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Galerie Imaaya
Didier Wong: «Pa rod lipou poul ar mwa»
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Didier Wong: «Pa rod lipou poul ar mwa»
Peindre pour faire du joli, ce n’est pas lui. Didier Wong a des opinions tranchées. Il les dit «kare-kare» en mots et couleurs dans ses tableaux grand format. Son second solo est visible jusqu’au 11 juillet à la galerie Imaaya.
Plonger au cœur de la rue Magon, à Chinatown. On rentre dans le tableau par le personnage tout à gauche. Il a un long nez de menteur qui dépasse d’un masque sanitaire. Il brandit une pancarte avec en toutes lettres «Order».
Contrairement au marchand de mines-boulettes, le menu proposé par le personnage au long nez fait d’abord sourire. Puis grincer des dents : «cari gopia, cari chatwa, cari mandaye». Avec ses couleurs vives, ses écrits en forme de slogan qui occupent de larges espaces dans les tableaux, Didier Wong dit ce qu’il pense sans détour. Alalila, son second solo, 12 ans après le premier en 2012, est visible jusqu’au 11 juillet à la galerie Imaaya, à Phoenix.
Sur fond du Chinatown d’antan avec ses portes en bois peintes en rouge, «qui tend à disparaître», Didier Wong parle de la brûlante actualité. Quand l’artiste prend la parole, c’est systématiquement en kreol morisien dans le tableau. En convaincu de la «créolisation picturale», née de la rencontre, la «juxtaposition, des cultures dans un endroit précis, pour créer l’imprévisible». En nous poussant à nous demander si le symbole du dodo au bas du tableau est en lien avec le sort du marchand de mine-boulettes traditionnel.
Mais s’il y a des aspects de Maurice qui font désespérer Didier Wong, artiste mauricien installé en France et naturalisé français, au bas du tableau il y a une déclaration d’amour:«I love Moris.» «Même si parfois il faut se voiler la face, il y a quand même des choses dont on est fier.» Chinatown est comme le quartier dont il porte le nom. À chaque fois que l’on y entre – dans le tableau comme dans le quartier –, il y a des choses à voir.
Car Didier Wong affirme pratiquer un art engagé, un art «politique». Pour lui, faire de l’art pour «faire du joli n’a pas de grand intérêt». Dans son panthéon, il y a Malcolm de Chazal (il est sur l’affiche de l’exposition Alalila, c’est dire son importance pour Didier Wong), Jean Michel Basquiat ou encore Kaya. «Est-ce que les jeunes connaissent ‘zistwar revoltan’ Kaya ? Je souhaite initier la réflexion chez ceux qui regardent le tableau.» Dans une pratique picturale qui allie de manière indissociable l’écrit et l’image.
S’il a quitté Maurice d’abord pour des études en 1995 (Didier Wong est docteur en beaux-arts), puis pour s’installer en France, il cultive le goût de Maurice. Se tenant au courant des décisions des autorités, de l’état de la culture, «qui parfois coule parce qu’il n’y a pas une politique culturelle forte. J’ai souvent l’impression qu’à Maurice, on fait les choses dans la précipitation, juste pour dire, voilà : ‘On a fait des choses’». Il rappelle que «depuis 2007, j’écris régulièrement des articles pour demander où est la galerie d’art nationale. En 2024, rien n’a changé. Je souhaite qu’au moins les autorités constituent une collection».
Les trois-quarts de l’exposition Alalila tournent autour de Maurice. À l’exception d’un tableau qui ouvre la perspective – elle est littéralement sombre dans le tableau – sur l’actualité politique internationale. En lui faisant un doigt d’honneur.
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