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Judiciaire

Décisions discordantes: presque 50 % de la population ne fait pas confiance au système

3 mars 2024, 12:15

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Décisions discordantes: presque 50 % de la population ne fait pas confiance au système

Chandra Prakashsing Dip est poursuivi pour une fraude de Rs 80 M. Plus d’un an après, l’affaire n’a toujours pas été entendue.

Le système judiciaire, en tant que pilier fondamental de toute démocratie, se trouve souvent sous les feux des projecteurs en raison de ses failles, qui jettent des ombres sur son bon fonctionnement et engendrent un manque de confiance du public. Maintenir cette confiance dans un système juste et performant revêt pourtant une importance cruciale pour la stabilité et le progrès d’une société. Le retard dans le traitement des affaires devant les tribunaux ainsi que des décisions qui semblent varier au cas par cas, sans cohérence apparente, en sont souvent la cause. Il est regrettable de constater qu’une part significative de la population mauricienne, soit 46 % selon une étude réalisée par Straconsult pour le compte d’Afrobarometer en juillet 2022, ne font pas confiance à la justice. Ces retards dans les procès, bien que résultant de diverses causes, sont souvent imputés au système judiciaire lui-même.

Renvois et retards

Des affaires sont fréquemment renvoyées en raison de l’absence de témoins ou d’accusés, et dans de nombreux cas, les autorités judiciaires semblent fermer les yeux sur cette situation, entravant ainsi l’administration de la justice. Un exemple récent et criant de cette réalité est l’affaire de Chandra Prakashsing Dip, poursuivi devant la Financial Crimes Division pour une fraude de Rs 80 M au préjudice de l’ex-Bramer Bank. Plus d’un an s’est écoulé depuis le dépôt de l’affaire, mais elle n’a toujours pas été entendue, ponctuée par d’innombrables renvois dus à l’absence des accusés, souvent les mêmes.

Il est déplorable de constater que le magistrat en charge de l’affaire n’ait pas jugé utile jusqu’à présent d’émettre un ordre pour imposer un dernier renvoi et exiger la présence de tous les accusés à la prochaine audience. De telles décisions ont un impact direct sur la perception du public sur l’efficacité et l’impartialité du système judiciaire. «Si un accusé est absent plusieurs fois pour des raisons médicales, la cour ou la poursuite peut prendre position en demandant que l’accusé soit examiné par un médecin du public pour déterminer s’il est apte à faire face à un procès afin de ne pas retarder l’affaire. Mais accéder à plusieurs renvois est inacceptable», souligne un avocat. Cette situation n’est pas un cas isolé car beaucoup d’autres procès traînent pendant des années en raison de l’absence des parties concernées.

Manque de cohérence dans les décisions

Par ailleurs, l’opacité entourant les décisions d’accorder la liber té conditionnelle demeure un mystère pour beaucoup. Bien que les critères soient clairement définis dans la Bail Act, il semble qu’il n’y ait aucune cohérence dans les décisions des différents magistrats. Tantôt, un accusé poursuivi pour des crimes graves, tels que forcer des femmes malgaches à se prostituer, se voit accorder une libération sous caution en raison de son âge avancé, tandis que dans une autre décision une grand-mère de 73 ans se voit refuser la liberté conditionnelle sous prétexte qu’elle représente un danger pour la société. Cette incohérence souligne le besoin urgent d’une plus grande uniformité et transparence dans les décisions judiciaires. Le cas de Vishal Shibchurn, libéré sous caution à plusieurs reprises malgré des antécédents graves, illustre aussi de manière poignante les lacunes du système actuel.

D’autre part, il devient de plus en plus nécessaire d’allouer davantage de ressources au système judiciaire pour lui permettre d’opérer de manière plus efficiente et rapide. Cela implique également d’offrir aux magistrats et juges des formations continues et spécialisées pour maintenir et actualiser leurs compétences, tout en garantissant une révision régulière des pratiques et procédures pour garantir l’impartialité et l’équité.

Les conditions de travail dans les tribunaux de district laissent également à désirer. Avec plus de 200 affaires par jour, les tribunaux sont souvent surchargés, ce qui crée un environnement chaotique et stressant pour toutes les parties concernées. Il est temps de repenser et de réformer en profondeur le système judiciaire mauricien afin de répondre aux attentes légitimes du public en matière de transparence, d’efficacité et de justice équitable. Restaurer la confiance du public dans le système judiciaire nécessite des réformes structurelles, un investissement accru dans les ressources humaines et matérielles, ainsi qu’une plus grande transparence et cohérence dans les décisions judiciaires. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons garantir que la justice soit accessible, équitable et impartiale pour tous les citoyens mauriciens.