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Inondations à St.-Jean

Chères solutions

19 novembre 2023, 20:00

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Chères solutions

L’état du cimetière après l’effondrement d’une partie du mur le 9 novembre.

L’effondrement d’un pan de mur du cimetière de St-Jean a suscité l’indignation et réveillé des interrogations. Les réponses du ministre de l’Infrastructure nationale, Bobby Hurreeram, face aux questions du leader de l’opposition lors de la Private Notice Question (PNQ) mardi ont été plus qu’instructives sur les réelles motivations de nos décideurs quand il faut régler un problème comme celui des inondations: plus c’est cher, mieux c’est, semble-t-il, comme l’avait d’ailleurs déclaré Xavier-Luc Duval lors d’une conférence de presse.

Le projet de ‘retention pond’ ou bassin de rétention des eaux pluviales a été abandonné car représentant un danger pour les infrastructures du métro. Mais quel danger? Selon Osman Mahomed, député travailliste et ingénieur civil, «en construction, tout est possible. Tout est une question de ‘design’ et de coûts. J’aimerais bien voir le rapport d’ingénieur qui déconseille l’installation de puits ou de bassins d’absorption. Comment à Singapour, des bâtiments comme Raffles City ont-ils pu être construits sur pilotis alors que juste en-dessous passent deux niveaux de rails ?»

Les explications et éléments de langage utilisés par Bobby Hurreeram sur la deuxième solution proposée, un ‘detention pond’ (bassin d’infiltration) sont aussi sinueuses que les eaux pluviales: il ne dit pas tout de suite que cette solution a été abandonnée. Ce n’est qu’après une question précise de Xavier-Luc Duval qu’il se jettera à l’eau : «As I have said in my main reply, the pond would have put to task the structural credibility of the Metro structures.» En fait, dans sa réponse principale, il parlait de retention et non de detention pond. Passons sur cette confusion de ‘ponds’ et disons que les deux genres de bassins représentent un danger pour le métro (voir hors-texte). Cependant, ce qui interpelle – et c’est là que les explications du ministre donnent l’impression qu’il veut noyer le poisson – c’est quand il affirme qu’«eventually, the construction of a detention basin together with an outlet along Old Moka Road was considered as a preferred solution». Il n’élabore toutefois pas sur le ‘detention basin’ mais se concentre sur la deuxième partie de sa réponse, à savoir l’«outlet along Old Moka Road». L’exutoire (‘outlet’), on le comprendra après, consiste bien sûr en des drains. Soit la «(…) construction of a drain along Motorway M1 over a stretch of 570 metres of size 1.5 metres deep by 2 metres wide which eventually discharges into Rivière Sèche». Et aussi la «construction of a reinforced concrete covered drain of dimension 2 metres by 2 metres along the green space adjoining Old Moka Road».

bobby_hurreeram.jpg (Le ministre Bobby Hurreeram a avoué qu’un bassin d’infiltration aurait représenté un danger pour les infrastructures du métro.)

La ferme ne veut pas de cette eau

Première question : pourquoi cette eau sera-telle ‘jetée’ dans la rivière qui la perdra probablement ensuite en mer et non canalisée vers un réservoir comme La Ferme? Toujours selon Bobby Hurreeram, la Water Resources Unit (WRU) lui aurait fait savoir que ce réservoir ne peut recevoir trop ou n’importe quelle eau. Le directeur de la WRU, Lormesh Juggooo, n’a, lui, pas répondu à notre appel.

Deuxième question : si l’on doit bien construire le ‘detention basin’ comme venait de le dire Bobby Hurreeram (mais il se ravisera par la suite), pourquoi avait-on besoin de tous ces drains en béton armé ? À savoir qu’un bassin d’infiltration, comme l’a expliqué lui-même le ministre, conserve l’eau dont une partie seulement s’évacue lentement par le bas. Ce qu’il n’a pas dit par contre c’est que, dépendant de la taille du bassin et de la quantité d’eau reçue, l’eau s’évacuera lentement par percolation vers nos nappes phréatiques. «Nappes qui en ont vraiment besoin lorsque l’on constate le nombre de permis de forage accordé par la WRU quotidiennement. Donc, pourquoi des drains d’évacuation si l’eau allait s’infiltrer dans le sol», se demandent d’aucuns.

Et lorsque Xavier-Luc Duval est revenu à la charge tout en rappelant à Bobby Hurreeram que la secrétaire parlementaire privée Tania Diolle (voir ci-contre) avait elle aussi parlé de bassins en avril dernier, le ministre concèdera ce qu’il n’avait pas dit clairement dans sa réponse principale : il a décidé d’exclure et le detention pond et le retention pond. Pourquoi ? La réponse du ministre est selon: tantôt, c’est pour ne pas mettre en danger les piliers du métro et tantôt, plus généralement, «we are not encouraging, at the LDA level, to do absorption pits because it works once and then it doesn’t work again; it’s a waste of money».

Selon un ingénieur que nous avons contacté, ces bassins (retention ou detention) ne coûtent pas grand-chose comparés aux drains plus ‘culverts’ (buse) plus les autres infrastructures qui vont avec. «Il est clair, nous dit notre interlocuteur, que les solutions coûteuses et mauvaises pour l’environnement et pour la gestion de nos ressources en eau sont préférables pour certains.»

Problèmes lexicaux

Paul Bérenger avait fait état dernièrement d’erreurs de transcription dans le Hansard. Pour celui du 11 novembre, nous avons repéré une autre coquille : au lieu d’écrire Suez Report, les transcripteurs de l’Assemblée nationale ont écrit Sewerage Report. Aussi, le ministre Hurreeram s’est fait un devoir d’expliciter la différence entre retention et detention pond. Voulait-il faire la leçon à son collègue Obeegadoo, qui avait le 31 octobre cru que la NHDC avait mal écrit detention au lieu de retention. En tout cas, le Hansard l’a corrigé et n’a pas fait mention de cette observation erronée de l’adjoint au Premier ministre.

L’espace vert près du cimetière

vert.JPG (Une partie de cet espace vert, à St.-Jean, a cédé la place à une nouvelle route.)

Puisque rien ne pourra arrêter la marche du métro, que ce soit les arbres, les espaces verts et probablement l’Aapravasi Ghat, devra-t-on s’attendre à ce que son parcours soit semé de béton et suivi d’inondations ? C’est ce que se demandait mardi Xavier-Luc Duval. À qui la faute ? En tout cas, Metro Express Ltd (MEL) nie toute responsabilité dans ces inondations. Dans un communiqué émis le 15 novembre, MEL soutient ceci : «Metro Express et Larsen & Toubro ont toujours travaillé en collaboration avec toutes les autorités, y compris la LDA, la RDA, la NDU, les fournisseurs de services publics et le conseil municipal de Quatre-Bornes, concernant les interfaces du projet, notamment la construction des drains. Des réunionsrégulières de suivi ont également été menées au niveau du ministère et des municipalités pour examiner les progrès et prendre toute mesure appropriée. De plus, conformément à la pratique habituelle, les autorités compétentes, à savoir LDA (NdlR, Land Drainage Authority), ont approuvé tous les designs et dessins liés aux systèmes de drainage concernant l’alignement de Metro Express.»

N’empêche, l’espace gazonné qui sépare le cimetière de St.- Jean de la route de Quatre-Bornes, et qui agissait comme un véritable puits d’absorption, a lui aussi disparu en partie sous l’asphalte. Et les drains entre Phoenix et Pellegrin, ont-ils été bloqués avec la construction du tracé du métro? Réponse de Bobby Hurreeram: «No, there was no drain blocked. I need to check, but there could have been reorientation of few drains here and there, that’s normal in construction…»

Rs 6,785 millions

La décision a été prise par le conseil municipal jeudi. Le mur entourant le cimetière de St-Jean sera reconstruit. Si 45 mètres dudit mur se sont effondrés, celui-ci sera rebâti sur 81 mètres. Et, la reconstruction sera faite sous la procédure d'urgence. Cout total estimé? Rs 6,785 millions pour 81 mètres de mur. Le nom de la compagnie qui entreprendra les travaux n'est pas encore connu.