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Hommage
Dev Virahsawmy : monument de la littérature haut de 4000 documents
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Hommage
Dev Virahsawmy : monument de la littérature haut de 4000 documents
Pas triste, ce moment entre Dev Virahsawmy et Gaston Valayden, qui a joué dans son adaptation de Toufann de Shakespeare.
Recordman de l’écriture, marathonien de la traduction. Un recensement des œuvres de Dev Virahsawmy par l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM) place la barre à 4000 documents, a indiqué Loga Virahsawmy, jeudi, aux funérailles de son époux. C’est aussi à l’ICJM que Dev Virahsawmy a légué l’intégralité de ses droits d’auteurs. Un département y sera consacré. Qui a dit que la production d’œuvres littéraires en kreol était déficitaire ? Voici quelques repères pour naviguer dans cet univers aussi dense qu’intense.
Théâtre de «Li» à Shakespeare et Molière
En janvier 1982, Dev Virahsawmy reçoit le prix du 11e concours théâtral interafricain pour Li ou les chemins de la liberté. Il s’agit d’un concours organisé par Radio France International (RFI). Le lauréat bénéficie entre autres d’une bourse d’études offerte par le ministère français de la Coopération. A l’express, le lauréat déclare qu’il compte mettre à profit la bourse d’étude d’un an en France pour parfaire son travail sur la langue créole pour un doctorat.
Li est une pièce écrite dix ans plus tôt : en 1972, pendant que Dev Virahsawmy est incarcéré comme prisonnier politique, avec d’autres dirigeants du Mouvement militant mauricien. La pièce est censurée à sa création jusqu’en 1981, quand l’auteur remporte le concours de RFI. L’œuvre théâtrale de Dev Virahsawmy est pour ainsi dire marquée par un Toufann. L’enseignant d’anglais qu’il a été, a une admiration pour Shakespeare. Au point d’en traduire une belle brochette de ses pièces en kreol, de Zeneral Makbef à Ziliet ek so Romeo (sans oublier Ramdeo ek Ziliet), en passant par Dokter Hamlet et Enn ta senn dan vid.
Poésie : Son genre préféré
«Je suis plus performant et plus productif en poésie», a reconnu Dev Virahsawmy. Dans les 4000 documents qu’il laissé, il y a environ 3000 poèmes. Plusieurs volumes où l’on trouve la brièveté des haïku et la concision rythmique de San Sonet. Il y a des Poem Anproz, des chants, comme dans Kan Ravann Sonn Maf, dédiés à Serge Lebrasse et Cyril Ramdoo. Il y a des poezi bileng kreol – anglais. Tout comme des sirandanes et des Bajann, c’est-à-dire 12 sante lapriyer pou travers 12 ertan dan nwar.
Les textes sacrés : Pour ne pas confondre foi et religion
Dev Virahsawmy n’était pas tendre avec ceux qui confondent foi et religion. Lui qui invoque Saraswati, déesse des arts en ouverture de ses poèmes, nous mettait en garde. «Akoz bann panndit dan nenport exper/Akoz bann monper sef konservater/Akoz mawlana ki resit par ker/Mo ti pran larout grat ledo maler».
L’un des piliers de son œuvre est la traduction des livres sacrés. Cela va de Bhagavad-Gita an Morisien, aux Oupanishad ainsi que les Rigveda. Il a traduit Labib, Lexod et Zenez. Il s’est aussi penché sur Ansien Testaman, 2 liv poetik : Job ek Sante Salomon. En passant par les Psom Lirik Afrospiritiel.
Dev Virahsawmy a aussi traduit en kreol le Koran volim 1,2,3. Ses œuvres comportent également Ki été Shinnyo-En ? Boudism pou nou lepok.
Chansons et comédies musicales : Sous les feux des projecteurs
Que de belles soirées musicales orchestrées avec son complice Gérard Sullivan. Zozef ek so palto larkansiel, comédie musicale traduite en kreol par Dev Virahsawmy que les deux complices ont repris à 30 ans d’intervalle. En 2013, le duo adapte Godspell, opera-rock, en kreol. Trois ans plus tard, en 2016, place au triomphe de Sister Act en kreol. Le traducteur a aussi mis en morisien la comédie musicale Les misérables.
Outre les comédies musicales, le traducteur a transposé en kreol un répertoire qui lui tient à cœur. «Anou sante». L’invitation est de Dev Virahsawmy lui-même. Dans ce recueil, il a traduit en kreol Tears in heaven d’Eric Clapton et Will Jennings, Killing me softlywith his song de Charles Fox et Norman Gimbel, My sweet Lord de George Harrison, Somewhere over the rainbow d’Harold Arlen et Yip Harburg, Starry Starry Night, chanson de Don McLean en homage à Van Gogh, ou encore Nights in white satin de Justin Hayward.
Chef-d’œuvres : Les grand classiques en kreol
«Tonton, desinn enn mouton pou mwa». Phrase-clé de Zistwar Ti Prens. C’est une maison d’édition allemande, Tintenfab qui a publié la version en morisien du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, de Dev Virahsawmy en 2006. Et sous sa plume, Animal farm de George Orwell est devenu Baz zanimo.
(Avec Gérard Sullivan, complices à la scène comme à la ville. Ici, quand ils ont monté à nouveau la comédie musicale Zozef ek so palto larkansiel en 2014.)
Il avait dit
«Écrire un roman (NdlR: en kreol) demande un lectorat qui contrôle bien l’écriture et la lecture. On sait qu’il y a très peu de lecteurs mauriciens qui peuvent lire le créole à une vitesse suffisante pour jouir d’un roman (…) Mais je peux maintenant le dire: le créole a le potentiel pour exploiter la dimension romanesque.» Dev Virahsawmy, 1999
«Travailler pour l’État signifierait collaborer avec ces opportunistes qui sévissent depuis des décennies et qui en réalité ne veulent pas du morisien à l’école. Ce sont ces pseudos linguistes et partisans des sempiternels comités dont le seul but est de faire trainer les choses et éventuellement de noyer le poisson. Je ne leur fais pas confiance». Dev Virahsawmy, 2004
«Écrire est une manière de faire de la politique.» Dev Virahsawmy, 2007
(Comme une goutte d’eau dans l’océan de l’œuvre monumentale de Dev Virahsawmy.)
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