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Les défis de Modi

27 mai 2014, 14:40

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Bien plus qu’une simple victoire, c’est une lame de fond qui a balayé l’Inde aux dernières élections législatives en donnant une majorité plus que confortable au «Bharatiya Janata Party» (BJP), parti nationaliste hindou de Narendra Modi.

 

Avec 282 sièges, le BJP peut former à lui seul le gouvernement (avec ses alliés, il contrôle 336 sièges). Ce qui n’a pas été le cas depuis 1984. Une victoire claire et nette, qui libère Modi du traditionnel marchandage politique dans lequel le BJP et le Parti du Congrès de Sonia Gandhi ont été prisonniers à l’issue de chaque échéance électorale.

 

Certes, il ne faut pas perdre de vue le rationnel derrière cette écrasante victoire. Une conjoncture économique morose avec une croissance (moins de 4 %) en chute libre depuis les cinq dernières années, couplée à une inflation galopante – près de 10 %–, a jeté sur le bord de la route 250 millions de personnes vivant avec moins d’un dollar américain par jour, alors que 600 millions d’autres sont financièrement vulnérables. Pire : l’Inde est aujourd’hui paralysée par une bureaucratie étouffante et rongée par une corruption endémique. Sous le mandat du Congrès, il ne se passait pas un jour sans qu’un scandale de corruption n’éclate, impliquant un ministre ou un proche de ministre.

 

Modi a su surfer sur ce mécontentement populaire en donnant l’espoir à une population désespérée, broyant du noir. Mieux, il a fait de son parti une véritable machine de guerre pour décimer le parti du Congrès qui se retrouve aujourd’hui à 59 sièges seulement. Les Gandhi tentent actuellement de recoller les morceaux.

 

Sera-t-il à la hauteur de cette confiance populaire ? Ce fils d’un marchand de thé, formé au RSS («Rashtriya Swayansekak Sangh»), organisation nationaliste hindoue de droite, privilégie une politique économique libérale même si, socialement, il est un conservateur. De l’État du Gujarat, où il a exercé le poste de «Chief Minister» pendant une dizaine d’années, il a fait un symbole de réussite économique. Avec seulement 5 % de la population de l’Inde, cet État génère 16 % de la production industrielle et 22 % des exportations indiennes. Saura-t-il répliquer la réalisation du Gujarat au niveau national ? C’est le difficile pari qu’il tentera.

 

D’ores et déjà, sa victoire a bien été accueillie par le marché boursier – l’indice «Sensex» a gagné plus de 1 000 points le lendemain de sa victoire. Les chantiers qui s’ouvrent à Modi et à son gouvernement sont immenses. Il y faudra dégripper l’appareil industriel pour relancer la croissance. Certains spécialistes estiment que sous le BJP, l’Inde pourrait renouer avec une croissance de 7 % à 8 % d’ici deux à trois ans. Probusiness, il compte ouvrir tous les secteurs économiques du pays aux investissements étrangers, sauf la grande distribution.

 

Face à la Chine qui se positionne comme la deuxième puissance économique mondiale, avec un revenu de USD 6 500 par habitant, l’Inde est encore à la traîne avec seulement USD 1 500 par habitant. Modi n’a visiblement pas le droit à l’erreur. Il détient toutefois une marge de manœuvre pour réaliser son programme économique et social et redonner à l’Inde son rayonnement international. Mais en même temps, il a intérêt à émerger comme un Premier ministre rassembleur. C’est son plus gros challenge. Son rôle dans le massacre de 2002 dans le Gujarat, qui a causé la mort de plusieurs milliers de Musulmans, hante toujours les esprits. La faible adhésion des Musulmans à son parti aux législatives démontre que cet électorat n’est pas prêt de l’oublier.

 

Reste Maurice. Au-delà des relations historiques et culturelles, Maurice demeure un allié stratégique pour l’Inde dans ses ambitions régionales. L’Inde a des intérêts géopolitiques dans la région et accessoirement dans l’océan Indien. Comme les Gandhi hier, Modi a besoin de Maurice pour contenir l’influence des Chinois en Afrique et dans certaines îles de la région, dont les Seychelles.

 

Dès lors, on comprend comment toute la problématique du «Double Taxation Avoidance Treaty» entre les deux pays se résume à un trade-off autour de gros intérêts de la Grande péninsule dans cette partie du monde.

 

Mais dans cette équation, les enjeux géopolitiques ne dépasseraient-ils pas les liens culturels et historiques qui relèvent d’un autre temps ?