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Politique populiste

Et si l’on parlait des revenus du pays ?

22 mai 2024, 11:22

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Si l’on s’attendait à des mesures populaires à l’approche du scrutin, nos politiciens ne déçoivent pas ! Sans grande surprise, ils dépensent à tout-va, promettent toujours plus, et cela, sans mentionner les conséquences de ces dépenses sur les finances publiques. Entre gratuité de services, nouvelles allocations, réductions fiscales à tout-va et congé maternité prolongé, entre autres, la question sur toutes les lèvres reste : comment financer toutes ces élucubrations politiques ? Plutôt que de nous laisser abuser par ces tours de passe-passe politiques, intéressonsnous plutôt aux revenus du pays.

Pour le contexte, il est tout à fait naturel qu’un gouvernement, qu’il soit en place ou à venir, ajuste ses dépenses sociales en fonction des besoins de sa population et de la conjoncture sociale et économique du pays. Cependant, il est crucial de maintenir un équilibre entre les dépenses et les revenus. Prenons l’exemple du Canada, qui pratique déjà un long congé maternité, tout en étant la 10e puissance économique mondiale. Au cours des neuf premiers mois de l’exercice financier 2023-24, le Canada a enregistré une hausse de son déficit budgétaire, principalement en raison de l’augmentation des dépenses gouvernementales. Or, dans son discours budgétaire le mois dernier, si le gouvernement canadien a annoncé des mesures pour soutenir les dépenses sociales, il a également augmenté la charge fiscale des plus riches. En effet, la taxe sur les revenus provenant de gains en capitaux passera de demi à deux tiers pour une certaine catégorie de contribuables. Ceci est un exemple d’équilibre. Revenons-en au contexte mauricien.

En attendant le Budget que nous présentera le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, un Budget espérons-le responsable plutôt qu’entièrement électoraliste, nous avons été inondés le 1er-Mai par des promesses de largesses financières des divers partis politiques, sans aucune explication claire sur leur financement. Il faut noter que selon les dernières estimations budgétaires, les dépenses de l’État devraient atteindre environ Rs 227 milliards pour l’année 2023-24, contre Rs 265 milliards de dépenses prévues pour l’année 2024-25. Voyez vous-même l’écart ; ajoutez à cela une population vieillissante et une baisse de productivité de la population active pour avoir le tableau général.

En ce qui concerne les revenus, ils devraient s’élever à environ Rs 179 milliards pour l’année 2023-24. Leur principale source restant la taxe, qui devrait générer environ Rs 156 milliards en 2023-24, dont Rs 105 milliards provenant de la taxe sur les produits et services. Effectivement, selon la dernière enquête sur les ménages menée par Statistics Mauritius, bien que les revenus moyens des ménages aient augmenté de 22,4 %, les dépenses réelles ont également connu une hausse de 18 %.

Autre que la taxe, l’autre moyen de générer du revenu pour un État reste la dette. Nous avons pu observer ce scénario l’année dernière au Royaume-Uni, avec une augmentation de la dette atteignant 100 % du PIB du pays. En effet, à Maurice, la dette publique, selon la Banque de Maurice, est estimée à 79 % du PIB. Or, il est important de mettre en contexte une éventuelle surestimation de la valeur du PIB, comme l’a expliqué l’analyste Sushil Khushiram dans un article paru dans «l’express» en octobre dernier. Une surestimation du PIB aurait pour effet de réduire artificiellement le pourcentage de la dette publique par rapport au PIB.

À cela s’ajoute un déficit du compte courant, qui inclut un déficit commercial de Rs 180 milliards en 2023, ainsi qu’une dépréciation continue de la roupie. Dans ces conditions, la conjoncture n’est définitivement pas propice à une augmentation des dépenses de l’État, à moins d’être accompagnée d’un plan solide pour générer des revenus en parallèle. Ici, la première méthode est évidemment une diversification de l’utilisation de l’outil de taxation.

Dans ce contexte, plusieurs propositions émergent, notamment celle d’imposer une taxe sur les terrains non-développés, avec une superficie à définir et seulement après une certaine période suivant leur acquisition. Cette mesure encouragerait le développement commercial ou résidentiel des grands terrains tout en générant des revenus pour l’État. Elle aurait l’avantage de ne pas impacter les Mauriciens qui souhaitent simplement acquérir un terrain pour y construire leur lieu de vie.

De même on pourrait taxer les profits réalisés par les entreprises sur la dépréciation de la roupie – afin que le combat contre celle-ci devienne véritablement l’affaire de tous, et pas seulement des consommateurs. Soutenir les secteurs ayant un potentiel d’exportation à valeur ajoutée, investir dans la recherche et l’expansion des marchés d’exportation, l’intégration technologique pour réduire les dépenses publiques, ou encore appliquer les recommandations du bureau de l’Audit sont autant de mesures qui pourraient avoir un impact significatif.

Ensuite, plutôt que d’offrir un congé maternité d’une année, un accès gratuit à Internet pour tous ou encore une allocation aux femmes au foyer, il serait plus judicieux d’investir dans un meilleur service de santé qui inspirerait confiance aux Mauriciens, ou dans l’éducation – au lieu de chercher à revoir à la baisse les critères d’admission en classe supérieure des élèves.

En conclusion, il aurait été intéressant de voir et d’entendre une liste des axes à améliorer dans l’économie du pays, ainsi que des propositions réfléchies et concrètes pouvant nous mener à bon port, dont comment générer plus de revenus autrement que par l’imprimerie de la Banque centrale. Des mesures qui, évidemment, prendront le temps qu’il faudra pour porter leurs fruits. Mais bon… l’avenir stable, confortable et serein attendra la fin de la bataille des votes.