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Mères adolescentes
Ces jeunes motivées à poursuivre leurs études malgré la grossesse
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Mères adolescentes
Ces jeunes motivées à poursuivre leurs études malgré la grossesse
Durant les six premiers mois de l’année, 135 naissances ont été enregistrées chez les adolescentes âgées de 14 à 17 ans. Malgré les difficultés accompagnant une grossesse précoce, nombre de ces jeunes filles tiennent à poursuivre leur scolarité. Tout est question de soutien.
À 16 ans, Clara (prénom fictif) s’est retrouvée enceinte mais hésitante à en parler à sa famille afin de trouver du soutien. «Elle était enceinte de cinq mois lorsqu’elle nous l’a annoncé» , nous confie sa mère. Sa grossesse, dans un premier temps, n’a pas été bien perçue par les membres de la famille. «J’ai d’abord été très contrariée, car étant la plus jeune de trois filles, Clara était la plus aimée et je voulais qu’elle se concentre sur sa carrière. Cela a été un choc.» Clara n’est pas la seule à avoir vécu cette expérience en tant qu’adolescente. Cette année, de janvier à juin, le pays a enregistré 139 naissances chez les mères adolescentes, selon les chiffres communiqués par le ministère de la Santé. Des efforts collectifs restent encore à faire afin de permettre aux mères adolescentes de faire preuve de résilience, estime Vidya Charan, directrice de la Mauritius Family Planning and Welfare Association. Elle note que beaucoup de ces adolescentes sont déterminées et motivées à poursuivre leurs études malgré leur grossesse. Et ce, avec le soutien de leurs parents et, souvent, de leur partenaire.
«En moyenne, nous recevons une vingtaine de cas de grossesses précoces par mois, principalement chez les jeunes filles âgées de 15 à 17 ans. Lorsque nous travaillons avec elles, nous constatons que 50 % d’entre elles veulent continuer à aller à l’école pour terminer leurs études, tout en étant conscientes qu’elles seront certainement confrontées à des contraintes pour réaliser d’autres projets qu’elles pourraient avoir, après l’accouchement. D’autres choisissent plutôt de se concentrer entièrement sur les responsabilités liées à la maternité et expriment le souhait de planifier avec joie un deuxième enfant. Nous faisons en sorte de travailler avec elles pour les accompagner tout au long afin qu’elles se sentent soutenues et en sécurité» , explique Vidya Charan.
Comment cela se passe du côté des écoles ? La prise en charge des adolescentes en état de grossesse nécessite de faire preuve de résilience et non de stigmatisation, souligne Clive Anseline du Service diocésain de l’éducation catholique (SeDEC), qui indique que des cas, peu nombreux, sont recensés dans les établissements relevant de l’organisation. «Pour les accompagner, nous faisons tout pour ne pas les stigmatiser, mais plutôt adopter une approche encourageante car nous sommes conscients qu’il peut être difficile pour de nombreuses collégiennes d’obtenir un soutien. Au niveau des établissements relevant du SeDEC, nous disposons, entre autres, d’un service de counselling, et nous faisons également participer les parents. Nous avons aussi été agréablement surpris de constater que de nombreuses filles offrent leur soutien à leurs amies confrontées à de telles situations.»
Sous le projet Éducation à l’Affectivité et à la Sexualité, l’initiative «Au Mystère de la Vie» destinée aux jeunes a été mise en place dans les établissements secondaires du SeDEC. Le projet comprend la diffusion des manuels et outils pédagogiques (posters, projections de diaporamas) pour élève et éducateur, la formation des enseignants et les causeries aux parents afin de les préparer à être mieux armés pour ouvrir un dialogue avec leurs enfants.
Nous avons également contacté le ministère de l’Education pour savoir spécifiquement combien de jeunes adolescentes enceintes étudient actuellement et combien de mères adolescentes ont repris leur scolarité après avoir donné naissance à un enfant. Les questions que nous avons envoyées depuis une semaine sont restées sans réponse.
Lors d’une grossesse précoce, le soutien s’avère crucial. La Mauritius Family Planning and Welfare Association met en place des services holistiques tels que des entretiens en groupe, des thérapies en groupe, des séances de counselling individuelles ainsi que pour le couple et les parents, de même que des suivis médicaux. En cas de conflit judiciaire, l’association collabore avec la Child Development Unit (CDU), entre autres, pour apporter son aide.
Concernant la jeune Clara, la famille l’a interrogée à propos du père de son enfant et organisé une réunion. «Mais les choses n’ont pas marché et nous avons eu l’impression qu’ils ne voulaient pas prendre leurs responsabilités. Nous avons donc précisé qu’il n’y aurait aucun contact entre le couple. J’étais très furieuse et j’ai même envoyé ma fille vivre avec son père, qui se trouvait à l’époque à Rodrigues» , relate la mère. Cependant, cette dernière ne tardera pas à revenir sur sa décision. «Pendant son absence, j’ai réalisé que tout ce qui comptait, c’était la présence et la sécurité de Clara, qui s’était soudain retrouvée seule à un moment où elle avait besoin de soutien. Quelle qu’en soit la raison, elle restait mon enfant et nous avons donc décidé que la chose primordiale à faire était d’intervenir et de faire place à l’amour et à l’acceptation.»
Aujourd’hui âgée de 17 ans, Clara a donné naissance à un petit garçon et prévoit de reprendre ses études ainsi que de suivre une formation dans quelques mois. «Je lui ai conseillé de se concentrer sur son bébé pour l’instant, jusqu’à ce qu’il puisse être placé dans une crèche. Ensuite, je veillerai à ce qu’elle reste motivée et déterminée à poursuivre ses études. En fin de compte, c’est une joie d’avoir un petit-fils et je suis heureuse que mon enfant soit en sécurité. Nous continuerons à l’aider à faire preuve de résilience et à faire mieux pour elle-même et son enfant» , nous confie sa mère.
Dilemmes légaux et éthiques
Avec l’entrée en vigueur de la Children’s Act 2020, des mesures ont été prises pour mettre en place un cadre juridique visant à mieux protéger les droits et le bien-être des enfants. Par exemple, la loi interdit le mariage, religieux ou civil, ou la cohabitation – consensuelle ou forcée – des personnes âgées de moins de 18 ans. Toute personne contrevenant à cette loi commettra un délit et sera susceptible, en cas de condamnation, de se voir infliger une amende ne dépassant pas un million de roupies et une peine d’emprisonnement ne dépassant pas 10 ans. «Tout d’abord, il convient de noter qu’il a fallu de nombreuses années pour arriver à adopter une loi et que celle-ci met en place certains mécanismes de prévention de la maltraitance des enfants» , souligne Vidya Charan.
Cependant, nombreux sont ceux qui se demandent si cette loi peut réellement servir à limiter les grossesses chez les adolescentes, et qui soulignent les incohérences liées à d’autres aspects de celle-ci. Par exemple, alors qu’un enfant est légalement défini comme étant une personne âgée de moins de 18 ans, interdisant ainsi le mariage avant cet âge, la Children’s Act 2020, lorsqu’elle décrit la loi relative aux abus sexuels sur les enfants sous la section 19, indique toutefois que l’âge légal pour qu’un mineur puisse consentir à une activité sexuelle est de 16 ans :
«(…) A child under the age of 16 shall be deemed to be sexually abused where the child has taken part whether as a willing, or an unwilling, participant or observer in any act which is sexual in nature- (a) for any gratification; (b) in any activity of pornographic, obscene or indecent nature; or (c) for any other kind of exploitation.»
Quid des adolescentes enceintes ou mères célibataires âgées de 16 à 18 ans, qui nécessitent un soutien ? Le ministère de l’Egalité des genres et du Bien-être de la famille nous explique que c’est sous la responsabilité de la Child Development Unit que celles-ci se retrouvent. Des services de soutien psychologique et médical sont également mis en place grâce à une collaboration interministérielle, nous explique-t-on.
Cependant, pour les organisations qui viennent en aide, les incohérences peuvent souvent poser des dilemmes juridiques et éthiques. «Bien que l’initiative de mettre en place cette loi soit louable, certains aspects sont complexes et nécessitent beaucoup de travail. Premièrement, les mineures de plus de 16 ans sont considérées comme capables de donner leur consentement à une activité sexuelle et, par conséquent, de mener une grossesse à terme. Cependant, elles sont simultanément considérées comme incapables, par exemple, de consentir au mariage ou de vivre avec leur partenaire, jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge de 18 ans, deux ans plus tard» , fait valoir un membre d’une association qui travaille avec de jeunes adolescents sexuellement actifs.
De plus, dit notre interlocuteur, il faut noter qu’en matière de santé reproductive, les lois et politiques peuvent limiter l’accès des jeunes aux services et contraceptifs. «Les jeunes de moins de 16 ans doivent obtenir un consentement parental pour bénéficier de ces services. Cela pose un problème pour beaucoup de jeunes qui sont sexuellement actifs pendant leur adolescence mais qui peuvent hésiter à parler à leurs parents de leur activité sexuelle, en raison de la stigmatisation qui entoure la sexualité. En même temps, cela crée des dilemmes éthiques et juridiques pour les organisations qui viennent leur offrir des contraceptifs après qu’ils nous ont contactés.»
Par ailleurs, il existe toujours un manque général de sensibilisation à l’existence de cette loi ainsi qu’un manque d’éducation sexuelle chez les jeunes, ce qui suscite souvent de l’incompréhension et de la confusion parmi eux, explique Vidya Charan. «Au sein de la Mauritius Family Planning and Welfare Association, nous avons constaté que dans la plupart des cas où des adolescentes âgées de moins de 16 ans tombent enceintes, ni la fille, ni le garçon ne savent que leur relation sexuelle est considérée comme un délit en vertu de la loi et que, malgré leur volonté, leur consentement n’est pour autant pas valable. De notre côté, nous devons faire en sorte de donner la priorité à leur prise en charge holistique et à leur soutien tout au long de cette période. L’éducation sexuelle holistique est devenue de plus en plus indispensable en raison de la sexualité précoce chez les jeunes.»
En chiffres
Selon les données de Statistics Mauritius, l’an dernier, le pays a enregistré un total de 826 naissances chez les mères âgées de moins de 20 ans. Parmi elles, on compte 201 pour celles âgées entre 16-17 ans, et 59 pour celles âgées entre 14-15 ans. Quatre filles âgées de moins de 14 ans ont également donné naissance à un enfant. Or, cette année, de janvier à juin, le pays a enregistré un total de 139 naissances chez les mères adolescentes, selon les chiffres communiqués par le ministère de la Santé. Parmi elles : 111 chez les adolescentes âgées de 16 à 17 ans, 24 chez celles âgées de 14 à 15 ans, et 4 chez celles âgées de moins de 14 ans.
Nombre de naissances enregistrées (janvier – juin 2023, selon les chiffres communiqués par le ministère de la Santé.
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