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1ᵉʳ-Mai
Des réflexions syndicales pour un équilibre optimal au travail
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1ᵉʳ-Mai
Des réflexions syndicales pour un équilibre optimal au travail
En ce jour de la fête du Travail, confisquée depuis des années par les principaux partis politiques, il y a, heureusement, des responsables syndicaux et même des représentants des employeurs qui lancent des réflexions sur l’avenir du monde du travail avec, en toile de fond, les avancées technologiques, le changement climatique et le vieillissement de la population. Loin des tumultes et vociférations des meetings politiques.
Narendranath Gopee, président de la NTUC: «La fonction publique opère toujours en mode slow-motion»
Comparant le secteur public d’il y a 20 ans à ce jour, Narendranath Gopee, président de la National Trade Union Confederation (NTUC), soutient que peu de changements se sont produits malgré l’évolution de la technologie. Il est d’avis que l’entrée de la technologie prendra du temps dans ce secteur car «la fonction publique opère toujours en mode slow-motion». Il impute ce mouvement lent au nombre de fonctionnaires par rapport à la charge de travail journalière. Il est difficile, dit-il, pour la fonction publique de s’occuper de toute la population, de faire tourner tous les ministères et de faciliter les opérations du secteur privé. La révolution technologique, ajoute-t-il, a encore aggravé la situation des fonctionnaires en exerçant plus de pression sur eux. L’intelligence artificielle (IA), poursuit le syndicaliste, «sera une catastrophe si elle n’est pas implémentée à sa juste manière». L’application de l’IA dans la fonction publique sera une «menace» pour les travailleurs. «Si le gouvernement estime que l’IA entraînera une révolution dans la fonction publique, il fait fausse route.»
Alors que le secteur public se fie aux recommandations du Pay Research Bureau (PRB) dans son fonctionnement, le président regrette qu’en 2024, ni la négociation collective ni l’accord collectif ne soient encore une réalité dans le secteur public. «Des amendements doivent être apportés dans les lois du travail pour étendre le collective bargaining et le collective agreement au secteur public pour que nous puissions négocier les conditions de service des fonctionnaires. Le PRB peut exister s’il veut mais nous ne croyons pas en lui. Le PRB ne peut pas sortir des rapports menant à des conflits entre les syndicats des employés et lui-même alors que le gouvernement investit de fortes sommes d’argent dans le PRB.» Il demande que cette «discrimination» cesse.
Il regrette que depuis toujours, toutes les conditions de service soient imposées par le PRB. «Il est malheureux qu’il ne connaisse pas parfaitement le secteur public et que ses recommandations soient approximatives.» Les lois du travail, notamment l’Employment Relations Act, ajoute le syndicaliste, ne permettent pas de contester les recommandations du PRB. «Nous nous retrouvons dans un cercle fermé par manque de négociation collective. Nous sommes isolés s’agissant des litiges qui peuvent être soulevés. C’est mauvais pour la classe des travailleurs alors que le 1er-Mai est un jour de réjouissances pour les travailleurs», déplore-t-il.
L’amendement aux lois du travail en 2019 aurait dû soulager les travailleurs au lieu d’imposer des conditions sur les employés du public. En ce sens, il estime qu’il est nécessaire d’amender la loi pour intégrer une clause rendant obligatoire des réunions entre les employeurs et les syndicats. «C’est l’une des raisons de l’existence des litiges qui ne peuvent être réglés.»
Jack Bizlall, syndicaliste: «La constitution bloque l’émancipation»
Dans son analyse sur l’évolution des conditions et droits des travailleurs à Maurice, le syndicaliste Jack Bizlall avance que depuis 1921, une démarche constante a traversé l’histoire avec la lutte syndicale qui a abouti à la reconnaissance des syndicats, des conditions minimales, des lois du travail, des droits de négociation avec les employeurs, des droits de grève, des congés, du salaire minimum et la réintégration. «Beaucoup de travail a été fait mais la Constitution bloque l’émancipation», dit-il. Le moment est arrivé où il faut amender la Constitution pour que les vrais producteurs participant à l’économie du pays aient des garanties sur leurs droits économiques et sociaux. «J’attends que la Constitution soit amendée pour qu’on ait une vraie Constitution républicaine qui reconnaît la liberté de la personne ainsi que les droits et libertés de l’ensemble de la population, mais en particulier les droits et les libertés des travailleurs.»
Le fait que les travailleurs puissent aujourd’hui bénéficier de leurs droits et de meilleures conditions de travail, avancet- il, n’a pas été gagné sans lutte. Dans cette évolution des lois à Maurice, «personne n’aurait imaginé que la réintégration ferait partie de la loi». Le travaillisme, mouvement européen, qui a pu tracer son chemin dans les anciennes colonies britanniques, dont Maurice, a été bénéfique. En 1968, avec les nombreuses révoltes à travers le monde, un nouveau souffle est donné à la lutte de la population à travers le militantisme. «Ces deux souffles ont apporté beaucoup de changement dans notre économie. Malheureusement, le MMM et le PTr, lorsqu’ils étaient au pouvoir, n’ont pu assumer pleinement leur idéologie.» De ce fait, la bataille pour les travailleurs, poursuit-il, a été menée par d’autres courants révolutionnaires. «Cela a forcé les gouvernements à assumer leurs responsabilités à travers des grèves et des négociations.» Les jalons ont été jetés pour que les gouvernements agissent et améliorent le sort des travailleurs. Le congé public du 1er-Mai permet aux travailleurs de réfléchir sur leur sort, mais à Maurice les partis politiques divisent les travailleurs.
Nouvelles exigences des employés et des employeurs
Areff Salauroo, CEO de La Sentinelle: «Obligation d’améliorer la qualité de vie au travail»
La diversité, l’équité et l’inclusion sont trois éléments qui occupent maintenant une place prépondérante au sein des entreprises, estime Areff Salauroo, spécialiste en ressources humaines et Chief Executive Officer (CEO) du groupe La Sentinelle. Aujourd’hui, dit-il, les entreprises sont de plus en plus centrées sur «l’expérience positive des employés», et, de ce fait, elles se trouvent dans «l’obligation d’améliorer la qualité de vie au travail». Ces éléments, explique-til, «contribuent à motiver les employés, à les rendre plus performants et à s’identifier avec les valeurs de l’entreprise». Cela contribue non seulement à motiver les employés, mais aussi grandement à la santé organisationnelle. «Ce sont des principes fondamentaux pour promouvoir et maintenir une culture positive où les employés se sentent conscients, engagés et motivés. Les chefs d’entreprise à Maurice favorisent les lieux de travail inclusifs en s’efforçant d’éliminer toutes les sources et formes de discrimination, sont connus pour traiter les employés avec respect et dignité, et accordent les meilleures chances aux hommes et femmes qui constituent l’entreprise.»
Hormis favoriser un bon environnement de travail aux employés, Areff Salauroo souligne que d’autres défis sont présents face aux principales tendances en matière de travail et de gestion des ressources humaines dans le contexte actuel. Le CEO explique que la gestion des ressources humaines est appelée à relever les défis des nouvelles tendances. Il cite, entre autres, la quête de la productivité, les stratégies pour maintenir la compétitivité, l’émergence vigoureuse de l’Hybrid Work Arrangement, le repositionnement de la culture de l’entreprise au coeur des objectifs stratégiques, l’interaction entre l’humain et la technologie, l’adaptation à l’intelligence artificielle et la robotique, l’importance de la formation et le reskilling.
Face à l’évolution constante du monde du travail, il avance que les compétences les plus recherchées par les employeurs sont bien différentes des compétences considérées comme importantes auparavant. «De nos jours, la communication, le travail en équipe, l’adaptabilité, la créativité, la maîtrise de l’intelligence artificielle, et surtout les complex problem-solving skills sont les compétences recherchées. Il faut ajouter à cette liste la gestion de projets, la compétence pour protéger les systèmes informatiques et les données sensibles, l’analyse et la science des données, les compétences analytiques et la pensée critique ainsi que les compétences techniques. En tête de ces compétences, il y a le leadership qui est considéré comme une compétence essentielle pour les entreprises qui misent sur le succès durable.»
Thierry Goder, CEO d’Alentaris: «Les candidats recherchent des entreprises valorisant la diversité, l’inclusion et l’équité»
Les attentes des candidats, ces dernières années, estime le CEO du cabinet de recrutement Alentaris, basé à Moka, ont évolué de manière significative. «Les candidats recherchent désormais des entreprises qui valorisent la diversité, l’inclusion et l’équité. Ils sont attirés par les organisations qui promeuvent un environnement de travail positif, où le bien-être des employés est pris en compte.» Ainsi, pour lui, les entreprises qui encouragent l’innovation, la collaboration et offrent des opportunités de croissance professionnelle sont particulièrement attractives. Dans cette évolution où les modes de travail changent et la montée du travail à distance avance, les candidats recherchent davantage de flexibilité dans leurs horaires et lieux de travail. «La conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle est devenue une priorité pour de nombreux candidats.»
Les candidats, poursuit-il, s’attendent à plus qu’un simple salaire. «Ils cherchent des employeurs qui proposent des avantages sociaux complets, tels que régimes d’assurance maladie, programmes de bien-être et opportunités de formation et de développement professionnel.» Mais de l’autre côté, cette évolution entraîne aussi des demandes en compétences des employeurs. «Les attentes des employeurs concernant les profils professionnels ont subi des changements importants. Les employeurs recherchent désormais des candidats capables de s’adapter rapidement à des environnements de travail changeants. La flexibilité et la capacité à prendre en charge différentes tâches sont devenues des compétences essentielles.» La pandémie de Covid-19 a accéléré la transition numérique/digitale dans de nombreux secteurs.
«Les employeurs recherchent des candidats capables de communiquer efficacement à distance, de travailler de manière autonome et de maintenir une productivité élevée en dehors du bureau traditionnel tout en étant responsable et en respectant les délivrables. Avec les défis supplémentaires posés par la pandémie, les employeurs valorisent davantage les compétences en gestion du temps et en établissement de priorités. Les professionnels capables de gérer efficacement leur charge de travail et de respecter les délais sont très recherchés.»
En outre, il avance que l’augmentation du salaire minimum a un impact, avec raison, sur les attentes des employeurs en productivité et performance des employés. «Ils cherchent à maximiser l’efficacité de leurs équipes pour garantir un retour sur investissement optimal tout en respectant les nouvelles normes salariales. C’est une win-win situation et tous en sortent gagnants.» Sur les compétences et qualifications les plus recherchées des employeurs, Thierry Goder avance que cela dépend largement du secteur d’activité, mais inclut généralement un ensemble de compétences techniques, académiques et compétences transversales comme la communication et le travail d’équipe sans oublier le sens de l’engagement, la capacité à faire face à la pression.
Parlant des tendances démographiques actuelles, il avance que les entreprises doivent adapter leurs stratégies de recrutement pour attirer et retenir les plus âgés par rapport au vieillissement de la population active. D’autre part, l’émergence de la génération Z sur le marché du travail nécessite également des ajustements dans les stratégies de recrutement. «Cette génération est souvent attirée par des aspects tels que la culture d’entreprise, les opportunités de croissance professionnelle et la flexibilité. Par conséquent, les entreprises doivent se concentrer sur la construction d’une marque employeur solide qui met en avant ces valeurs et qui utilise des canaux de recrutement adaptés à cette génération, tels que les réseaux sociaux et les plateformes en ligne», conseille-t-il.
Pour répondre aux besoins changeants des clients et des candidats dans un marché du travail en mutation rapide, il avance que dans le contexte mauricien, les agences de recrutement adoptent plusieurs stratégies. «Les agences de recrutement à Maurice s’adaptent en étant proactives, flexibles et en embrassant les changements technologiques et sectoriels pour mieux servir leurs clients et leurs candidats dans un marché du travail dynamique.»
Colloque
Militer pour la solidarité syndicale
Deepak Benydin, président du Conseil des Syndicats (CDS), regroupant une poignée de syndicats, regrette la division existant dans le monde syndical mauricien. Tout le travail accompli par le corps syndical en faveur des travailleurs, dit-il, devra se poursuivre à travers l’unité syndicale. Le souhait est d’avoir un seul corps syndical en mettant de côté les différends. «Mon rêve est qu’on ait une seule centrale syndicale à Maurice qui couvre tous les syndicats. L’une de nos résolutions est d’avoir une seule confédération à l’avenir pour que nous soyons unis. Ce n’est pas facile mais pas impossible. Il faut mettre de côté l’égoïsme», soutient Deepak Benydin à la suite d’un colloque tenu vendredi dernier à Quatre-Bornes, dans le cadre des célébrations marquant la fête du Travail.
Il regrette la diminution de l’adhésion des jeunes au mouvement syndical. «Nous voulons un rajeunissement et nous sommes là pour épauler les jeunes. Si plusieurs pays l’ont fait, pourquoi pas nous ?» dit-il, tout en mentionnant que la bataille sera longue. Lors de ce colloque, le CDS a exprimé le souhait d’un decent pay à Maurice. Le salaire minimal est devenu une réalité après d’âpres combats. «Nous demandons un salaire décent car nous notons un exode de toutes les catégories de travailleurs à cause du salaire à Maurice. Si nous n’arrêtons pas cette situation, nous ne resterons qu’avec de vieilles personnes. Déjà, nous faisons face à une population qui vieillit», déplore le syndicaliste. Il demande non seulement au gouvernement d’instaurer un salaire décent mais aussi avec des incitations pour encourager les couples à faire des enfants. «Nous demandons au moins Rs 5 000 au lieu de Rs 2 000. La somme doit être graduée jusqu’à Rs 13 500 pour les enfants qui grandissent.» De ce fait, il croit que les couples voudront avoir plus d’enfants et on verra, par conséquent, un rajeunissement de la main-d’oeuvre.
Face aux calamités naturelles qui frappent Maurice, le CDS propose un plan d’action avec une série de demandes : un disaster leave pour tous les travailleurs et la construction d’abris pour les sinistrés en cas de désastres. Au niveau de la santé, le CDS demande un carnet de santé pour chaque Mauricien et souhaite la résurrection du projet d’une Trade Union House. Considérant les efforts du gouvernement à offrir des terres aux organisations culturelles, il estime qu’il serait aussi approprié d’en donner aux travailleurs. Le CDS est une émanation, selon Deepak Benydin, du Bureau International du Travail qui recommande de réunir tous les syndicats sous une seule bannière.
Le CDS inclut les confédérations suivantes : Congress of Independent Trade Unions, Mauritius Labour Congress, Mauritius Trade Union Congress, Confederation of Free Trade Unions et Confederation of General Trade Unions qui englobe 16 fédérations syndicales. Le CDS, fait-il ressortir, a choisi d’organiser son colloque avant le 1er mai à cause de la configuration politique qui réunira de nombreuses personnes pour la bataille des foules.
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