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Consolider la base industrielle

29 mai 2024, 09:15

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Les organismes internationaux, à l’instar du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, ne cessent de le réitérer dans leurs rapports : l’économie mauricienne fait face à des problématiques structurelles. Aussi longtemps qu’on ne s’attaque pas à ces problèmes de fond et qu’on ne s’engage pas dans de vraies réformes, nous serons limités dans notre capacité à créer de la richesse. L’un de ces dysfonctionnements structurels se rapporte au rapetissement de notre base industrielle.

Ayant fait de la résilience économique l’un des trois piliers de son Budget, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a déjà pris connaissance des attentes des industriels regroupés au sein de l’Association of Mauritian Manufacturers. Les propositions budgétaires de l’association s’articulent autour de trois axes : le renforcement du partenariat public-privé et le soutien de l’État à la transformation de l’industrie ; l’adoption de mesures fiscales pour dynamiser les investissements industriels ; et un accès plus facile à la main-d’œuvre étrangère pour les manufacturiers afin de désengorger le secteur, en attendant que les opérateurs prennent le chemin de la transition technologique.

Ainsi, les priorités pour le secteur industriel s’inscrivent autant sur le court terme que sur les moyenne et longue échéances. À court terme, la priorité est d’accompagner les industriels, qui sont en grande majorité des petits et moyens entrepreneurs, de sorte à leur permettre de produire à un coût compétitif et de répondre à la demande d’une clientèle composée de Mauriciens et de touristes. Alors que sur les moyen et long termes, il s’agit, avant tout, de développer un écosystème entrepreneurial solide, que ce soit en encourageant l’investissement dans l’automatisation industrielle ou en favorisant l’émergence des start-up.

Certes, nous sommes dans un contexte électoral. Et la realpolitik veut que le ministre des Finances soit tenté de se concentrer davantage sur les questions purement matérielles. Les avenues pour amener la prospérité nationale sont multiples et Renganaden Padayachy doit s’assurer qu’il actionne comme il se doit les bons leviers pour donner une nouvelle impulsion à l’économie. Sa stratégie de relance par la consommation a jusqu’ici donné des résultats concluants. L’économie mauricienne devrait croître autour de 4,9 % en 2024, selon le FMI. Alors que le Trésor public espère que la dynamique économique sera beaucoup plus forte, avec une croissance du PIB réel de 6,5 % pour cette année.

L’autre avenue menant à la prospérité, c’est celle de la réindustrialisation. Pour certains opérateurs, ce terme est galvaudé car la réindustrialisation implique qu’il y ait eu désindustrialisation. Or, l’on ne peut nier que l’industrie locale a connu un vrai passage à vide, notamment lorsque le pays a engagé sa transition vers une économie des services dans les années 90 et quand, dans les années 2000, il y a eu une réduction des barrières tarifaires, ce qui a entraîné la disparition de certaines industries, comme celle de la production de chaussures et de certains produits alimentaires.

Cet effritement de la base industrielle a eu de lourdes conséquences économiques qui ne sont pas forcément visibles. Il y a eu d’abord le creusement de notre déficit commercial. Celui-ci était calculé autour de Rs 180 milliards en 2023. L’autre impact, c’est en relation avec l’effet multiplicateur, c’est-à-dire les richesses générées à partir de la circulation dans l’économie locale des devises étrangères provenant notamment des exportations, des recettes touristiques ou des revenus découlant de l’activité offshore. Selon le rapport Lokal is Beautiful du Groupe MCB, publié en 2019, l’effet multiplicateur a beaucoup chuté sur la période de 1995 à 2015, passant de 3,88 à 2,86. Soit une baisse de près de 25 %. Cela s’explique par le fait que les devises étrangères entrant dans le pays ressortent très vite pour le paiement des importations. Ainsi, elles ne circulent pas suffisamment dans l’économie et ne génèrent pas de nouvelles richesses.

Donc, ce déséquilibre inhérent à notre architecture économique coûte énormément à notre économie année après année. Pour illustrer cela, il faut savoir qu’en 2015, les $ 3,42 milliards entrant dans le pays ont permis de générer des revenus de $ 9,78 milliards à la faveur d’un effet multiplicateur de 2,86.

Il est temps de colmater les fissures. Renforcer l’industrie locale, c’est non seulement parier sur un secteur qui pèse autour de Rs 40 milliards et contribue directement et indirectement à 150 000 emplois, c’est aussi créer de la richesse additionnelle en évitant que les Forex vont dans le paiement de nos factures. Avec le prochain Budget, le Grand argentier a une belle chance de placer la production locale au cœur de notre économie.