dette publique et utilisé abondamment l’instrument monétaire.

Le Budget 2022-23 sera l’occasion pour le ministre des Finances d’agir sur le levier de l’offre et de la demande pour déverrouiller la croissance. Du côté de l’offre, la priorité sera d’accorder un soutien appuyé aux opérateurs économiques, en particulier les industriels qui, avec la guerre en Ukraine, voient leur compétitivité s’éroder. Dans le même temps, il faudra soutenir pleinement la production locale. Enclencher un processus de réindustrialisation est une priorité absolue. Outre de créer des structures d’accompagnement, il faut alléger la charge des opérateurs et leur permettre d’investir dans la modernisation de leurs équipements. Cela peut se faire, par exemple, en augmentant le pourcentage du crédit d’impôt à l’investissement auquel sont éligibles les compagnies manufacturières.

«Renganaden Padayachy pourra compter pour la présente année fiscale sur une plus grosse manne financière pour se donner un peu d’air»

Renganaden Padayachy devra trouver la bonne alchimie et combiner la relance à court terme avec des réformes structurelles dans des secteurs clés comme le tourisme, l’agriculture et l’énergie verte. Sur ces questions, les acteurs économiques et les pouvoirs publics partagent la même vision. Il est désormais temps de passer à l’action.

Tout en restant cohérent avec sa vision de préparer l’économie de la vie – concept développé par le philosophe français Jacques Attali et qui est pertinent dans la conjoncture actuelle du fait qu’il prône une certaine diversification de l’économie –, le ministre des Finances devra, avec force mesures conjoncturelles, mettre en place les structures et le cadre approprié pour inciter le secteur privé à investir dans l’économie de demain. On parle là bien évidemment de ces secteurs d’avenir que sont : l’industrie locale, la santé, l’alimentation, l’agriculture, l’énergie propre, le numérique, l’éducation, le logement, la culture ou encore le sport.

Du côté de la demande, il s’agira de rétablir le pouvoir d’achat du Mauricien qui s’est considérablement effrité ces trois derniers mois avec le conflit russo-ukrainien qui met une pression énorme sur les prix des produits alimentaires et des hydrocarbures. Pour les mois de mars et d’avril, l’inflation en glissement annuel affichait un taux à deux chiffres. Certains observateurs économiques sont d’avis qu’un scénario d’une inflation à 15 % est tout à fait plausible. La dernière hausse du prix de l’essence de Rs 67,40 à Rs 74,10 le litre et l’aveu d’impuissance du directeur exécutif de la State Trading Corporation qui a concédé que le Price Stabilization Account est à sec ne laissent rien augurer de bon. Hormis d’entraîner dans son sillage une paupérisation de la population, cette situation d’inflation persistante va invariablement donner lieu à une baisse de la consommation. Un autre coup dur pour l’économie mauricienne où la consommation représentait 72,9 % du PIB à fin décembre 2021. Quelle sera la recette du ministre des Finances pour inciter les consommateurs à dépenser alors qu’ils ont le sentiment d’être saignés à blanc ? Est-ce qu’il va utiliser le discours du Budget pour annoncer une baisse du prix du carburant ? Est-ce qu’il va augmenter les subventions sur les produits alimentaires ? Suivra-t-il la suggestion du Group CEO d’IBL Ltd, Arnaud Lagesse, qui estime que nous sommes dans une situation de force majeure et que les fonds de la Mauritius Investment Corporation pourraient être mis à contribution pour combattre la perte du pouvoir d’achat ? Ou encore va-t-il augmenter le salaire minimum au risque de fragiliser davantage les entreprises, en particulier les PME ?

Mais la bonne nouvelle, c’est que par rapport à l’exercice financier 2021-2022, où les recettes fiscales totalisaient seulement Rs 82,9 milliards, Renganaden Padayachy pourra, grâce au redémarrage de l’économie avec la reprise dans le tourisme et les dépenses supérieures à la consommation, compter pour la présente année fiscale sur une plus grosse manne financière pour se donner un peu d’air.