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Débat citoyen
Faut-il inscrire nos droits socio-économiques dans la Constitution?
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Débat citoyen
Faut-il inscrire nos droits socio-économiques dans la Constitution?
(De g. à dr.) Le volet socio-économique a été animé par Sheila Bunwaree, Ramola Ramtohul, Roukaya Kasenally, Nalini Ramasamy, Bhavish Budoo et Kugan Parapen.
Offrir un espace libre à la société civile pour qu’elle puisse s’engager dans une réflexion critique sur les disparités dans les droits socio-économiques. C’était l’objectif de la première table ronde sur la «constitutionnalisation des droits socio-économiques», organisée conjointement par People’s Voices Network et Mauritius Society Renewal, à l’institut Cardinal Jean Margéot, à Rose-Hill, mercredi.
La première partie du débat, abordant les dimensions socio-économiques plus larges de la société et les obstacles auxquels nous sommes confrontés, a été modérée par Roukaya Kasenally, Senior Lecturer Media and Political Systems à l’université de Maurice (UoM). Le débat s’est essentiellement axé sur une remise en question du modèle économique sur lequel repose notre concept d’un État-providence.
La sociologue Sheila Bunwaree a mis l’accent sur l’argument courant selon lequel Maurice est un État-providence relativement solide et qu’il n’y a donc pas d’urgence à s’inquiéter ou à promouvoir les droits socio-économiques. Un argument, a-t-elle dit, qui est, intrinsèquement erroné. «Après l’épidémie de grippe aviaire et la marée noire du Wakashio, nous sommes confrontés, même à l’échelle mondiale, à des crises telles que celle de la sécurité alimentaire.»
Au niveau local, a-t-elle ajouté, «la société devient de plus en plus autoritaire, avec un recul de la démocratie. Les riches s’enrichissent et ceux en dessous des marges sont confrontés à des luttes, dont certains n’ont même pas conscience. Par exemple, quand des habitants du sud-est ont manifesté pour un droit aussi élémentaire que l’accès à l’eau, ils ont été arrêtés. Nous avons assisté à la démolition des cabanes de squatters en pleine période du Covid, et l’accès au logement reste une lutte, les problèmes de pauvreté n’étant toujours pas résolus».
Ramola Ramtohul, sociologue et chargée de cours en sociologie et études de genre à l’UoM, a, pour sa part, noté que malgré les multiples amendements et réformes aux politiques du genre, le problème réside souvent dans la mise en œuvre. «Nous devons réfléchir à ce qui est fait pour éduquer les gens à l’égalité des sexes. Là où l’on parle d’égalité des sexes, l’État patriarcal est toujours présent et souvent, l’égalité ne se traduit pas par l’équité.» Elle a également évoqué l’intersectionnalité et l’identité, notamment la manière dont nos identités fondées sur le genre, l’orientation sexuelle, la caste, la religion et la classe sociale influent sur nos expériences et notre accès aux ressources.
La plateforme Dwra a enn lakaz prône, elle, l’inclusion du droit au logement dans la Constitution comme un droit fondamental. «Quand on regarde une maison, on regarde souvent le bâtiment. Mais une maison, ce sont des gens. Quand on voit la démolition des squats à Pointe-aux-Sables et à Surinam, c’est aussi un traumatisme psychologique pour chaque personne. Le droit au logement devrait inclure et impliquer le droit à la dignité et au respect des personnes qui y vivent, sans compromission.»
D’autres thèmes ont également été abordés, dont les droits des personnes handicapées. Nalini Ramsamy, présidente de l’association Women with Disabilities, a mis l’accent sur les terminologies utilisées qui sont souvent préjudiciables aux personnes handicapées. «Nous ne sommes pas des disabled persons, mais des persons with disabilities, donc en situation de handicap. L’accent devrait être mis sur le fait que nous sommes des personnes à part entière.» Les barrières sociales, qui empêchent les personnes portant un handicap de se sentir intégrées, et la nécessité de campagnes de sensibilisation ont également été évoquées.
Des lois fondamentales
Dans un deuxième temps, le débat s’est focalisé sur l’importance d’inscrire les droits socio-économiques dans la Constitution. L’ex-Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Satyajit Boolell, a souligné que la Constitution du pays représente les valeurs sociales, économiques et culturelles découlant de notre histoire et qu’elle a une force de loi certaine. «C’est un document intégré, qui ne dépend pas des caprices du processus politique. Les lois qui figurent dans la Constitution sont fondamentales et ne sont pas à la merci des politiciens pour nous les attribuer. Il est donc nécessaire que les droits socio-économiques autant que les droits politiques soient inscrits dans la Constitution.»
L’avocat et constitutionnaliste Milan Meetarbhan a ensuite évoqué la constitutionnalisation et l’internationalisation des droits socio-économiques. Au niveau national, il estime qu’une réflexion approfondie est nécessaire pour relever les défis liés à la définition de ces droits et aux mécanismes d’application mis en place. Il a ensuite développé, entre autres, le concept et l’interprétation judiciaire de ces droits, en notant, par exemple, qu’à Maurice, le droit à la vie est un droit fondamental.
Pour Rajen Narsinghen, chargé de cours de droit à l’UoM, il s’agit de savoir s’il n’y aurait pas une multitude des litiges si nos droits socio-économiques sont inscrits dans la Constitution. «Il y a un équilibre délicat à trouver. Il faut parallèlement noter que l’idée d’inclure les droits socio-économiques suscitera l’appréhension des décideurs politiques. Mais lorsque nous constitutionnaliserons ces droits, ils seront justiciables.»
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