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En quête de ticket

20 mai 2024, 09:13

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À l’heure où il faut arracher le fameux ticket et surpasser les camarades de parti ou d’alliance, les potentiels candidats rivalisent d’ingéniosité. Et nous, journalistes, sommes alors constamment sollicités. Ces politiciens veulent tout d’un coup signer ou cosigner une tribune dans le journal, se faire interviewer sur n’importe quel sujet d’actualité locale ou du monde, se faire photographier sur le terrain avec les manches retroussées, en train de travailler ou de faire du social. Ils ou elles veulent se faire voir, en action, dans la presse et sur tous les réseaux sociaux, afin de se faire connaître du grand public comme de grands travailleurs devant l’Éternel...

À chaque décomposition d’une législature, il y a la recomposition de la prochaine. De nouveaux acteurs entrent en scène, alors que les anciens baissent la tête quand ils ne sont pas appelés à rempiler.

Mais qui sont ces nouvelles têtes ? Pourquoi sont-elles mises en avant, avant même le manifeste électoral de leur parti ? Comment en sont-elles arrivées là ?

Certains sont liés biologiquement ou par les liens du mariage aux propriétaires des partis (ou, si vous préférez, des écuries) dont ils porteront les couleurs. Contrairement aux autres candidats, les proches des leaders, normalement, n’ont pas eu besoin d’acheter leur ticket ou de montrer qu’ils ont un réservoir de votants, de telle ou telle communauté, pouvant bénéficier au parti. Ils incarnent, dans l’imaginaire du parti, la relève et ont donc besoin d’un coup de pouce de l’état-major du parti, qui se bouscule pour les aider, afin de plaire au chef suprême, qui a un pouvoir de vie ou de mort sur les nouvelles pousses.

Bien évidemment, pour assurer la relève, la méritocratie n’est pas aussi importante que le patronyme ou le degré de confiance qu’un leader place en quelqu’un. Ce qui importe, c’est surtout l’appartenance ethnique. Les listes qui circulent sont un sinistre mélange entre les castes hindoues, contrebalancées avec un nombre précis d’autres groupes ethniques. Même la population générale, qui est un fourre-tout constitutionnel (rassemblant tous ceux qui ne se retrouvent pas dans les trois autres cases : hindoue, musulmane, sino-mauricienne) est sous-divisée, en fonction d’autres critères d’un autre âge.

Triste aussi de constater qu’à chaque fois, l’on nous dit : on a fait un effort pour «accommoder» un maximum de femmes, mais nous demeurons malgré tous les discours encore loin de la parité. Pourtant, en termes de compétences, ce n’est pas le nombre de femmes qui fait défaut. Sauf que la plupart d’entre elles ne veulent pas monter sur une caisse à savon, ou être réduites, contrairement aux hommes, à des étiquettes communales : par exemple, mon ami musulman doit être uniquement aux n°ˢ 2, 3, 10, 13, 15, ou mon collègue tamoul devrait se contenter des circonscriptions 1, 6, 8, 13, 18, 19 – soit six circonscriptions sur 21 ! Il en va ainsi pour les autres différentes catégories ou sous-catégories de la nation mauricienne, découpées en clans.

Il est toujours bon de relire des extraits du livre qui restera d’actualité pour longtemps encore : Le discours de la servitude volontaire, d’Étienne de La Boétie, écrivain du 16e siècle, qui pose la question : «Pourquoi un seul peut gouverner un million, alors qu’il suffirait à ce million de dire non pour que le gouvernement disparaisse ?»

Pour rappel, La Boétie, dont le texte semble dépeindre nos leaders politiques, postule qu’il y a trois sortes de «mauvais princes» : 1) Ces princes ou tyrans qui arrachent le pouvoir par la force des armes et qui se comportent comme en pays conquis ; 2) ces autres qui montent sur le trône par succession de race – nés et nourris au sein de la tyrannie, ils sucent le lait naturel du tyran et usent du royaume comme de leur propre héritage ; et 3) ces princes qui possèdent le royaume par l’élection du peuple, qui normalement devraient être plus supportables, mais qui se révèlent souvent indétrônables.

L’un de ces mauvais princes est ainsi décrit par La Boétie : «Dès qu’il se voit élevé en si haut lieu, au-dessus de tous les autres, flatté par je ne sais quoi, qu’on appelle grandeur, il prenait la ferme résolution de n’en plus descendre (…) Il considère presque toujours la puissance qui lui a été confiée par le peuple comme devant être transmise à ses enfants.»

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Comme un roseau, l’humanité, pliée, s’est relevée après la pandémie, et un nouveau système économique s’est mis en place, en s’adaptant aux nouvelles donnes, insiste le Fonds monétaire international (FMI) dans ses Article IV Consultations. La directrice du FMI Kristalina Georgieva constate que «l’inflation est sur le déclin» et que de nombreuses banques centrales «sont en train de faire des plans pour réduire leurs taux d’intérêts ou ont commencé à les réduire». Si les signes d’une inflation qui baisse apparaissent sur les rayons des supermarchés, l’inflation n’est pas pour autant éliminée. La croissance économique se situe à un niveau historiquement bas et l’économie mondiale pourrait être confrontée à de profonds changements notamment avec le changement climatique et l’intelligence artificielle, qui risque de heurter le marché du travail «comme un tsunami», avec très peu de temps pour préparer les travailleurs et les entreprises à ce changement qui s’opère…