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COP 28 : l’heure de vérité pour la planète

29 novembre 2023, 06:30

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En 2015, 195 pays signaient l’Accord de Paris à l’issue de la 21e Conférence des parties (COP 21). Aux termes de cet accord international sur le climat, les pays industrialisés se mettaient en première ligne et s’engageaient à réduire les émissions de dioxyde de carbone induites par l’activité humaine. L’objectif fixé était de contenir le réchauffement terrestre en dessous de 2°C d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle (1850 - 1900) et de le maintenir à 1,5°C. Faute de quoi, lors des décennies à venir, les calottes glaciaires continueront à fondre plus rapidement, libérant une quantité phénoménale de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Les phénomènes climatiques comme les inondations, les incendies, les cyclones ou encore les vagues de chaleur meurtrières prendront encore plus d’ampleur.

Mais voilà, la promesse n’a pas été tenue. Et pour cause : certains pays industrialisés, qui sont les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, n’ont pas joué pleinement le jeu. On se souviendra d’ailleurs de la prise de position de Donald Trump qui, en 2017, avait pris la décision controversée de se retirer de l’Accord de Paris, en invoquant la nécessité de protéger les industries américaines. Depuis, la position des États-Unis s’est assouplie et l’administration Biden est désormais partie prenante de la cause mondiale en faveur d’une intensification de la lutte contre le changement climatique. D’ailleurs, en août 2022, le président américain a avalisé un vaste plan d’investissement de 370 milliards de dollars en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l’horizon 2030. Une initiative qui mérite d’être saluée quand on sait que les États-Unis représentent le deuxième plus gros pollueur de la planète, émettant 12,6 % des 40,6 milliards de tonnes de CO2 (chiffres de la Commission européenne) relâchées dans l’atmosphère et se classent derrière la Chine, qui émet 32,9 % de ces émissions nocives.

La planète repose sur une chaudière et le réchauffement climatique prend une courbure dangereuse. Selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) publié en mars dernier et qui servira de document de travail lors de la COP 28 (30 novembre - 12 décembre) à Dubaï, le réchauffement de la planète se situe déjà autour de 1,1°C à 1,2°C.

À quelques jours de la tenue de la COP 28, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) vient de publier un rapport extrêmement inquiétant, soutenant que les engagements climatiques sont loin d’être suffisants, car ils donnent lieu à une baisse de seulement 2 % des émissions de 2019 à 2030, alors qu’il faudrait augmenter ce pourcentage à 43 % si l’on veut maintenir le réchauffement à 1,5°C. C’est dire qu’on avance à tombeau ouvert. Sur la trajectoire actuelle, les experts du PNUE estiment qu’on se dirige plutôt vers un scénario où la hausse des températures sera de 2,9°C. Un scénario catastrophe qu’il va falloir éviter coûte que coûte. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, n’a pas manqué de placer les dirigeants mondiaux devant leurs responsabilités en leur intimant «de redoubler d’efforts de façon spectaculaire, avec des ambitions record, des actions record et des réductions d’émission». Un message sans ambiguïté qui donne le ton pour la COP 28, qui aura la lourde tâche de recentrer le concert des nations sur les objectifs de l’Accord de Paris.

Mais la crainte subsiste : la montagne va-t-elle accoucher d’une souris ? D’autant plus que le président de la COP 28 est le Sultan Ahmed al-Jaber, qui est le CEO de l’Abu Dhabi National Oil Company, la plus grosse compagnie pétrolière des Émirats arabes unis. Tout en s’appesantissant sur le fait que la COP 28 est la plus importante manifestation après celle de Paris et que les décideurs mondiaux devront assumer leurs responsabilités pour atteindre l’objectif de contenir le réchauffement à 1,5°C, le Sultan Ahmed al-Jaber a fait clairement comprendre sa position selon laquelle le monde n’est pas près de sortir de la dépendance du charbon, du gaz et du pétrole car cela équivaudrait à créer une nouvelle crise énergétique.

La question aussi se pose : jusqu’où les pays de l’OPEP sont-ils prêts à sacrifier leurs intérêts économiques au profit de l’intensification de la lutte contre le changement climatique ? Et quel rôle le Sultan Ahmed al-Jaber va-t-il jouer dans cette équation ? Valeur du jour, les gros producteurs de pétrole comme l’Iran, l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Qatar ou encore les Émirats arabes unis figurent parmi les plus gros émetteurs de carbone au monde.

Tout comme les autres petits États insulaires de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, Maurice ne contribue que marginalement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il n’empêche que nous sommes hautement vulnérables aux effets du changement climatique. Du reste, le pays était classé à la 51e place en matière de risque le plus élevé aux désastres climatiques dans le dernier World Risk Report du Forum économique mondial. Le récent épisode de crue soudaine dans la région du Sud nous rappelle notre vulnérabilité aux événements climatiques et l’urgence qu’on renforce notre résilience climatique. Dans le même temps, il s’agit qu’on réduise notre dépendance des énergies fossiles en accélérant notre transition vers les énergies renouvelables.

En termes de politique d’atténuation au changement climatique, le gouvernement s’est fixé le double objectif d’atteindre un taux de 60 % d’énergies renouvelables dans le mixte énergétique et de supprimer le charbon dans la production d’électricité à l’horizon 2030. Dans la même veine, le National Biomass Framework, cadre régulateur pour la valorisation des sources de biomasse (paille de canne, déchets forestiers, industriels et domestiques, etc.) a été adopté dans le sillage du dernier Budget.

Par ailleurs, Maurice s’attend à ce que la COP 28 vienne avaliser le mécanisme de «pertes et dommages». En sa capacité de petit État insulaire, il est éligible à une partie des fonds auxquels les pays développés devront contribuer pour permettre aux pays les plus vulnérables de financer leur programme de résilience climatique. Selon la dernière version (2021) des Contributions déterminées au niveau national (CDN), Maurice a besoin de mobiliser une enveloppe de 6,5 milliards de dollars jusqu’en 2030 pour améliorer l’aptitude de ces territoires à faire face au changement climatique. Ce montant comprend 2 milliards de dollars pour les plans d’atténuation et 4,5 milliards de dollars pour les solutions d’adaptation. Actuellement, le pays envisage de continuer à générer 2 % par an de son PIB en dépenses consacrées à la gestion des impacts et risques du changement climatique, grâce à l’apport combiné des secteurs public et privé. Cela laisse un déficit de financement potentiel de 1,6 % du PIB par an en moyenne. Un déficit qui pourra être comblé dans une certaine mesure par les fonds accessibles sous le mécanisme des «pertes et dommages».