Publicité

Air Mauritius

Chronique d’une descente aux enfers

7 avril 2024, 17:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Chronique d’une descente aux enfers

Air Mauritius traverse une série de crises qui ont suscité l’exaspération et les critiques de divers acteurs. S’il y avait bien des problèmes auparavant, plusieurs concèdent que les racines de cette pagaille remontent à des décisions controversées prises par le gouvernement, notamment après son arrivée en 2014, lorsque des choix discutables ont été faits quant aux achats d’avions et aux nominations de certaines personnes proches du gouvernement à des postes clés bien avant l’impact dévastateur de la pandémie de Covid-19. Avant même la crise sanitaire, Air Mauritius était déjà en difficulté financière, menaçant sa viabilité à long terme.

Un ancien cadre de la compagnie aérienne met en lumière l’un des plus grands scandales financiers de l’histoire d’Air Mauritius, celui du dossier «hedging». Ce scandale avait vu la réserve de la compagnie nationale d’aviation chuter de 80 millions d’euros à seulement 20 millions d’euros, révélant ainsi des pratiques de gestion risquées et malencontreuses. Selon lui, c’est à partir de cet épisode que la compagnie aérienne a pris une mauvaise direction. Le conseil d’administration de MK, loin d’assumer ses responsabilités, a laissé la situation se détériorer. La compagnie s’est alors retrouvée dans une spirale d’endettement, ne parvenant à financer ses opérations qu’au moyen de dettes, sans être en mesure de générer suffisamment de revenus pour équilibrer ses finances. Cette situation d’endettement massif a mis Air Mauritius dans l’incapacité de réaliser des profits pendant des années à venir, sapant ainsi sa capacité à se redresser financièrement et à regagner la confiance des investisseurs et des partenaires commerciaux. Bien que la compagnie réalise aujourd’hui des profits, les conséquences de ces choix financiers risqués se font toujours sentir de manière profonde.

Siège éjectable

L’instabilité au niveau de la direction de la compagnie est également un aspect important à souligner. Depuis l’an 2000, Air Mauritius a eu pas moins de 10 CEO, la plupart ayant été éjectés de leurs postes. Cette rotation fréquente à la tête de la compagnie soulève des questions sur la stabilité et la continuité de la stratégie de l’entreprise. Souvent il a été perçu que ces nominations ne sont pas basées sur les compétences des individus, mais plutôt sur des critères tels que la proximité politique et les relations personnelles. Cette pratique, affirment des employés, a compromis la gestion efficace de la compagnie, en privilégiant des considérations politiques et personnelles au détriment de l’expertise professionnelle et de la vision stratégique nécessaire pour diriger une entreprise aérienne dans un environnement aussi complexe et compétitif. Cette rotation constante des CEO souligne également un manque de continuité dans la mise en œuvre des stratégies à long terme. D’ailleurs, depuis quelque temps, à travers des lettres anonymes, des employés ne cessent de dénoncer des nominations politiques, des promotions non justifiées ou encore des privilèges accordés à certaines personnes. «La protection de petits copains, il y a toujours eu au sein de MK, mais depuis quelque temps, cela a empiré», disent-ils.

Plomb dans l’aile

La gestion pendant la période de la Covid19 n’a fait qu’aggraver les choses. Le gouvernement a placé Air Mauritius sous administration, confiant la responsabilité à des personnes jugées peu expérimentées dans le domaine de l’aviation. Des décisions hâtives ont été prises, telles que la vente d’une partie de la flotte d’avions, mettant en péril la capacité opérationnelle de la compagnie. Air Mauritius, après avoir émergé de l’administration volontaire, a vu sa flotte réduite de plus de 40 %, avec six avions en moins sur les 13 qu’elle possédait initialement. Alors que l’industrie aérienne a repris son activité, Air Mauritius a dû louer de nouveaux avions en dry lease et depuis quelque temps en wet lease aussi pour répondre à la demande du marché, mais ces avions rencontrent aussi des problèmes. Cela a conduit la compagnie à avoir plus de deux avions immobilisés pratiquement chaque semaine, mettant une pression supplémentaire sur son équipe d’ingénieurs qui doivent travailler sans bénéficier d’une formation continue adéquate. La réduction de la flotte d’avions pour des raisons financières a été perçue comme une mesure court-termiste qui compromet la capacité de la compagnie à répondre efficacement à la demande future. D’autre part, cela impacte quotidiennement ces opérations avec l’annulation des vols et des reports.

Des travailleurs expérimentés ont été mis à l’écart, accentuant les lacunes en termes de savoir-faire au sein de l’entreprise. La sécurité opérationnelle est devenue un sujet brûlant, avec des inquiétudes croissantes concernant le recrutement précipité de personnel moins qualifié. Ces problèmes soulignent l’urgence d’une réorientation stratégique pour éviter une catastrophe potentielle. L’importance des ressources humaines et l’adéquation de la flotte sont mises en avant, notant que la réduction arbitraire de ces éléments clés a introduit un défaut structurel qui affecte la compagnie aujourd’hui. En fin de compte, l’avenir de la compagnie dépendra de sa capacité à surmonter ces défis structurels, à restaurer la confiance des parties prenantes et à mettre en place une gestion plus transparente et compétente. La survie d’Air Mauritius dans un environnement aérien de plus en plus concurrentiel nécessitera des décisions audacieuses et une vision stratégique à long terme.