Publicité

Lord-maire, maires, présidents, conseillers – devenus bibelots

22 juillet 2023, 10:13

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Les responsables politiques des administrations régionales, urbaines comme rurales, réduits maintenant à de simples bibelots, émasculés qu’ils soient de ce qui restait de leur pouvoir alors que ceux qui contrôlent le gouvernement central deviennent encore plus puissants.

C’est ce qu’on pourrait conclure des amendements apportés à la Local Government Act dans la foulée de la présentation du Finance Bill le mardi 18 juillet. En effet, différents gouvernements ont utilisé l’astuce du Finance Bill pour modifier les règlements touchant à l’administration publique en général. C’est en modifiant les provisions touchant au Permits and Business Monitoring Committee (PBMC) que le gouvernement central vient d’ôter aux élus politiques des administrations régionales le pouvoir d’octroyer des permis d’opération à des entrepreneurs.

Avant les amendements, le PBMC était composé de neuf personnes, soit cinq conseillers et quatre fonctionnaires de l’entité régionale concernée. Clairement, les élus politiques constituaient une majorité. Avec les amendements, le ministre pourrait dorénavant nommer deux personnes encore sur ce comité. Ce qui fait que les non-politiques sur le comité seront à six contre cinq conseillers. C’est un fait que la carrière des fonctionnaires employés dans les administrations régionales dépend non pas des élus locaux mais du gouvernement central. Ce qui fait qu’ils choisissent généralement d’agir en fonction des directives reçues de «là-haut» plutôt que des colleurs d’affiche qui agissent comme conseillers dans les administrations régionales et qui sont vus comme des oiseaux de passage. Les fonctionnaires sont là pour la durée, jusqu’à l’âge de la retraite. Ils aiment se barricader derrière le label «permanent».

Avec la nouvelle configuration, en plaçant deux nominés politiques dans le PBMC, le gouvernement central se construit une majorité pour avoir le dernier mot dans l’approbation des permis d’opération dans les villes comme les villages du pays. En fait, jusqu’ici tout demandeur de permis de construction ou d’opération, en cas de présence de «requins» sur son passage, devait trouver des moyens pour se faire soutenir par les élus comme fonctionnaires. Il devait enlever l’un après l’autre les «bâtons dans la roue». Aux termes du nouveau système, il lui suffirait d’enlever un seul obstacle – un gros bâton celui-là.

Depuis des décennies, les administrations régionales ont été fortement marquées par diverses formes de corruption pratiquées loin du regard public. Seuls quelques cas finissent par défrayer la chronique. On se souviendra du cas du maire qui avait obtenu un appartement en cadeau. Et cela suivant l’octroi, dans des circonstances fort scandaleuses et en violation des règlements concernant les intérêts des voisons, d’un permis de construction d’un immeuble. On connaît aussi le cas de cet autre chef politique régional qui pendant son mandat réussit à grimper hors d’une modeste demeure dans un complexe NHDC pour se retrouver propriétaire d’une superbe villa sur la côte. Dans des conseils de district, l’octroi des contrats de ramassage d’ordures a souvent donné lieu à des marchandages.

Jusqu’à la décision de sir Anerood Jugnauth de faire fonctionner la Local Government Service Commission (LGSC), les administrations régionales disposaient du pouvoir de recruter des employés et de décider de leur carrière. Evidemment cela donna lieu à des pratiques de corruption et aussi de copinage politique. C’est un gouvernement travailliste en 1975 qui avait jeté les jalons pour la création de la LGSC mais c’est SAJ qui fit fonctionner cette institution en 1983 avec pour objectif de limiter le rayonnement du MMM qui contrôlait alors les cinq municipalités du pays.

Avec la dernière opération du gouvernement central d’enlever aux administrations régionales le pouvoir d’octroyer des permis, il ne reste plus que trois fonctions majeures d’intérêt public qui touchent aux Mauriciens en général et qui sont administrées par les municipalités et les conseils de district : le ramassage des ordures, l’éclairage public et le maintien des rues. Ces fonctions pourraient être facilement assurées par des contracteurs choisis par le gouvernement central. Ce qui fait que le pays ne souffrirait pas davantage si les administrations régionales soient tout simplement abolies.