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France

Commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants : rompre le silence, pas l'innocence

23 novembre 2023, 12:00

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Commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants : rompre le silence, pas l'innocence

Installée il y a trois ans, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), en France, a pour lettre de mission de recueillir les témoignages des personnes ayant été victimes de violences sexuelles pendant leur enfance en créant un espace inédit d’expression ainsi que de faire des préconisations de politiques publiques pour améliorer la réponse des différentes institutions. Le rapport «Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit», publié le 17 novembre, vise à restituer ses trois années d’engagement. Les quatre parties qui le structurent sont : les piliers, la réalité, le déni et la protection.

Afin d’entériner sa vocation, CIIVISE donne la parole à une victime dès le début avec un témoignage : «Ce que je voudrais dire, c'est que je témoigne pour tous ceux qui en sont morts, qui se sont jetés d'un pont sous un train. Je voudrais témoigner pour tous ceux qui ont choisi de mourir plutôt que de vivre dans le néant. Tous ceux qui en sont devenus fous, malades, réellement fous. Tous ceux qui n'ont pas pu sortir le chaos de leurs entrailles, tous ceux qui ont fini par mourir de leur belle mort, mais en même temps découpés en deux et dévastés. Tous ceux qui ont passé leur vie murés dans le silence. Et, avec tous ceux-là, donc, je témoigne pour tous ceux qui n'ont pas cette voix. Je veux juste dire ce que nous avons vécu, c'est l'horreur, c'est la solitude extrême. C'est un froid, c'est une incompréhension. C'est le fin fond de l'humanité à l'endroit où tout est dévasté. Ça n'a pas de mots, c'est un enfer. Et nous sommes une multitude. Nous sommes terrés dans le silence et la peur, mais nous sommes là et nous sommes aussi un des visages de l'humanité. Et ce que je voudrais dire, c'est que tous ceux-là, ils aspirent à la lumière. Et qu’au-delà de mes mots, ma parole, elle est aussi pour eux.»

Lex coprésidents, Edouard Durand (également rapporteur général) et Nathalie Mathieu, expriment, à travers ce rapport, qu’il est possible de sortir du déni, de remettre la loi à sa place, d’être à la hauteur des enfants victimes et des adultes qu’ils sont devenus. C’est le sens des 82 préconisations formulées de ce rapport. Elles sont réalistes et réalisables. Leur mise en œuvre sera moins coûteuse que le coût du déni. La commission espère ainsi qu’il ne s’agit pas de son rapport final mais d’un rapport d’étape, que les autorités qui l’ont souhaité et institué en seront satisfaites et estimeront qu’il étaye suffisamment la demande de maintien de la commission. Elle espère que ce rapport sera lu et qu’il suscitera l’intérêt des mouvements et professionnels de la protection de l’enfance et celui des mouvements et professionnels de la lutte contre les violences sexuelles. Elle espère qu’il sera lu par tous les citoyens, quel que soit leur métier ou leur engagement, parce que ce dont parle la CIIVISE les concerne nécessairement.

Méthodologie et fonctionnement

La CIIVISE a d’abord été conçue comme une instance collégiale et pluridisciplinaire. Elle réunit ainsi 23 membres : experts de la santé, de la police et de la justice, de la protection de l’enfance, de la promotion des droits des personnes en situation de handicap, de la lutte contre les violences sexuées, de l’éducation ou fondateurs d’associations d’aide aux victimes et de plaidoyer. Interministérielle par ses missions, la commission a été dotée, pour assurer la continuité de son action, d’une équipe permanente de dix personnes prise en charge par les ministères sociaux, de la Justice, de l’Intérieur et de l’Éducation Nationale. Classiquement, les travaux collégiaux ont été organisés en séances plénières et en groupes de travail : les sous-commissions pratiques professionnelles protectrices, soin et accompagnement des victimes, police/justice, recherche, enjeux de société. Chaque réunion était structurée avec le même ordre du jour : état des lieux de l’avancée des travaux et des projets, audition d’expert ou d’institution, discussion et perspectives.

Depuis, près de 30 000 témoignages lui ont été confiés, à travers les différentes modalités mises en place par la commission : 5 476 mails et courriers ; 13 750 appels téléphoniques ; 9 561 questionnaires ont été complétés sur le site internet ; 520 personnes ont pris la parole à l’occasion des 26 réunions publiques de la CIIVISE, et 254 personnes ont été auditionnées individuellement à la commission. Les deux tiers de ce coût faramineux résultent des conséquences à long terme sur la santé des victimes.

La réalité peut en quelques chiffres

3,9 millions de femmes (14,5 %) et 1,5 million d’hommes (6,4 %) ont été confrontés à des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans, ce qui représente au total 5,4 millions de personnes. 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles. Autrement dit, un enfant est victime d’un viol ou d’une agression sexuelle toutes les trois minutes. Le 21 septembre 2021, la CIIVISE ouvrait son appel à témoignages, incluant la ligne téléphonique «Violences sexuelles dans l’enfance». Dans 97 % des cas, l’agresseur est un homme. Dans 81 % des cas, il est majeur. L’impunité des agresseurs et l’absence de soutien social donné aux victimes coûtent 9,7 milliards d’euros chaque année en dépenses publiques.