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Vient de paraître
Femmes qui ont fait l’histoire, femmes qui (ré)écrivent l’histoire
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Vient de paraître
Femmes qui ont fait l’histoire, femmes qui (ré)écrivent l’histoire
La seconde édition de «Women in the making of Mauritian history» vient de paraître aux Éditions de l’océan Indien. Des femmes-chercheures y (re)donnent voix aux esclavées, aux victimes d’exploitation physique et sexuelle, aux sans-voix qui pourtant crient à l’injustice, au détour de rapports de police.
Des histoires qui donnent froid dans le dos. Elles sont d’autant plus bouleversantes, déchirantes et dramatiques qu’elles font partie de la grande Histoire de Maurice. Comme ce cas du 24 août 1785, où «Marguerite, esclave du Sieur Dapein, se plaint que son maître l’a ‘bouclée’ en lui passant un anneau aux grandes lèvres des parties génitales».
Ne détournons pas le regard. Ne nous voilons pas la face. Oui, cela s’est passé à Maurice. Comme l’attestent des rapports de police. Ceux que cite Elodie Laurent Volcy dans L’exploitation Sexuelle de la Femme Esclave à l’Isle de France. Ce travail de recherche figure dans la seconde édition de Women in the making of Mauritian history. L’ouvrage dirigé par Steve Sénèque et Vijaya Teelock a été lancé le mercredi 7 février au Hennessy Park Hotel. Il vient de paraître aux Éditions de l’océan Indien.
Ce travail de recherche propose de réfléchir au sort de tant de Marguerites. L’auteure propose deux interprétations à cette atrocité : «La première est que Sieur Dapein voulait éviter que ses esclaves ne tombent enceintes, ce qui les aurait empêchées d’effectuer leur travail quotidien.» La seconde, que le Sieur Dapein «voulait simplement s’assurer que ces femmes ne puissent pas avoir de relations amoureuses. Le propriétaire considérait que l’esclave lui appartenait entièrement, et voulait ainsi contrôler les relations de celle-ci». L’auteure souligne que «ce qui est le plus frappant dans cette affaire, c’est que le propriétaire n’a été que ‘fortement’ conseillé de ne pas récidiver sous peine d’être ‘sévèrement’ puni. Cela démontre encore que peu importe les atrocités infligées aux femmes esclaves, les propriétaires bénéficiaient du soutien des institutions judiciaires».
En filigrane, soulignons qu’il a fallu des femmes-chercheures pour s’intéresser à ces aspects de l’histoire de l’esclavage à Maurice. Dans cette seconde édition de Women in the making of Mauritian history, le tandem qui a dirigé la publication reconnaît que la première édition, lancée en mai 2021, n’a pas été largement diffusée. C’est pour cela que les contributions de la première édition ont été reprises, puis augmentées de nouveaux textes. La seconde édition regroupe les contributions de 30 auteurs. Le tandem remercie l’université de Maurice «for allowing us to publish this second edition independently of the university». Est-ce vraiment un bon point pour l’université ?
Vijaya Teelock précise : «The contributors’ papers are far from being solitary ventures.» Le volume des contributions en témoigne. Elles sont rangées dans les sept parties qui composent l’ouvrage. La première s’attache à The colonial enterprise. Elodie Laurent Volcy montre que «l’oppression sexuelle faisait partie de la vie quotidienne de la femme esclave ; il ne fait aucun doute que la majorité, voire toutes, ont été victimes d’agressions physiques ou verbales (…) Elle était non seulement victime de l’homme blanc mais aussi de l’homme noir car ceux-ci les agressaient sexuellement. Le corps de la femme esclave était un objet de désir, de curiosité et d’expérimentation».
Dans Enslaved Women and Manumission under French Rule in 18th century Isle de France, Pritilah Rosunee-Nundah analyse les stratégies utilisées par des femmes esclavées pour obtenir l’affranchissement. «One was to exploit the sexual freedom that existed at this time in Isle de France. They developed relationships especially with free males and military officers.»
Aichah Soogree nous donne, pour sa part, A Glimpse of Women’s Lives under the Napoleonic Regime. Elle prend le soin de nous prévenir :«The contributors’ papers are because the focus and those studying history for centuries have been men in a patriarchal setting, actual first-person narratives of women in the French colonial era are almost non-existent in Mauritius National Archives.»
Analyse. Vijaya Teelock, introspection et action
Voici le début des remerciements qu’adresse l’historienne Vijaya Teelock en ouverture de la seconde édition de Women in the making of history. Elle y détaille non seulement les motivations de l’ouvrage, mais dresse surtout un constat de la situation peu enviable de nombreuses femmes mauriciennes.
«On the eve of my retirement this year from the Centre for Research on Slavery and Indenture (CRSI) at the University of Mauritius, a centre I have led since it was founded in 2006, I could not help but to reflect on the research we have conducted for the past 15 years and to ponder over the centre’s future path. Such an introspection left me feeling rather uneasy over what I felt was ‘unfinished business’. Despite undertaking an immense amount of research alongside scores of colleagues in Mauritius and abroad, there were still some lingering questions that continued to plague me. Coincidentally, around the same time, I also happened to read a number of social media posts about the experiences endured by some young Mauritian women at the hands of their families and in college settings. Although Mauritians proudly celebrated 50 years of independence with quite some pomp, it was clear that the progress that has undoubtedly occurred in Mauritius has not yet touched a certain section of society, particularly people of African and Malagasy descent and other marginalised ethno-cultural groups, but especially women from these groups. This was an issue I was determined to address and, hopefully, to steer a path for future research. Addressing such a complex issue was always going to require a collaborative approach. Understanding the reasons why women of African and Malagasy descent and other marginalised women feel the weight of the glass ceiling more than others can never be the product of solely individual ‘academic’ research’.»
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