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Conférence

Et si on étudiait les textes de Kaya en classe ?

21 février 2024, 19:00

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Et si on étudiait les textes de Kaya en classe ?

Kimberley Oxide est doctorante à l’université de Maurice.

Faire rentrer la qualité littéraire des textes de Kaya à l’école. Une proposition portée par Kimberley Oxide, doctorante à l’université de Maurice. C’était lors de la conférence-hommage à Kaya qu’elle a donnée le vendredi 16 février au Centre Culturel d’Expression Française, à Curepipe.

«Et si on étudiait les chansons de Kaya en classe de langue ? Ce que l’on fait déjà dans d’autres universités et écoles. Mais à Maurice, pas encore.» C’est autour de ce questionnement que Kimberly Oxide a axé sa conférence intitulée Kaya, poète de l’amour et de la lumière, Chanter l’amour sur le chemin de la lumière. C’était le vendredi 16 février au Centre Culturel d’Expression Française (CCEF).

Kimberly Oxide est doctorante à l’université de Maurice. Elle vient d’obtenir le Master of Philosophy (M.Phil) pour ses recherches sur Les langues dans les industries culturelles à Maurice. Elle poursuit son parcours universitaire jusqu’au PhD. Elle a largement basé son intervention sur un ouvrage auquel elle a collaboré : Kaya ant sime lamizer ek sime lalimier. Il s’agit d’une publication réalisée sous la direction de Christina Chan-Meetoo, éditée par la Creole Speaking Union, qui puise dans les manuscrits et paroles de chansons de Kaya. Un ouvrage qui a bénéficié d’un accès direct aux manuscrits – chansons et journal – laissés par Kaya. Le livre Kaya ant sime lamizer ek sime lalimier a été lancé en 2020, pour marquer le 60e anniversaire de la naissance de l’artiste. Kimberly Oxide a participé à deux chapitres de cet ouvrage, en co-écriture avec Gaëlle Bass et Béatrice Antonio-Françoise. Qu’estce qui différencie la chanson de la poésie? Pourquoi est-ce que l’on enseigne la poésie et pourquoi pas la chanson à Maurice ? s’est interrogée l’intervenante. «On peut lire la richesse des textes de Kaya. Il raconte des histoires vécues, qui sans lui seraient peutêtre restées méconnues.» Kimberly Oxide poursuit : «Est-ce qu’il y a un écrivain, un poète, un artiste qui ne chante pas, qui a raconté ces réalités des faubourgs de Port-Louis comme l’a fait Kaya ? Je ne le pense pas.» Selon elle, Kaya a permis de reconstituer des histoires qu’aucun autre auteur de cette époque n’a mises en paroles. Comment étudier la chanson en classe de langue ? S’appuyant sur sa documentation, l’intervenante a décliné huit paramètres sur trois aspects: texte, son et images. L’analyse d’une chanson est faite à l’aide d’outils qu’il faut apprendre au préalable, comme l’accentuation, les figures de style, les registres de langue etc. «Ce qui permet de comprendre à la fois la langue utilisée dans la société et comment cette langue évolue à travers le langage des jeunes.»

L’intervenante a cité ces phrases prouvant que Kaya écrivait «à quelqu’un, il écrivait pour être lu». Un passage dit: «Kan to pou lir li, to pou ena omwin enn lide ek to pou ena kestion normalman pou poz mwa.»

Les textes de seggae en kreol comportent des emprunts à l’anglais. Ils sont inspirés de Bob Marley et baignent dans la spiritualité. «Kaya était un homme qui lisaitle Coran, la Bible et d’autres textes religieux. C’est la soif de la connaissance qui lui a permis de composer de tels textes. Même si l’artiste est décédé, ses textes ne devraient pas l’être.»

Vers le «sime lalimier». Au programme scolaire ?

Est-ce que c’est prévu que les textes de Kaya rentrent dans le programme scolaire, par exemple au niveau du «Higher School Certificate» ? Question à laquelle Arnaud Carpooran, président de la Creole Speaking Union, présent dans l’assistance, a répondu. «Cela fait partie des propositions qui ont été évoquées mais pas retenues encore pour des raisons indépendantes de notre volonté.» Quant à la question posée par l’intervenante Kimberly Oxide : est-ce que la chanson peut-être étudiée comme de la littérature ? Arnaud Carpooran a fourni sa réponse : «C’est ce que Charles Baissac (NdlR : 1831-1892) a dit depuis 1888. La littérature créole inclut les sirandanes, les contes et chansons.» Il a tenu à rappeler que le chanteur Bob Dylan a eu le prix Nobel de littérature en 2016.