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Démocratie déguisée

10 août 2024, 07:26

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Depuis plusieurs années, l’express pose la question essentielle sans trouver de réponse : s’il n’y a pas de démocratie au sein des partis politiques, comment ceux-ci peuvent-ils nous convaincre qu’ils vont approfondir la démocratie sur le plan national ? Contre les papa-piti, papa-tifi, papa-mama, les autres n’ont qu’à bien se tenir !

La phrase, martiale, de l’ancien ministre français de l’Industrie Jean-Pierre Chevènement demeure un cas d’école : «Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne.» À Maurice, Paul Bérenger, jadis, dans un passé certes lointain, membre du conseil des ministres, avait fait les frais de son désaccord avec son Premier ministre, tantôt avec SAJ (1983, 1993), tantôt avec Ramgoolam (1997), se faisant éjecter ou en claquant la porte pour divergences de vues.

Le si-vous-n’êtes-pas-d’accord-prenez-la-porte demeure le propre de pratiquement tous les partis politiques de Maurice. Si Bérenger a dû prendre la porte face à SAJ ou Ramgoolam, il a aussi fait partir plusieurs fortes têtes qui essayaient de l’affronter au sein du MMM. Hervé Masson, Kader Bhayat, Jack Bizlall, Ram Seegobin, Jean Claude de l’Estrac, Amedée Darga, Ivan Collendavelloo, Alan Ganoo ou Steven Obeegadoo ne sont que quelques noms sur la longue liste de ces militants qui ont eu à courber l’échine face au Lider Maximo, qui ne peut accepter la pensée contradictoire.

Au sein du MSM, l’on se souvient que SAJ a également fait partir les Lutchmeenaraidoo (bien avant leurs retrouvailles de 2014), Ramjuttun, Dulloo (qui était pourtant son dauphin tout désigné à un moment où Pravind n’était pas encore dans le bain) et son frère Ashock pour asseoir son autorité, et celle de sa famille, aujourd’hui quasiment seuls actionnaires du Sun Trust.

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Au vu de ce qui s’est passé au Bangladesh, il est utile de s’interroger : nos politiciens sont-ils devenus esclaves des partis politiques, et partant des dynasties ? Est-ce la seule façon de réussir en politique et d’entrer au Parlement, en déclarant son appartenance ethnique, et en faisant fi du mauricianisme pour lequel, du reste, on s’était engagé en politique ? Et une fois au Parlement, est-on obligé de saluer, resaluer et encore saluer le chef du parti si l’on veut conserver sa Mercedes ou sa place de «yes-person» autour du leader ? Qui a tué l’esprit critique et le débat contradictoire ?

Les partis sont les courroies entre le peuple et le gouvernement. Chez nous, il faut savoir tantôt négocier du côté de Ramgoolam puis du côté de chez Jugnauth, sachant fort bien qu’il n’existe plus d’idéologie en politique.

Les partis de l’opposition, privés des «goodies» du pouvoir, doivent proposer des solutions alternatives à la politique de la majorité en place (pensions revues à la hausse, 14e mois, etc.) et remplir ce que certains appellent une fonction «tribunitienne» (selon l’expression célèbre de Georges Lavau, qui renvoie aux «tribuns de la plèbe» sous l’Antiquité romaine), en traduisant le mécontentement d’un certain électorat populaire. Pour faire de l’effet, on ne peut pas souffler le chaud et le froid en même temps, à l’image de certains syndicalistes. Sinon, cela va provoquer une certaine désillusion des citoyens envers les partis, qu’ils ne considèrent plus forcément comme leurs meilleurs représentants et intermédiaires. «Zot tou parey sa/Enn kou dan loposizion, enn kou dan gouvernman/ Zot rod manz banann dan de bout», sont les reproches, souvent légitimes, qu’on fait aux politiciens et aux partis.

Aujourd’hui, il est temps d’amorcer une forme de professionnalisation ou moralisation de la vie politique pour mettre un terme au sentiment d’accaparement qui accentue la crise de légitimité de la démocratie représentative et alimente le sentiment d’aliénation politique. C’est ce qui explique alors la séparation croissante des élus et du peuple, et contribue à un taux d’indécis d’environ 50 %.

La méritocratie doit se frayer un passage au sein des bureaux politiques. Avec des Liders Maximo que nous avons, les partis agissent comme des factions qui séparent les citoyens du pouvoir politique en détenant un monopole radical sur la représentation démocratique.

Comme notre système politique repose sur des partis qui se battent entre eux pour le pouvoir, ils auraient dû permettre l’expression de la diversité des attentes de la population par rapport à son gouvernement, mais dans la réalité, ce sont des «machines de guerre» dont l’objectif principal est de permettre à un groupe de s’emparer du pouvoir. Intermédiaires quasi obligés entre le citoyen-électeur et ses institutions démocratiques, les partis politiques deviennent, alors, les responsables du détournement de notre démocratie…