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Politique

Démissions partielles: la mode du «lev paké resté»

3 septembre 2023, 17:02

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Démissions partielles: la mode du «lev paké resté»

La «demi-démission» du désormais ex-secrétaire parlementaire privé (PPS), Rajanah Dhaliah après celle de Yogida Sawmynaden en février 2021, viennent remettre en question cette «pratique», fort à la mode chez nous semble-t-il. Pourquoi les démissionnaires conservent-ils leur poste de député ? Comment fonctionnent-ils alors ? Concrètement qu’est-ce qui change ?

Premièrement, il faut savoir qu’il y a plusieurs types de démissions d’un élu du peuple. Mais le plus important, explique l’observateur politique et historien Jocelyn Chan Low, demeure que personne ne peut «forcer» un élu à démissionner. Cependant, il peut perdre son siège dans des situations spécifiques, comme s’il est reconnu coupable dans une affaire très grave, comme un meurtre par exemple, ou s’il a purgé une peine de prison lourde et est absent du Parlement pendant une longue période de temps.

Un député peut quitter le parti sous lequel il a été élu et garder son siège au Parlement. «Citons le cas de Jack Bizlall dans les années 70 lorsqu’il avait rompu ses liens avec le MMM parce qu’il n’épousait plus l’idéologie du parti mauve. Pour éviter de provoquer une élection partielle, il est resté», explique l’historien. Actuellement, Nando Bodha se retrouve dans cette posture. Il a été élu sous la bannière du MSM, a claqué la porte et est aujourd’hui député indépendant.

Puis, il y a ceux qui décident de partir et de démissionner de toutes les instances. Comme le rappelle Jocelyn Chan Low, ce fut le cas de Roshi Bhadain en 2017. Il n’a pas seulement quitté le MSM et son poste de ministre de la Bonne gouvernance, mais aussi sa place de député dans la circonscription n°18 (Belle-Rose–Quatre Bornes). Cela provoque automatiquement une élection partielle dans la circonscription, que Bhadain avait perdue fin 2017 contre Arvin Boolell.

Ensuite, un ministre ou un PPS peut démissionner de ses fonctions en tant que tel et demeurer député s’il fait face à des allégations. C’est une façon de s’écarter le temps de l’enquête. «La plupart du temps, cela se fait quand il y a des allégations et que l’on veut préserver la réputation d’un parti, du gouvernement. Mais aussi pour s’assurer que le démissionnaire ne puisse pas manipuler des documents d’un ministère, entre autres, par exemple», explique notre interlocuteur. Pravind Jugnauth lui-même avait dû soumettre sa démission en tant que ministre des Technologies de l’information et de la communication en 2015 dans le sillage de l’affaire MedPoint, mais avait par la suite repris du poil de la bête en devenant ministre des Finances en 2016, une fois son procès remporté, puis Premier ministre en janvier 2017.

Pour Jocelyn Chan Low, la démission d’un député ne relève pas véritablement de la décision d’un chef de parti ou d’un Premier ministre. «C’est un choix personnel car il n’y a aucune loi qui prévoit qu’un député doit démissionner. À moins, comme je vous l’ai dit, s’il est jugé coupable dans une affaire sérieuse ou s’il est en prison pendant une longue période.» Il souligne que même si un député est expulsé de son parti, il peut toujours servir son pays en tant que tel au Parlement. Quant à ses activités à l’Assemblée nationale justement, rien ne change s’il est toujours député, explique-t-il, car il continuera à y siéger, à l’instar de Yogida Sawmynaden.

Toujours est-il, selon des analystes politiques, une fois la réputation d’un élu entachée, il est difficile de nager entre deux eaux. «Yogida Sawmynaden par exemple, vous vous souvenez de la dernière fois où il a posé une question ? Il n’a pas pris la parole, il est inexistant… Il sait que s’il ouvre la bouche, il subira les foudres de l’opposition et des internautes… Li pé assizé bez kas», souligne un observateur. Qui estime que Dhaliah pourrait également faire face à de nombreuses critiques et commentaires à la rentrée parlementaire, rappelant qu’en 2020, Mahend Gungapersad avait refusé de poser une question à Sawmynaden en arguant qu’il n’avait pas le droit moral de préserver son poste de ministre du Commerce. «Dhaliah, pour sa part, était la plupart du temps un personnage assez effacé, on ne pense pas que cela va changer, surtout maintenant…» Sa présence sur le terrain risque également de se faire rare, surtout que, rappelons-le, il avait récemment été pris à partie par les habitants à Bois-Rouge.

Notons qu’un député touche quelque Rs 159 000 par mois, plus les privilèges; de bonnes raisons de rester, selon certains…

Contraints de «partir» malgré eux…

Rajanah Dhaliah a démissionné de son poste de secrétaire parlementaire privé (PPS) lundi. Il fait partie d’une liste d’élus des gouvernements des Jugnauth, arrivés au pouvoir en 2014, qui ont été contraints d’abandonner leur poste à responsabilité. Dans la plupart des cas, il n’y a pas eu de condamnation et dans d’autres cas, l’enquête n’a pas encore été bouclée. Aussi, Roubina Jadoo-Jaunbocus et Sanjeev Teeluckdharry avaient démissionné respectivement en tant que ministre et deputy speaker à la suite de la publication du rapport Paul Lam Shang Leen avant les élections générales de 2019. Roubina Jadoo-Jaunbocus avait contesté les conclusions de ce rapport la concernant devant la justice et avait partiellement obtenu gain de cause. La partie concernant le blanchiment d’argent avait été retirée. Sanjeev Teeluckdharry contestait également la conclusion de ce rapport en Cour suprême. Un paragraphe concernant le caractère «unprofessional» et la partie «unlawful manner» se référant à l’avocat avaient été biffés du rapport.

«Enn bout papié» mène à la révocation d’Ivan Collendavelloo

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Ivan Collendavelloo, le leader du Muvman Liberater, alors adjoint au Premier ministre et ministre des Services publics, a été révoqué le 25 juin 2020. Pravind Jugnauth lui avait demandé de démissionner à la suite de l’affaire Saint-Louis, mais il avait refusé de le faire. Toute l’affaire avait éclaté lorsque la Banque africaine de développement avait publié un communiqué le 8 juin de la même année, indiquant qu’une enquête avait conclu que des membres de l’administration mauricienne auraient touché des commissions de la part des employés de la Burmeister and Wain Scandinavian Contractor pour l’aménagement de la centrale thermique de Saint-Louis. Ivan Collendavelloo avait clamé son innocence en affirmant que le chef du gouvernement s’était basé sur un simple morceau de papier pour le révoquer. Plusieurs personnes avaient été arrêtées dans le cadre de cette affaire par la commission anticorruption et traduites en justice sous des chefs d’accusation provisoires. Ivan Collendavelloo n’avait pas été interrogé par l’Independent Commission against Commission (ICAC), qui n’avait pas encore bouclé le dossier, tout en indiquant que les enquêteurs attendaient des documents de l’étranger.

Yogida Sawmynaden démissionne sous la pression populaire

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L’ancien ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, a démissionné de son poste le 10 février 2021, alors qu’il s’était rendu au Central Criminal Investigation Department dans le cadre de l’affaire d’emploi fictif un peu plus tôt. En même temps, l’ICAC enquêtait sur l’achat d’équipements médicaux par la State Trading Corporation pendant la pandémie de Covid-19. Cette institution relève du ministère du Commerce. L’ancien ministre n’a pas encore été inquiété dans cette affaire. Cependant, le bureau du Directeur des poursuites publiques a demandé à plusieurs reprises des informations supplémentaires à la police pour finalement déposer deux chefs d’accusation contre l’ancien ministre au début de ce mois, à savoir «forgery of private writing» et «making use of forged private writing», en relation avec le cas d’emploi fictif. De plus, il y a fallu compter avec la pression populaire suite au meurtre d’un de ses agents issu de la circonscription Moka–Quartier-Militaire, Soopramanien Kistnen. Une enquête judiciaire avait conclu que l’ancien activiste ne s’était pas suicidé, comme l’avait affirmé la police précédemment.

L’Euroloan de Vishnu Lutchmeenaraidoo

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Vishnu Lutchmeenaraidoo n’avait pas démissionné comme ministre des Finances, mais le Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth l’avait muté aux Affaires étrangères peu après que l’affaire Euroloan avait éclaté en 2016. Le député du MSM était soupçonné d’avoir bénéficié d’avantages en tant que ministre des Finances pour obtenir un emprunt de 1,1 million euros auprès de la State Bank of Mauritius. Malgré l’enquête de l’ICAC, le bureau du Directeur des poursuites publiques avait émis un communiqué le 24 mars pour dire qu’il n’y avait pas assez des preuves pour poursuivre le ministre. Vishnu Lutchmeenaraidoo devait démissionner comme ministre et député le 21 mars 2019.

Raj Dayal empêtré dans l’affaire «bal kouler»

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Raj Dayal était ministre de l’Environnement, mais il a été contraint de démissionner le 23 mars 2016 après qu’un homme d’affaires avait allégué qu’il lui avait demandé d’acheter des «bal kouler» pour ses mandants afin qu’ils puissent célébrer la fête holi. L’ICAC avait initié une enquête après que l’affaire est devenue publique. Il avait été arrêté le 6 avril de la même année. L’ancien ministre n’avait pas cessé de clamer son innocence. Ces avocats avaient même réclamé un arrêt du procès pour des raisons de santé. Finalement, Raj Dayal est décédé le 19 décembre 2021.

Yerrigadoogate, une affaire tombée dans l’oubli

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Ravi Yerrigadoo a dû démissionner de son poste d’Attorney General le 13 septembre 2017 après qu’un certain Husein Abdool Rahim a formulé des allégations contre ce membre du MSM dans un affidavit. Une affaire révélée par l’express. Rahim accusait l’ancien Attorney General d’avoir signé une lettre en sa faveur pour qu’il puisse toucher son argent à l’étranger après avoir eu recours à des paris en ligne. Personne ne sait ce qu’il advient de l’enquête depuis…

Showkutally Soodhun piégé par une vidéo

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Il était l’homme fort du MSM. Mais Showkutally Soodhun a dû démissionner comme ministre du Logement et des terres le 11 novembre 2017. Cela, après que l’express a mis la main sur une vidéo dans laquelle il tenait des propos à relents communaux lors d’une réunion. Une des personnes présentes avait enregistré la conversation. Il y avait au moins trois plaintes contre lui à la police.