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Kronik-KC Ranzé

Botte, bottons, bottez !

24 mars 2024, 09:37

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Botte, bottons, bottez !

C’est l’histoire de trois pavillons. Le premier était orange et réunissait deux triangles et il a fait surface à la veille de la fête Maha Shivaratree, qui comprend la marche annuelle des pèlerins vers Ganga Talao. Ces pavillons, tous identiques, agrémentés d’un message sous forme de texte pas lisible pour le commun des mortels, se sont retrouvés en tel nombre, partout dans le pays, qu’il n’est pas possible qu’ils n’aient pas été commandés en vrac. Par qui ? Pourquoi ? Dans les jours qui suivirent, ils s’affichaient sur des résidences, des magasins, des voitures, des colonnes électriques comme des fanions indiquant une spécificité ‘à part’, du «nou ki la !», une démonstration de présence et de force…

Le deuxième c’était le pavillon de l’Inde, nettement moins fréquent que le pavillon orange. Il était rendu visible plutôt naturellement, vu l’inauguration des nouvelles facilités monumentales (piste d’atterrissage, quai, hôpital, hangars, etc.) complétées à Agaléga par AFCONS, grâce à l’incroyable générosité de l’État indien. Mais aussi parce que l’invitée d’honneur pour le 12 mars était Droupadi Murmu, présidente de la République indienne, une dame apparemment charmante et au parcours exemplaire.

Je craignais le pire pour le troisième pavillon, celui aux quatre couleurs de la République, qui aurait pu, devant un tel déferlement, se faire discret et même pudique autour du 12 mars.

Il n’en a rien été ! Peut-être même que les convaincus que les bottes secrètes que sont le mauricianisme et l’unité nationale auront réagi en affichant leurs couleurs plus visiblement que d’habitude ? Le spectacle fut rassurant. Si certains préfèrent afficher leur différence, une autre majorité s’est visiblement décidée à proclamer ce qui les soude par-delà leurs différences ! Dans le parcours qui mène un pays à se construire, n’est-il pas évident qu’à trop souligner les parenthèses qui nous séparent plutôt que les traits d’union qui nous unissent, on peut accoucher d’une hypothèque embarrassante sur nos avenirs communs ?


«Ça ne peut plus se continuer», aurait dit notre avant-dernier Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, devant l’énormité des conséquences d’une guéguerre qui perdurerait entre le Directeur des poursuites publiques (DPP) et la police, alors qu’ils sont censés travailler de concert, pour assurer l’État de droit.

Nous en sommes arrivés là parce que le pouvoir politique, sous la direction du MSM depuis 2015, n’est pas satisfait de l’indépendance acquise et défendue par le DPP, alors qu’il s’évertue systématiquement depuis cette date-là, à mettre un maximum des institutions du pays ‘sous bol’. L’important pour le MSM a toujours été de centraliser les pouvoirs et de contrôler ceux qui devraient agir indépendamment dans le système de ‘checks and balances’ prévu par notre Constitution. Le MSM n’a pas été seul à ce jeu, loin s’en faut, mais il a clairement été le plus déterminé et le plus vigoureux dans cette voie. Notre Orban à nous, nous l’avons depuis longtemps déjà et les initiatives en faveur de l’espace démocratique, de la transparence et de la liberté d’expression n’existent quasiment pas, hormis la retransmission des débats parlementaires – qui relèvent malheureusement maintenant plus d’un jeu de massacre ! Machismo oblige ! Y compris pour certaines dames…

Les urticaires du pouvoir face à l’indépendance du DPP prirent d’abord, l’on s’en souviendra, la forme d’un Prosecution Commission Bill en décembre 2016, qui voulait modifier la Constitution pour sérieusement amoindrir les pouvoirs du DPP. Le PMSD y reconnaissant les appétits autocratiques de son partenaire, démissionnait courageusement du gouvernement et lui enlevait ainsi sa majorité de trois quarts, ce qui fut terminal pour cette loi scélérate. Plus récemment, on a essayé de contourner le roc constitutionnel en faisant voter le Financial Crimes Commission Bill qui tente aussi d’éroder les pouvoirs du DPP, qui se défend depuis, constitutionnellement.

Entre ces deux moments, on a assisté médusés, en juillet 2015, à une tentative d’arrestation du DPP, Me Satyajit Boolell, au prétexte de l’affaire SunTan, et après les dépositions de Showkutally Soodhun et de Roshi Bhadain au Central Criminal Investigation Department ! C’était sans compter, heureusement, l’intervention des hommes de loi Anwar Moollan et Hervé Duval, du tribunal et du Habeas Corpus. On ne sait toujours pas comment un mandat de magistrat a pu être signé en la circonstance ! Impunément ? Plus près de nous, les démêlés du fils du commissaire de police avec un DPP intransigeant et l’absence d’objection du DPP pour relâcher Akil Bissessur, Bruneau Laurette, Sherry Singh et Chavan Dabeedin alors que la police préférait les garder en cellule sous des charges provisoires, ont mis le feu aux poudres quant à savoir qui empiétait sur le territoire de qui. Le président de la République ne frappant personne comme souhaitant exercer ses pouvoirs de manière indépendante, le conflit est donc devant le full bench de la Cour suprême.

Quand l’assistant commissaire de police Gangadin attaque les officiers du DPP pour avoir rayé des contraventions pour excès de vitesse à la veille des débats en Cour suprême, on pense à une mauvaise télénovela, mais à mon humble avis, la discrétion qui semble-t-il existe à l’ODPP pour rayer des amendes, même si bien motivée au départ, embarrasse et devrait être volontairement annulée. Les automobilistes menteurs ne devraient pas pouvoir bénéficier de leurs fourberies en abusant de la bonne foi du DPP, qui a bien mieux à faire de son temps, de toute manière.

Par contre, la section 72 de la Constitution semble inattaquable et la formule de Me Sanjay Buckhory, lead counsel du DPP, selon laquelle «nous sommes dans un État démocratique et non dans un État policier, où le CP veut importer le Police Act dans la Constitution», fait mouche, d’autant que dans les quatre cas susmentionnés, la non-objection du DPP n’est pas exécutoire, mais n’est qu’un avis devant un magistrat qui est finalement celui qui décide. Faudra-t-il les mettre ‘sous bol’ eux aussi ? Au moment où les ennemis perçus du gouvernement étaient arrêtés régulièrement, accompagnés de soupçons de ‘planting’ ou de ‘met enn cracking’, la police choisissait son camp, le DPP le sien et la cour de justice, encore libre, tranchait en faveur des libertés ! Encore heureux !

N’oublions pas par ailleurs que ce ‘boubou’ de charges provisoires qui divise ne se trouverait pas dans nos textes de loi et serait plus une habitude qu’un outil légal formel ! Il trouverait ses origines dans la radiation de l’ordonnance 35 de 1852 (*). Et si, pour solutionner la question, il suffisait d’être progressiste et de voter plutôt une bonne version du Police and Criminal Evidence (PACE) Bill qui attend son apothéose depuis 2013 ? Cela réduirait sans doute les risques grandissants de bruits de bottes d’un État policier ?

Certains, malheureusement, réalisent mieux leurs desseins avec le système plus arbitraire actuel…


Dans les élections qui vont suivre, la décision de l’électeur, vitale, ne se façonnera pas toujours de manière rationnelle.

Voyons quelques cas. D’abord la promesse de 2014 de l’eau 24/7 ! Deux mandats plus tard, le problème est loin d’être résolu et on perd toujours 55 % de l’eau traitée dans le réseau, au point où des ministres, PM en tête, auront tenté, de désespoir, d’expliquer que 24/7 ne voulait… pas nécessairement dire ce que le public croyait. Or cette énorme promesse non respectée ne sera probablement pas retenue contre le gouvernement puisqu’exceptionnellement cette année les réservoirs sont remplis et qu’il n’y a pas eu de coupures, grâce aux pluies depuis la Toussaint !

Le gouvernement ne viendra quand même pas dire qu’il est responsable de la pluviométrie ? Couteau à double tranchant d’ailleurs ! Surtout si le prochain été est sec et qu’il précède les prochaines élections générales…

La pension à Rs 13 500 à partir de 60 ans est, par contre, une promesse tenue ! Cependant, quand la promesse fut faite au 7 novembre 2019, jour des élections, le dollar valait Rs 36,88. Il vaut aujourd’hui Rs 46,55. Les Rs 13 500 de novembre 2019 valent donc aujourd’hui Rs 10 696. Si cela reste, clairement, une amélioration, cette carotte-là est déjà cuite – puisqu’elle est déjà dans l’assiette –, aura déjà été consommée avant les élections et a reçu la garantie de l’opposition qu’elle sera respectée. Dès lors, contrairement à 2019, un retraité peut seulement voter MSM en guise de remerciement pour sa pension réelle de Rs 10 696, ce qui n’est pas gagné. La nouvelle pension n’a plus de valeur électorale anticipative !

Gare donc aux promesses démagogiques à venir et à leurs conséquences économiques !

Un dernier cas : les travaux publics. On nous les présente comme des cadeaux à la population. Or ce n’est rien de la sorte, les travaux publics, que ce soit pour Terre-Rouge–Verdun ou le pont GRNO, le nouvel aéroport de Plaisance ou le métro étant parmi les DEVOIRS qu’ont les gouvernements pour améliorer la vie du citoyen. C’est alors à ce dernier seul de juger si la dépense était bien inspirée ! Il s’agit d’ailleurs de SON argent, pas de celui des dirigeants qui sont, par ailleurs, payés pour servir ! Un port malade et inefficient, alors que l’on dépense des milliards dans SAFE CITY ; des routes défoncées ici et là, alors qu’on dépense gaiement à Agaléga, ça vous botte ou ça mérite la botte ?

( * ) https://lexpress.mu/idee/273600/provisional-charge-conundrum