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Rencontre

Emmanuel d’Offay: «Il n’y a pas de ministère de la Culture aux Seychelles…»

18 juin 2024, 21:07

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Emmanuel d’Offay: «Il n’y a pas de ministère de la Culture aux Seychelles…»

Les arts, le patrimoine et la culture sont sous l’autorité du président de la République, Wavel Ramkalawan. Le directeur exécutif de la Creative Seychelles Agency était en mission pour trouver des artistes locaux d’envergure internationale, susceptibles d’exposer à la nouvelle Seychelles National Art Gallery. Emmanuel d’Offay évoque surtout l’investissement de cet État insulaire dans les arts.

«Aux Seychelles, il n’y a pas de ministère de la Culture.» Le directeur exécutif de la Creative Seychelles Agency était de retour à Maurice début juin. Cette fois, en mission de repérage pour trouver des artistes locaux susceptibles d’exposer à la Seychelles National Art Gallery newlook (voir hors-texte). Emmanuel d’Offay a non seulement fait le tour de quelques ateliers d’artistes, mais il a également survolé le système seychellois de soutien à la culture. En prenant le temps d’expliquer qu’à l’arrivée du président de la République Wavel Ramkalawan le 26 octobre 2020, «la structure de l’administration de la Culture a changé. Avant, c’était toujours l’enfant pauvre d’un ministère».

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Les arts et la culture étaient, avant Wavel Ramkalawan, accolés à un autre ministère jugé plus important – le Tourisme, l’Education ou l’Emploi. «Ce secteur est maintenant autonome, sous l’appellation Seychelles National Institute for Culture, Heritage & The Arts», précise Emmanuel d’Offay. Cet organisme indépendant, qui existe depuis 2021, est placé sous l’autorité directe du président de la République des Seychelles. Son objectif, tel qu’énoncé sur son site web : «A Seychellois nation proud of its culture, heritage and diversity united by our Creole identity as enshrined in the preamble of Constitution of Seychelles.» Et sa mission : «To safeguard, preserve and promote the culture, heritage and the creole identity of the Seychellois people as an island nation.»

Le Seychelles National Institute for Culture, Heritage & The Arts a un secrétaire général, «qui est l’équivalent d’un ministre», précise le visiteur. Cet institut a plusieurs départements. Il y a la Seychelles Creole Academy chargée de la promotion de la langue. Une autre branche s’occupe du musée, des archives et de la Bibliothèque nationale. Un troisième département est chargé de la préservation du patrimoine. Sans oublier la Creative Seychelles Agency (CSA) «qui est là pour le développement des industries culturelles et créatives». Cette agence gère le «stade de musique qui n’existe qu’aux Seychelles. Cette infrastructure pouvant accueillir 6 000 personnes ne se retrouve nulle part ailleurs dans l’océan Indien. Dès fois c’est même un peu trop petit». Il y a également une salle de conférences internationale.

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Quel est le rôle d’Emmanuel d’Offay en tant que directeur exécutif de la CSA ? «C’est de prendre contact avec des artistes pour assurer la programmation dans tous ces lieux». Avec un accent particulier sur la Seychelles National Art Gallery, le plus grand espace d’exposition de l’archipel, avec ses 300 m2. «Pour une expo solo, il faut une soixantaine d’œuvres de grand format de 1m x 1m», indique-t-il pour donner une meilleure idée de l’espace disponible.

La Seychelles National Art Gallery a relancé ses activités en mars dernier avec l’exposition solo de Léon Radegonde qui a représenté les Seychelles à la 56e édition de la Biennale de Venise en 2015. (Maurice y était en 2015, puis en 2017, avant de s’éclipser). L’an dernier, Léon Radegonde a participé au Dubaï World Art Fair. «Nous avons aussi été représentés au Carrousel du Louvre. Depuis 2015 nous sommes présents à la Biennale de Venise. Cette année, pour la première fois, les Seychelles y sont dans un espace central appelé l’Arsenal», s’enthousiasme Emmanuel d’Offay.

Quatre talents – Jude Ally, Ryan Chetty, Danielle Freakley et Juliette Zelime, nom d’artiste Jadez – ont été choisis. «L’espace de l’Arsenal, ce sont les Jeux olympiques des arts. Les années précédentes, nous étions dans ce qui serait l’équivalent des Jeux du Commonwealth.» Qu’estce qui explique la meilleure visibilité aux quatre talents de l’archipel, parmi la foule d’exposants de cette biennale ? «Il faut tout d’abord avoir l’appui du gouvernement». Le budget nécessaire à cette entreprise est conséquent.

Si Emmanuel d’Offay ne cite pas de chiffres, il affirme : «l’État investit beaucoup dans la culture. Cette année, le déplacement pour la biennale est sorti directement des coffres de l’État». Après l’explosion dans un entrepôt aux Seychelles, le 5 décembre 2023, «des sponsors se sont désistés parce qu’ils ont été affectés par ce sinistre». Les autorités ont alors pris le relais pour que les artistes et leurs œuvres volent vers Venise.

Les retombées de cette participation ont été jugées suffisamment importantes pour justifier cet investissement des fonds publics. «Les Seychelles dépendent du tourisme. Toutes nos actions ont un impact sur ce secteur. À la National Art Gallery nous vendons, par exemple, des tableaux aux passagers des bateaux de croisière qui font escale chez nous», confie Emmanuel d’Offay.

Mais il ne faut pas croire que cette structure alimente l’assistanat parmi les artistes seychellois. «Au lieu d’être une entité dont les artistes vont dépendre, nous leur expliquons que si, par exemple, nous prenons en charge le billet d’avion, ils paient l’hébergement. La participation à une exposition internationale c’est aussi un business, les artistes doivent donc faire leur part. Nous ne pouvons plus soutenir la prise en charge totale. D’autant plus qu’il y a des artistes qui vivent de leur art.»


Escale à Rodrigues

La première escale de la visite mauricienne d’Emmanuel d’Offay a eu lieu à Rodrigues, avec le concours de la Commission des arts et de la culture de l’Assemblée régionale de Rodrigues. C’était fin mai, début juin. Il y a dispensé une formation en events organisation et dans «the art of emceeing», pour être un maître de cérémonie efficace. Il a aussi abordé le thème artist empowerment. Autant de préparatifs deux ans avant, en vue d’une prochaine exposition de talents rodriguais aux Seychelles, «peut-être en 2026». Vingt artistes ont été identifiés. «Ces artistes sont encore jeunes. Il faut leur donner le temps de se préparer. Il faut d’abord qu’ils comprennent ce qu’est une galerie d’art internationale.»


Mission de prospection

Des talents mauriciens pour exposer à la Seychelles National Art Gallery

En tant que directeur exécutif de la CSA, Emmanuel d’Offay était en mission de prospection à Maurice et à Rodrigues. Il était en repérage de talents pour exposer à la Seychelles National Art Gallery. Pourquoi cet intérêt des Seychelles pour des artistes mauriciens ? «Nous voulons montrer des artistes de l’océan Indien. Toutes ces îles ont une histoire en commun. Nous avons les mêmes problèmes, les mêmes symptômes, pourquoi ne pas travailler ensemble ? Nous ne sommes pas en compétition.» Une autre mission de prospection a été envoyée à Madagascar. «Il reste La Réunion et les Comores.». Emmanuel d’Offay ajoute que la programmation des expositions d’art contemporain est composée «à 60 % d’artistes seychellois et à 40 % d’artistes étrangers. Le quota de 40 % d’expositions pour les deux à trois ans à venir sera uniquement de la région. Ce n’est qu’après que nous nous tournerons vers des artistes venus de beaucoup plus loin.» Emmanuel d’Offay précise : «Nous voulons qu’être exposé dans cette galerie soit comme donner un concert à l’Olympia à Paris. Il faut avoir un nom, un niveau pour être retenu. Il y a beaucoup d’artistes à Maurice. Nous souhaitons accueillir ceux qui ont un travail avec toute une philosophie et des recherches derrière.» En montrant ces artistes triés sur le volet au public seychellois, le but est «d’inspirer les créateurs dans l’archipel, leur faire (se) poser des questions, augmenter les connaissances des artistes des Seychelles. Depuis que je suis en poste, l’une de mes missions est de sortir les Seychellois de leur zone de confort».