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Confusion
Dans le balourd climat politique qui enveloppe Maurice, c’est comme si l’île toute entière retenait son souffle, dans l’attente d’un coup de gong, qui annoncerait enfin la date tant attendue des élections. Mais, en attendant, nous sommes plongés dans une farce, qui n’a rien d’une comédie légère. Les acteurs politiques se scrutent, se jaugent, hésitant à faire un pas de trop, car nul ne sait encore qui sera l’adversaire et qui sera l’allié de demain. Les sourires forcés masquent des calculs complexes tandis que les rumeurs de fusion et de dissension circulent dans l’air comme le vent de mer, capricieux et changeant.
Nous sommes, il faut bien le dire, dans une période où l’affrontement ne se joue plus sur les grandes idées ou sur les visions pour l’avenir du pays. Non, ici, l’affrontement est devenu personnel, presque viscéral. Qui propose ? Qui s’oppose ? Voilà la question du moment, car les discours eux-mêmes, dépouillés de leur substance, n’intéressent plus grand monde. Les camps politiques s’affrontent sur la scène publique avec la vigueur d’un duel de coqs, où il importe moins de convaincre que d’écraser l’adversaire, souvent à coups de petites phrases ou d’attaques mesquines.
Et le peuple, dans tout cela ? Il erre, désabusé. Une partie de l’opinion publique semble aujourd’hui, plus que jamais, en quête d’une alternative, un espoir qui s’effrite chaque jour un peu plus. La lassitude a gagné les esprits. Les indécis, qui autrefois auraient tranché le sort des urnes, regardent le spectacle avec un dégoût à peine voilé. Entre les promesses de l’alliance gouvernementale et les divisions intestines de l’opposition, ils n’ont guère plus de choix qu’entre «choléra» et «peste», murmure-t-on, une nouvelle fois, dans les coins de rue.
Les arithmétiques politiques se brouillent. Le fameux «60-0», ce slogan autrefois triomphal, résonne aujourd’hui comme une relique d’une autre époque, même si le tant décrié First Past The Post perdure. Même les politiciens les plus chevronnés revoient leurs calculs, tentant de lire dans les foules qui, courageusement, bravant les regards espions et les services de renseignement, osent s’afficher aux réunions des oppositions. Ce courage peut-il être interprété comme un signe de l’usure du pouvoir en place ? Peut-être. Peut-être aussi est-ce la lassitude de voir défiler encore et encore les mêmes visages à la télévision nationale, figés dans un discours, qui ne change jamais.
Et pourtant, l’opposition peine à canaliser cette exaspération populaire. Elle est multiple, divisée, tiraillée entre factions rivales, qui semblent plus préoccupées à s’entredéchirer qu’à offrir une véritable alternative. Les alliances se font et se défont au gré des humeurs et des intérêts, et l’électorat est fatigué de ces jeux de pouvoir.
Et puis, il y a cette cacophonie parmi les alliés eux-mêmes. Avant même de songer à affronter l’autre camp, ils n’arrivent pas à accorder leurs violons entre eux. Les listes électorales tardent à être finalisées et tant que chaque leader hésite à dévoiler ses cartes, le chaos règne. Les négociations se prolongent dans des chambres closes tandis que le peuple, lui, attend, spectateur désabusé d’un théâtre dont les acteurs peinent à trouver leur rôle.
Maurice est à l’aube de changements. Mais dans ce brouillard d’incertitudes, reste à savoir qui, dans cette mêlée confuse, parviendra à se hisser au-dessus de la mêlée, pour redonner espoir à un peuple qui, pour l’instant, n’aperçoit que confusion et désordre parmi ses politiciens.
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