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Le Morne

De l'eau, oui mais pour un Property Development Scheme

23 juillet 2024, 21:00

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De l'eau, oui mais pour un Property Development Scheme

Les tuyaux attendent d’être installés. Les habitants patientent aussi.

Nous nous demandions dans notre édition du 16 juillet ce qu’allait faire Beachcomber des 2 500 m³ d’eau pour ses hôtels «Dinarobin» et «Paradis» au Morne et des 2 750 m³ d’eau pour un projet immobilier aux Salines de Rivière-Noire. Nous avons maintenant quelques éléments de réponse.

Le projet de Rivière-Noire du groupe hôtelier Beachcomber concerne un Property Development Scheme (PDS), baptisé du doux nom de «Harmonie Integration Development», et se trouve très précisément aux Salines Koenig. Donc, pas un hôtel qui procure de l’emploi et rapporte des devises au pays d’une manière durable. Mais des villas, au nombre de 220, à vendre notamment aux riches étrangers plus un parcours de golf de 18 trous (environ 40 hectares). Nous avons aussi appris que l’eau que Beachcomber (New Mauritius Hotels) a demandée de la Central Water Authoriy (CWA) proviendra du réservoir Yemen La Coupée, lui-même alimenté par les Tamarind Falls et le Magenta Dam utilisé pour produire de l’électricité. Un tuyau de 6 km transportera l’eau.

700 m³ de cette eau sera utilisée pour les besoins des résidents du PDS. On ne sait pas trop pourquoi ces riches résidents ont besoin de tant d’eau. En tout cas, elle sera filtrée par un Containerised Pressure Filter et distribuée par des pompes et autres accessoires installées aux Salines Koenig. De plus, 2 000 m³ d’eau non-traitée seront utilisées, elles, pour arroser le gazon des parcours de golf de ces messieurs et dames. Coût total pour la CWA : Rs 150 millions.

TANK 1.jpg Les canalisations au Morne apportent parfois de l’eau mais aussi de la boue.

Concernant les hôtels Paradis et Dinarobin, l’eau proviendra de la rivière Baie-du-Cap et sera transportée par un tuyau de 250 mm de diamètre et long de 12 km. 800 m³ d’eau traitée sera servie aux hôtels et 1 700 m3 d’eau non-traitée «irriguera» les parcours de golf ! Il y aura aussi des pompes et filtres à installer. Coût : Rs 100 millions. Et qui paiera pour ces équipements ? En principe, Beachcomber mais nous en attendons la confirmation.

En attendant, c’est l’argent du Pipe Replacement Programme qui aurait été utilisé. À noter que malgré les installations faites, la connexion aurait été annulée ou renvoyée.

Le green, c’est de l’agriculture pour Prakash Maunthrooa

À quel tarif Beachcomber allait-elle payer cette eau ? Après maintes négociations, la CWA a décidé de réclamer Rs 15 le m³ pour l’eau non-traitée et Rs 55 pour l’eau traitée. Pour l’eau non traitée, c’est le taux agricole qui a été appliqué, certes avec un supplément de Rs 4, et non le taux commercial. On se demande ce qu’il y a d’agricole dans un parcours de golf ! Pour l’eau traitée, c’est bien le tarif commercial qui a été appliqué mais avec un supplément de Rs 21 par m³.

La CWA prendrait aussi en charge les travaux infrastructurels, cela «pour soulager Beachcomber d’avoir à payer des consultants, des constructeurs, de rechercher des “wayleaves”» et surtout à payer des «water rights». Beachcomber est aussi exempté de contribution financière à ce projet, on ne sait laquelle. Tant de sollicitudes inquiètent.

Pourquoi Beachcomber voulait-elle avoir recours à la CWA alors que les hôtels existent depuis plusieurs années ? Il faut savoir que ces hôtels utilisaient l’eau désalinisée mais les infrastructures de désalinisation avaient besoin d’être rénovées et, disait Beachcomber, elle se préparait à faire une demande d’EIA en ce sens. Cependant, le groupe hôtelier se plaint des coûts énormes de ces infrastructures de désalinisation et a donc demandé et obtenu de la CWA que cette dernière lui fournisse l’eau de nos réservoirs. Ainsi, Beachcomber abandonnera le projet de désalinisation. À noter que le gouvernement, lui, vient dans le Water Resource Bill avec des projets massifs de désalinisation (voir hors-texte). Pour remplacer l’eau «donnée» aux hôtels ?

Avec toutes ces générosités faites à Beachcomber, quels revenus cela allait-il rapporter à la CWA ? Il faut souligner que celle-ci avait soutenu ce partenariat avec Beachcomber car selon la même CWA, cela lui rapportera de l’argent supplémentaire. Nous ne savons pas si la CWA a budgété ces revenus attendus.

Une autre interrogation : qui a approuvé ce projet si ce n’est pas le board de la CWA ? Est-ce le Conseil des ministres ? Si oui, pourquoi cela n’a-t-il pas paru dans le communiqué hebdomadaire du même Conseil des ministres ? Si non, qui a approuvé ? Le High Level Committee, qui avait approuvé l’achat de médicaments et d’équipements durant le Covid et qui ne conserve aucun compte rendu ?

En tout cas, selon nos informations, la demande est revenue au board de la CWA il y a quelques semaines et encore une fois, elle a été rejetée. Le board aurait ajouté une autre raison pour ce rejet : s’il accède à une telle requête, d’autres hôtels pourraient faire la même demande et il sera difficile de refuser. Cela voudrait-il dire que la requête n’a pas été approuvée en haut lieu ?

Prendre l’eau des habitants pour fournir en grande quantité aux riches étrangers et pour arroser des parcours de golf ! Il fallait le faire. Contactés, les hôtels concernés ont préféré garder un silence prudent.


Le changement climatique est soudain arrivé au Morne

Le 30 avril 2022, la CWA tentait d’expliquer pourquoi les habitants du Morne n’avaient pas d’eau… quand il pleut. «…nous ne nous attendions pas à des problèmes liés au changement climatique si rapidement. C’est une région d’ordinaire assez sèche, mais depuis quelque temps, elle a été très arrosée. Du fait des pluies, nous avions dû fermer les pompes afin que les habitants n’aient pas d’eau boueuse… Le système de filtrage installé par la CWA prendra du temps pour être efficace…» La CWA prévoyait à terme un surplus d’eau qu’il faudra jeter : «L’eau extraite à Baie-du-Cap est destinée aux habitants du Morne, mais en cas de surplus, celle-ci sera distribuée aux régions avoisinantes afin de ne pas engorger les tuyaux de la CWA. Au cas contraire, nous serions obligés de jeter cette eau.» Deux ans après, il n’y a eu ni surplus d’eau ni assez d’eau pour les pauvres du Morne. Le système de filtrage est toujours en rodage.


Le dessalement : une note très salée

Osman Mahomed disait, le 12 juillet lors de son discours à l’Assemblée nationale, ce qu’il pense des projets du gouvernement pour le dessalement et le remplacement des tuyaux : «…we are here to make people understand that it can only be out of ignorance, or incompetence for Mauritius to resort to expensive desalination because based on latest figures of Statistics Mauritius, 64.5% of treated potable water in our pipes are wasted away mainly through leakages and theft, the so called Non-Revenue Water, a domain the current government has lamentably failed in… the CWA is losing more water through leaky pipes after it has invested some 5 billion rupees in the very controversial pipes replacement programme since 2014, when the Smart City programs started. So, how not to believe that the money has been used to bring water to the Smart Cities rather than changing “les réels tuyaux percés?”»

Joanna Bérenger, le même jour, ajoutait : «Le dessalement est une méthode très coûteuse, terriblement gourmande en énergie et qui peut être excessivement polluante également. D’ailleurs, rien n’est défini ici quant au traitement des rejets polluants, ni comment cette eau désalinisée sera remise sur le réseau de la CWA… Le dessalement est une alternative d’adaptation au changement climatique qui ne devrait être adoptée [que] lorsque toutes les autres possibilités “durables” ont été exploitées.»