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Éclairage

Cherté de la vie et drogue s’imposent comme les principaux enjeux de la campagne

7 août 2024, 09:20

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Cherté de la vie et drogue s’imposent comme les principaux enjeux de la campagne

D’un sondage à l’autre, une constance s’impose immanquablement comme la principale préoccupation de la population : celle du coût de la vie. À 44 %, les Mauriciens le subissent d’une manière quotidienne. L’enquête d’Afrobarometer réalisée récemment confirme le constat dressé par Synthèses/l’express en octobre 2023, mais dans des proportions différentes.

L’année dernière, l’effritement du pouvoir d’achat figurait à 79 % en tête des principales préoccupations des Mauriciens, suivi de la drogue, à 58 %, considérée comme une priorité pour tout gouvernement.

Les principales conclusions de ce sondage d’Afrobarometer ne doivent aucunement choquer les esprits car, depuis la guerre russoukrainienne en février 2022 et même avant, suivant la crise pandémique, la population est confrontée à la cherté de la vie. La hausse du prix des matières premières couplée à la dépréciation de la roupie depuis 2019 ont réduit comme peau de chagrin le pouvoir d’achat des ménages.

Si la population peut comprendre qu’il existe des facteurs exogènes qui peuvent expliquer que les prix de certains produits de première nécessité puissent prendre de l’ascenseur dans des supermarchés, en revanche elle se pose des questions, somme toute légitimes, sur la valeur de la roupie comparée à il y a cinq ans. On constate qu’elle a perdu presque 31 % par rapport au billet vert, alors même que l’inflation cumulée a grimpé presque au même taux. Un chiffre auquel les spécialistes et les dirigeants de l’opposition se réfèrent régulièrement. Cela pour expliquer qu’à la base de la misère sociale d’une importante frange de la population, il y a forcément son incapacité à joindre les deux bouts face à la flambée des prix en raison notamment de la faiblesse de la monnaie locale.

Certes, il y a eu des mesures de soutien du gouvernement pour améliorer les prestations sociales, comme la hausse de la pension universelle, du salaire minimum ou encore le maintien des subsides sur les articles de consommation courante, entre autres, pour redonner plus de pouvoir d’achat à ceux qui se trouvent au bas de l’échelle, mais aussi aux familles appartenant à la classe moyenne. Est-ce suffisant, surtout quand les Mauriciens se rendent compte que cette illusion monétaire, alimentée par la propagande des services gouvernementaux, se heurte souvent aux réalités des prix dans les grandes surfaces ?

Du coup, on peut comprendre la colère de certains, politiciens et autres observateurs, tant sur les réseaux sociaux que dans la presse et des réunions privées, quand on entend la ministre du Commerce oser affirmer qu’on se bouscule au portillon des shopping malls pour trouver des places pour manger. Entendons par là que le Mauricien moyen a les moyens financiers de dépenser dans les food-courts. Visiblement, c’est un amalgame qui est loin de convaincre des familles qui peuvent se retrouver dans un centre commercial sans nécessairement débourser des sous pour consommer.

Cette réalité quotidienne du pouvoir d’achat s’imposera comme la principale thématique de campagne lors des prochaines élections. Il faut s’attendre à ce que les électeurs recherchent des solutions concrètes auprès des dirigeants politiques des deux principales alliances pour régler la problématique de l’inflation alimentaire et stopper la dégringolade de la roupie.

À la faveur du meeting du 1ᵉʳ-Mai, l’alliance PTr-MMM-ND avait effleuré certaines mesures visant à redonner du pouvoir d’achat aux ménages et apporter des solutions aux économiquement faibles de la société. On pense particulièrement au combat contre les augmentations de prix, les baisses de prix sur l’essence, le diesel, les médicaments, l’électricité, etc., ou encore la gratuité du transport en commun, l’abolition de la taxe sur la pension ainsi que sur les revenus annuels de Rs 1 million, entre autres. Il est vrai que, depuis, ces mesures, qualifiées à l’époque par le gouvernement sortant de populistes, voire démagogiques, ne sont plus canvassed par l’opposition et qu’elle prépare actuellement son programme gouvernemental à présenter pour être plébiscité par l’électorat.

Blocage des prix

Faut-il s’attendre à un blocage de prix sur une liste des produits de première nécessité, comme il en existe à La Réunion et comme le Nouveau Front Populaire (regroupant La France Insoumise, le Parti Socialiste, Europe Écologie–Les Verts et le Parti Communiste), arrivé en tête lors des dernières législatives en France, s’apprête à appliquer, s’il est nommé à Matignon ?

Le tandem Pravind Jugnauth / Renganaden Padayachy avait tenté une expérience semblable en juillet 2021, en contrôlant pendant une année les prix de sept articles de consommation courante (lait, l’huile, grains secs, fromage, aliments en conserve etc.). Si cette mesure a apporté des résultats mitigés aux ménages, son application aurait fait l’objet des critiques car mal préparée et soumise à un manque de transparence sur les prix affichés.

Est-ce que le gouvernement qui sortira des urnes prochainement saura prendre l’engagement pour un blocage des prix sur une période donnée, tout en sachant qu’il peut être bénéfique à une majorité de la population, mais sans doute contraire aux pratiques de la bonne concurrence dans le commerce ?

Si la cherté de la vie dominera le débat politique dans les jours à venir, il faut se rendre à l’évidence : il y a d’autres revendications sur lesquelles la population recherchera l’engagement des alliances qui aspirent à prendre le pouvoir. C’est le cas de la crise de la drogue qui se classe en deuxième préoccupation, selon l’enquête d’Afrobarometer. Le constat est glacial et donne froid dans le dos, avec Maurice se classant en tête de liste sur la consommation d’héroïne par l’United Nations Office on Drugs and Crimes (UNDC). Mais aussi comme le premier utilisateur de drogue synthétique dans la région de la SADC.

Toutefois, ce qui choque, c’est que 71 % des Mauriciens considèrent que les initiatives gouvernementales pour combattre la drogue ont échoué. Allez comprendre pourquoi !…

On le sait aussi : le trafic des stupéfiants est un business qui dope l’économie souterraine. Les saisies de drogue effectuées depuis 2015 ont été calculées par les autorités à plus de Rs 13 milliards. Un chiffre somme toute conservateur car les experts de ce dossier estiment ce marché à plus de Rs 20 milliards.

Afrobarometer, comme Synthèses, sont catégoriques : la prochaine joute électorale se concentrera sur ces deux revendications majeures de la population et dont les actions concrètes seront recherchées pour trouver des solutions et engager une rupture sociale.