Publicité

La politique monétaire à la rescousse !

18 janvier 2023, 09:05

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

En l’espace d’une douzaine d’années, le monde a fait face à deux crises économiques majeures. Il y a eu d’abord la grande récession de 2008 résultant de la crise des prêts hypothécaires à risque. Puis, la crise économique liée à la pandémie qui a plongé l’humanité dans sa période la plus sombre depuis la Seconde Guerre mondiale. Si l’on a pu survivre à chaque fois, c’est en grande partie grâce à la robustesse du système bancaire et aux moyens financiers colossaux déployés pour soutenir les agents économiques.

Paradoxalement, c’est l’expérience acquise durant la crise de 2008 et les garde-fous mis en place pour expurger les institutions financières des actifs toxiques dans le but d’éviter un autre épisode fâcheux comme celui ayant mené à la chute du colosse qu’était Lehman Brothers qui ont permis aux banques centrales d’agir avec promptitude quand le monde a été placé en confinement en élaborant des instruments non conventionnels pour abreuver les entreprises comme les ménages de liquidités.

Mais le grand confinement a fortement grippé les rouages de la mécanique du libéralisme. Si bien que l’on en ressentira les effets délétères pendant encore longtemps. La guerre d’agression de la Russie en Ukraine est venue compliquer les choses. Aujourd’hui, nous sommes de plain-pied dans un cycle de stagflation. L’escalade des prix des énergies et des produits alimentaires est tellement inquiétante que le concert des nations n’a eu d’autre choix que de privilégier la lutte contre l’inflation aux dépens de la croissance. Pour vaincre cet ennemi tenace, c’est une nouvelle fois le système bancaire qui est mis à contribution. C’est ainsi que sur ces 12 derniers mois, les banques centrales, à commencer par la Réserve fédérale, se sont engagées dans une stratégie agressive de resserrement monétaire en vue de casser l’inflation. Dans le cas de la Banque de Maurice, elle a relevé son taux directeur de 1,85 % à 4,5 %. Ces multiples tours de vis monétaires ont jusqu’ici permis de stabiliser la roupie et, ainsi, de rendre le pays moins vulnérable à la volatilité des taux de change. Bien que la pilule soit amère à avaler notamment pour les entreprises endettées, il faut bien comprendre que cette politique de désinflation est cruciale pour un petit État insulaire comme Maurice, qui demeure un importateur net. Tant qu’on n’aura pas transformé notre économie et diminué notre dépendance des hydrocarbures et des produits de consommation courante, on sera dans cette situation d’extrême vulnérabilité.

En attendant, il s’agit de mettre en place les structures pour mieux se protéger contre la volatilité des prix. C’est ainsi que sur les recommandations du Fonds monétaire international et de Moody’s, la Banque de Maurice a développé son nouveau cadre de politique monétaire, qui est pleinement opérationnel depuis le lundi 16 janvier. Le changement majeur, c’est l’introduction d’un mécanisme plus moderne pour les opérations de refinancement des banques sur le marché interbancaire. Ainsi, le Key Rate vient remplacer le Key Repo Rate, qui était en vigueur depuis 2006.

La modernisation du cadre de politique monétaire est essentielle du fait qu’il y a un décalage entre le taux repo et les taux d’intérêt. Cela nuit au mécanisme de transmission monétaire car les taux négociés sur le marché interbancaire s’éloignent quelque peu des objectifs en termes de ciblage de l’inflation.

Le principal instrument de la politique monétaire est désormais les bons du Trésor à 7 jours. Ceux-ci sont émis chaque vendredi à un taux fixe similaire à celui du taux directeur lors des opérations d’adjudication. Récemment, le Gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegolam, avait indiqué que depuis le 4 août dernier, l’autorité monétaire vend aux banques ces billets à 7 jours, à une moyenne de Rs 8,5 milliards par semaine.

Quant à l’objectif opérationnel du nouveau cadre de politique monétaire, c’est désormais le taux interbancaire au jour le jour (Overnight interbank rate) qui est pris en compte au lieu des 91-Day Bank of Mauritius Bills. Ce faisant, la Banque de Maurice s’aligne sur la pratique de la Réserve fédérale qui est d’utiliser des instruments à court terme pour aligner les taux d’intérêt sur le taux de refinancement et mieux ancrer les anticipations inflationnistes.

Avec ce nouveau cadre, la Banque centrale se fixe, par ailleurs, pour objectif de privilégier une formule de ciblage d’inflation flexible. Cela veut dire que son engagement d’œuvrer en faveur de la stabilité des prix n’est pas une fin en soi et que le but de la politique monétaire doit également être de favoriser la croissance, de protéger l’emploi ou encore de limiter la volatilité du taux de change. La cible d’inflation se situe dans la fourchette de 2 - 5 % avec l’objectif d’arriver à un taux moyen de 3,5 % à moyen terme.

L’autre intérêt d’utiliser les bons à 7 jours comme principal instrument de la politique monétaire est d’assurer un meilleur contrôle sur l’excès de liquidité dans le système bancaire. On le sait, depuis l’éclatement de la crise, l’excès de liquidité est devenu systémique. Car les banques sont plus réticentes à débloquer du crédit du fait que les risques de défaut de paiement sont plus élevés et parce qu’elles doivent suivre scrupuleusement des directives macro-prudentielles strictes et limiter le niveau des prêts non performants. À fin décembre 2022, l’excès de liquidité s’élevait à Rs 19,4 milliards en monnaie locale et Rs 27 milliards en devises étrangères. Un taux élevé mais qui a tout de même fortement baissé par rapport à décembre 2021, lorsque l’excédent de liquidité totalisait Rs 40,1 milliards en monnaie locale et Rs 57,4 milliards en devises étrangères. Un meilleur contrôle sur le niveau de l’excès de liquidité implique une réduction des pressions inflationnistes.

Par ailleurs, vu que ces instruments à court terme seront émis au même taux que le Key Rate, cela implique que les banques seront rémunérées à un taux plus élevé que sous l’ancien régime du Key Repo Rate. La Banque centrale s’attend ainsi à ce que les banques passent cette meilleure rémunération à leurs clients, au travers d’un meilleur taux à l’épargne. De même, le Prime Lending Rate devrait être ajusté en conséquence.