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Extraction de sable
Coups de gueule avant les coups de pelle
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Extraction de sable
Coups de gueule avant les coups de pelle
Le gouvernement autorisera l’extraction de sable et investira dans des travaux de remédiation sur environ 5 kilomètres de littoral.
L’extraction de sable, qui sera autorisée par le gouvernement dans le but de reconstituer certaines plages, passe mal auprès des militants et autres professionnels du secteur. Mais pas seulement ! Les pêcheurs s’interrogent également à ce sujet.
C’est l’une des mesures du Budget 2024-2025 qui fait des vagues actuellement. Renganaden Padayachy a indiqué que le gouvernement autorisera l’extraction de sable et investira dans des travaux de remédiation sur environ 5 kilomètres de littoral, soit à Bain-Boeuf, Mon-Choisy, Le Morne, Grand-Sable, La Prairie, GrandeRivière-Sud-Est et Baie du Cap. D’emblée, le président du syndicat des pêcheurs, Judex Ramphul, se dit perplexe face à cette décision. Il y a, dit-il, bien une raison pour laquelle le ministre de l’Environnement de l’époque, Rajesh Bhagwan, avait banni cette activité en 2001. «Il y avait des données sérieuses compilées par des professionnels sur les impacts néfastes de l’extraction de sable de nos lagons. Pourquoi le gouvernement actuel veut-il désormais faire marche arrière ? N’est-ce pas contradictoire avec les recherches ?»
Judex Ramphul explique que selon ses années d’expérience en mer, il ne faut surtout pas s’attaquer à la nature en prenant des décisions qui pourraient être irréversibles pour l’environnement dans le futur. «Je vous parle de ce que je constate en mer. Avec le changement climatique, nos barrières de corail s’affaiblissent, ce qui cause aussi l’érosion de nos plages, notamment dans le Sud. Au Morne par exemple. Nos bandes de sable dans le lagon aident à leur manière à amortir les fortes houles sur nos côtes et protègent aussi nos plages de l’érosion.»
Puis, poursuit le pêcheur, l’extraction de sable détruira les herbiers présents dans la mer où vivent crustacés et autres espèces marines. «On ne peut pas tout exterminer avec ces décisions. Il y a quelques années, des décisions avaient été prises à propos des concombres de mer. Aujourd’hui, que constatons-nous ? Qu’ils ont presque disparu de nos lagons alors qu’ils servent à nettoyer nos eaux et sont très importants pour l’écosystème.»
Pour rappel, Vassen Kauppaymuthoo, océanographe et ingénieur en environnement, a lui aussi parlé d’une erreur fondamentale en évoquant l’extraction de sable, qui causera plus de problèmes au niveau de l’érosion et de la biodiversité marine. Il explique que l’extraction de sable augmente la turbidité de l’eau en relâchant des particules fines qui affectent les coraux et perturbent notamment la lumière dans l’eau. L’ingénieur en environnement et océanographe souligne en outre que les herbiers marins et les crustacés seront grandement affectés par cette décision du gouvernement. Ces herbiers marins servent à stabiliser les fonds marins. Il a notamment conseillé de réhabiliter les coraux en mauvais état et les structures sur nos côtes, de «reculer» les hôtels de la plage entre autres, et d’empêcher que les eaux des égouts ne pénètrent le lagon.
Le concombre de mer a pratiquement disparu de nos lagons, font valoir les pêcheurs.
Pour Ange Rosette, 73 ans, pêcheur de profession et habitant de Trou-d’Eau-Douce, il est aussi important de prendre en considération avant tout l’érosion de nos plages et leur dégradation. Mais, il est d’avis qu’il y a des endroits où l’extraction de sable pourrait être bénéfique. Comme à proximité de l’île-aux-Cerfs, où un passage de sable s’est installé entre l’île. «La carte de l’île-aux-Cerfs est faussée depuis quelque temps car le passage de sable a relié l’île à une autre. Puis il y a aussi un passage d’eau nommé ‘entre deux soleils’ aux alentours de l’îlot Mangénie qui a été complètement obstrué par le sable. Nous, pêcheurs, nous le savons. Peut-être que l’extraction de sable à ce niveau aurait porté ses fruits. Mais si vous me dites d’aller enlever du sable à Mont-Choisy, alors là, je dis non.» Car, le problème de l’érosion est sérieux, ajoute-t-il.
Ange Rosette soutient aussi que dès que l’extraction de sable débutera, il sera difficile de faire marche arrière.* «Le premier coup de pelle chamboule sur plusieurs années l’écosystème marin à certains endroits. Il ne faut rien faire à la va-vite...»*
Les dangers en résumé
L’extraction de sable des lagons, une pratique souvent motivée par des besoins en construction et par la reconstitution des plages comme c’est le cas ici, comporte de nombreux risques écologiques et économiques. Les lagons sont des écosystèmes délicats et essentiels pour la biodiversité marine, la protection côtière et les activités économiques locales. Perturber ces environnements fragiles peut entraîner des conséquences graves et souvent irréversibles.
Perturbation de l’écosystème marin
Les lagons abritent une diversité de vie marine, y compris des coraux, des poissons, des crustacés et des herbiers marins. L’extraction de sable perturbe cet écosystème en détruisant les habitats. Les coraux, qui sont essentiels pour la santé des lagons, sont particulièrement vulnérables. En augmentant la turbidité de l’eau, l’extraction de sable bloque la lumière solaire nécessaire à la photosynthèse des coraux et des herbiers marins. Cette diminution de la lumière peut entraîner la mort des coraux et une réduction significative de la biodiversité marine.
Érosion côtière accrue
Les bandes de sable dans les lagons jouent un rôle crucial dans la protection des côtes contre l’érosion. Elles agissent comme des barrières naturelles qui dissipent l’énergie des vagues et réduisent leur impact sur les plages. En enlevant le sable, ces protections naturelles sont affaiblies, augmentant le risque d’érosion côtière. Les plages peuvent reculer, entraînant la perte de terres précieuses et menaçant les infrastructures côtières telles que les routes, les bâtiments et les installations touristiques.
Impact sur les pêcheries
L’extraction de sable affecte également les pêcheries locales. De nombreuses espèces de poissons et de crustacés dépendent des herbiers marins et des zones sablonneuses pour se nourrir, se reproduire et se protéger des prédateurs. La destruction de ces habitats entraîne une diminution des populations de poissons et de crustacés, impactant directement les moyens de subsistance des pêcheurs locaux. Une diminution des captures peut entraîner des pertes économiques importantes pour les communautés côtières qui dépendent de la pêche pour leur revenu et leur alimentation.
Augmentation de la turbidité de l’eau
Lorsque le sable est extrait des lagons, de fines particules sont relâchées dans l’eau, augmentant sa turbidité (NdlR, caractère plus ou moins trouble d’un liquide ; teneur en matériaux légers, dont la boue, en suspension). Cette augmentation de la turbidité affecte non seulement les coraux et les herbiers marins, mais perturbe également la chaîne alimentaire marine. Les particules en suspension peuvent obstruer les branchies des poissons et des autres organismes marins, réduisant leur capacité à respirer et à se nourrir. Cela peut entraîner des taux de mortalité plus élevés et une diminution de la biodiversité.
Effets économiques négatifs
Bien que l’extraction de sable puisse fournir des matériaux pour la construction et la reconstitution des plages, les coûts environnementaux et économiques à long terme sont souvent beaucoup plus élevés. L’érosion côtière, la diminution des pêcheries et la perte de biodiversité peuvent entraîner des pertes financières significatives pour les industries locales telles que le tourisme et la pêche. Les coûts de restauration des écosystèmes dégradés et de protection des côtes érodées peuvent également être très élevés.
Alternatives durables
Pour minimiser les impacts négatifs de l’extraction de sable, il est essentiel de chercher des alternatives durables. Parmi celles-ci, on peut citer l’utilisation de matériaux de construction recyclés, la gestion intégrée des zones côtières et la reconstitution des plages à l’aide de sables provenant de sources non marines. Des pratiques de gestion durable des ressources côtières, telles que la création de réserves marines et la restauration des habitats, peuvent également contribuer à protéger les écosystèmes des lagons tout en répondant aux besoins économiques.
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