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Blood, sweat and... Tears

16 février 2024, 10:46

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Blood, sweat and... Tears

Nous, fils de coolies proclamés, devrions avoir honte de la façon dont nous traitons la main-d’œuvre étrangère, notamment indienne, malgache et bangladaise. De 2019 à 2023, le ministère du Travail a reçu 71 424 demandes de permis de travail, le précieux sésame. De nos jours, nos jeunes refusent parfois de reprendre le métier de leur père, tel celui de petit planteur. Aussi, nous assistons à une débandade au niveau des hôtels de tourisme, chantiers de construction, usines textiles, boulangerie, grandes surfaces commerciales, restaurants, transport, nettoyage, santé…

Cette main-d’œuvre, comme les plombiers ou électriciens, se raréfie car c’est presque la revanche des petits artisans et métiers. Le Canada les accueille à bras ouverts et les hôtels pratiquent le débauchage en faisant miroiter de meilleurs salaires. Beaucoup préfèrent aller trimer durement sur des paquebots de croisière pour ramener deux ans après un pactole qui leur permettra d’élever leur niveau de vie. Comment le leur reprocher ?

Main-d’œuvre indispensable

C’est clair que Maurice doit avoir recours à cette main-d’œuvre étrangère. Au 30 juin 2023, 36 323 permis de travail avaient été accordés. On y trouve surtout des Bangladais, des Indiens, des Srilankais, mais aussi – et c’est surprenant – des Latino-américains ! Hormis des exceptions d’un patronat compréhensif, pour la plupart ces migrants vont vivre un enfer sur leur lieu de travail ou dans des dortoirs insalubres. Certaines conditions de vie sont exécrables comme des hangars de 40 lits dans un espace restreint, de l’eau à peine potable, et un coin cuisine pour tous. Les cancres sont… las ainsi que les punaises dans les matelas. Ils encaissent parce que la famille au pays attend leurs maigres revenus pour joindre les deux bouts.

Comment fuir puisque leurs passeports sont saisis. Quelques-uns n’y pouvant plus s’évanouissent dans la nature ou contractent un mariage blanc pour pouvoir rester dans ce paradis que les agents recruteurs leur avaient dépeint. Ils s’aperçoivent qu’une partie de leurs salaires est prélevée pour payer le logement et la nourriture, qui n’est pas du tout ce qui avait été promis. Mais qui sont ces agents recruteurs qui les embobinent ? Des dessous-de-table pour décrocher un permis de travail ? Il y a même eu un suicide.

On a compté jusqu’à 33 000 Indiens et 23 000 Bangladais. Des psychologues ont dû s’occuper de certains qui étaient déprimés et à bout de souffle. Ce sont bien ceux-là que les journaux ont montrés dormant sur les trottoirs en attendant devant les banques pour transférer leur argent. Pas de ‘sick leave’ prévu. Les salaires n’arrivent pas toujours à temps, déductions comprises. Et nous passons devant impassibles, insensibles à leurs horaires de travail et à leur devenir. Quelques fuyards se rabattent sur de petits boulots au noir que des Mauriciens ne veulent plus assumer : pêcheur, laboureur, cuisinier, gardien de nuit… tout ce qui n’était pas spécifié dans leur contrat.

Est-ce que les autorités ferment les yeux : «Les zot gagn enn bousé manzé». Dans un proche avenir, Maurice aura encore plus besoin de cette main-d’œuvre, sinon ce manque de bras ralentirait l’économie et les projets en cours. Personne ne pense à leur donner des petits cours en langues. Le textile emploie des centaines de Chinoises en raison de leur dextérité à fignoler certains ouvrages. La plupart sont des filles-mères qui ont laissé leur unique enfant à leurs parents. Une bonne partie de leurs salaires repart vers la Chine. Quelques-unes se maquillent le dimanche… pour arrondir les fins de mois. Nécessité oblige…

Les femmes malgaches

Un cas à part quand on tient compte du contexte dans lequel elles survivent à Madagascar, l’île-continent qui aurait pu être le grenier de la région. Passons sur les outrances (événements de 1947) de la colonisation française pour dénoncer peu après l’indépendance le coup d’État de Ratsiraka. Ce dernier coupe complètement les ponts avec la France et se met en tête et pratique le modèle communiste nord-coréen. Mais comment vivre en autarcie en se nourrissant des pensées de Kim Il Sung ?

Plus grande que la France en superficie, Madagascar a tout pour réussir : un sol plein de minerais, dont le mica indispensable à la voiture électrique et même, dit-on, de l’uranium. Des centaines de plantes médicinales introuvables ailleurs. Avec 30 millions d’habitants, elle est la cinquième plus grande île au monde dotée d’une faune (les lémuriens) et d’une flore uniques tout comme sa population. Un mélange jamais vu ailleurs d’Indonésiens et d’Africains pour simplifier.

Les artisans et les musiciens malgaches sont parmi les plus doués alors que 37 % des habitants sont analphabètes. Ils travaillent le bois et leurs pierres d’une façon admirable. Le peuple malgache qu’il soit côtier ou vivant sur les hauts plateaux est hospitalier, mais souffre d’une des plus grandes pauvretés au monde. 75 % vivent sous le seuil de pauvreté, souffrant de malnutrition, de famine, de malaria, et les cas de HIV se propagent. La déforestation fait des ravages. Seul 15 % du pays est électrifié. Quant aux routes, vu la superficie du pays… combien ont accès à une eau potable ?

Gros cultivateurs de riz et de vanille, Madagascar importe du riz pour tenter de nourrir sa population. Nous comprenons alors pourquoi des jeunes filles et femmes malgaches font des queues interminables pour acquérir une carte de travail à Maurice puisqu’elles n’ont droit qu’à un salaire mensuel des plus bas au monde. Elles succombent quand les fameux recruteurs leur racontent des contes de fées. Engagées comme danseuses, elles se retrouvent masseuses/prostituées sous le joug de souteneurs. Certaines sont traitées comme des esclaves, ne peuvent ni sortir, ni manger. Leurs passeports sont saisis. Elles n’ont droit à aucun soin médical. Parfois, elles se retrouvent à mendier pour de petits boulots : baby-sitter, barwoman, cuisinière, femme de ménage au noir… Quand elles sont payées ! Rares sont celles qui réussissent à se faire une place au soleil. D’autres transportent de la drogue même dans leurs parties intimes.

Coup de sang

Que font les autorités, les inspecteurs du travail, ces quelques patrons sangsues qui les font suer sang et eau ? Il aura fallu que la presse internationale intervienne et étale ces cas d’esclavage entourés de punaises qui sucent leur sang. Certains de ces migrants ne seraient-ils pas parfois de lointains cousins, donc du même sang ? La Mauritius Export Association va sévir car ce sang coule aussi dans les veines de notre économie. Sang… lots sur la coolie… tude ?

Sorti prémié dan laké!