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Au secours des morts

12 avril 2014, 09:47

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Au secours des morts

“En ce lieu, la mort se réjouit de venir au secours de la vie.” C’est ce qui est marqué sur le fronton de l’amphi de dissection dans quelques universités en France. Cette semaine, chez nous, l’actualité nous démontre que c’est peut-être aux vivants de venir en aide aux morts.

 

Si l’exportation de singes mauriciens vers des laboratoires européens et américains n’a pas vraiment mobilisé les Mauriciens, en revanche, le sort réservé aux cadavres de quelques compatriotes infortunés ne peut laisser insensibles. À tel point que la ministre de la Sécurite sociale Sheila Bappoo, dont un proche dirige pourtant une école de médecine (le DY Patil Medical College pour ne pas la nommer), est sortie de ses gonds par rapport au trafic allégué de cadavres, avant de remettre en question notre positionnement comme ‘Medical Hub’.

 

La dissection humaine (ou anthropotomie) a depuis toujours intrigué les gens. Dans plusieurs civilisations, la dissection du corps humain était interdite, à l’exception des embryons qui pouvaient être disséqués par des savants grecs. Ces embryons étaient alors considérés comme n’étant pas encore venus à la vie; mais cela est un autre débat. Hormis les foetus, c’était essentiellement des animaux qu’on dépeçait. Plus tard, pour comprendre les épidémies qui tuaient des gens à la pelle, et pour des raisons médico légales, la dissection s’est démocratisée, souvent sans véritables balises, donnant librement cours à d’inquiétants trafics d’organes. Au Mozambique, par exemple, chaque année, au moins un million de personnes sont victimes de la traite des êtres humains, principalement des enfants. Ceux-ci finissent entre les mains de trafiquants de viande humaine et traversent clandestinement les frontières du Mozambique. Le trafic a même dépassé celui de la vente d’armes. Une partie de la traite humaine est dirigée par les trafiquants d’organes qui ont pignon sur rue en Afrique du Sud, révèlent quelques enquêtes internationales.

 

En Europe et aux États-Unis, il y a cinq ans, des scientifiques et des religieux avaient réclamé la suspension de l’exposition itinérante “Our Body”, qui présentait à un public ébahi de vrais corps humains. Ils dénonçaient une opération plus lucrative que pédagogique. Certaines villes ont permis l’expo, et d’autres l’ont interdite. Dans plusieurs endroits, il y avait aussi un “vide juridique”. C’est-à-dire que cette exposition destinée au grand public n’était pas expressément interdite par aucun texte de loi , mais contredisait, dans certains cas, certainement l’esprit du droit français, par exemple, qui n’admet d’intervention sur le corps de la personne décédée que dans un but purement scientifique. En effet, selon la loi, si le cadavre n’est plus une personne, il reste protégé sur le fondement de la dignité de la personne qu’il a incarnée. Un article du code civil prévoit ainsi que «le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort».

 

Chez nous, depuis la lettre anonyme qui a mené à la saisie des cadavres de SSR Medical College, et la récente découverte de cadavres maltraités à Bois- Marchand, les autorités semblent s’être réveillées. Les maisons de retraite ont reçu cette semaine des consignes pour faire un inventaire de leurs morts. Des familles de Chinatown comptent employer une milice pour protéger les tombes de leurs proches. L’état civil est en train d’enquêter sur le cas de ceux portés disparus administrativement – afin de remettre les statistiques à jour. Les parlementaires évoquent, eux, la nécessité de légiférer, et oscillent entre la nécessité de respecter nos morts et le besoin de faire progresser la science – et les écoles médicales de certains amis et proches.

 

Qui aura le dernier mot : Sheila ou Raj Bappoo ?