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Permettez-moi de douter…

6 juin 2014, 11:59

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De ne pas croire même. Flottent dans l’air des relents moyenâgeux ces derniers temps. Comme des miasmes d’inquisition et de mise à l’index. La foi se sent-elle à ce point menacée qu’elle doive s’armer de la loi pour se protéger ? A l’instar des lois anti-blasphème ou anti- apostasie, punissant de mort, dans d’autres pays ?

 

S’il y avait un dieu, si puissant, pourquoi la loi des hommes devrait-elle le protéger ? Un dieu, omniprésent et omniscient, peut sûrement se défendre seul. Puisqu’il pourrait décider de la vie ou de la mort des hommes, ne pourrait-il pas décider de leur croyance, leur imposer, dès la naissance, la foi, au lieu de laisser des athées et des agnostiques vivre ? Qui dit d’ailleurs qu’il veuille que l’on croie en lui ? Et qui sont les hommes, pour parler en son nom ? N’est-il pas plus grand pêché d’orgueil que de se croire le représentant de dieu sur terre ?

 

Et encore s’il n’y en avait qu’un seul ! Il y a des tas de dieux. Ne me dites pas que ce sont tous l’émanation d’une entité unique, argument trop facile pour justifier cette incohérence, qui tombe à plat lorsque les croyants de différentes religions se battent, ce qui est souvent le cas. Demandez aux musulmans s’ils pensent que Muruga est leur dieu. Ou aux chrétiens si Allah est le leur. S’il y avait un dieu, omniprésent et omniscient, n’auraitil pas fait également qu’il soit le seul, vénéré par tous les humains ? Et s’il y avait un dieu, qui vous dit qu’il voudrait, de toute manière, être vénéré ? Qui sont les humains pour savoir ce qu’il pense et lui octroyer des sentiments humains ? Ce sont des humains qui ont écrit les livres «saints», pas les dieux. Et ils n’ont pas été écrits de toute éternité, ils sont datés.

 

Les trois grands monothéismes, qui font partie de ces «legally established religions» du jour, sont nés il y a environ deux mille ans. Pourquoi pas avant ? Parce que ces dieux-là pensaient que les humains qui ont vécu des millénaires auparavant ne méritaient pas qu’ils s’en occupent ? Ou parce que les sociétés humaines ont eu besoin, à ce moment-là, de ces figures pour leurs besoins de régulation sociale, d’organisation, de police ? Ou parce qu’aussi les humains, grands enfants, ont toujours besoin d’une figure tutélaire, patriarcale ? C’est donc le problème des humains. Étant éternels, ces dieux auraient pu s’imposer dès le Neandertal et ne pas attendre si tard sur l’échelle de l’humanité pour se révéler.

 

Tous ces paradoxes font que je ne crois pas en dieu. Que j’attends d’en avoir la preuve tangible, matérielle, et pas des paraboles rhétoriques. Lorsqu’on n’expliquait pas la foudre, il y avait Zeus. On n’explique pas vraiment le pourquoi de l’univers, de la vie, alors on y implique dieu. Mais ce n’est pas une preuve. On crie au miracle lorsque quelqu’un réchappe d’un accident de voiture «seulement» blessé. Mais le vrai miracle ce serait qu’il n’y ait pas d’accident. Ceci n’est pas une preuve. Un miracle n’est pas une preuve. C’est juste quelque chose de plutôt improbable que l’on n’explique pas (encore).

 

De toute façon, de tels dieux de «miséricorde», qui laissent s’entretuer les humains en leurs noms je n’en veux pas. Parler de la «morale publique» des religions me fait doucement rire. Les religions ce sont des hommes qui, la plupart du temps, excluent les femmes de leurs petits jeux de pouvoir. Demandez aux petits Irlandais violés, demandez aux filles enlevées au Nigeria, demandez à ceux qu’on agresse à Bangui, demandez aux victimes d’attentats, israéliennes et palestiniennes, demandez aux «sorcières» sur les bûchers, demandez aux femmes lapidées, demandez aux Juifs dans les chambres à gaz… Demandez à tous ceux qui ont souffert au nom de dieu ce qu’ils pensent de la morale des religions.

 

Ma morale est de ne pas faire aux autres ce que je ne voudrais pas qu’on me fasse et de me demander ce qui se passerait si tout le monde agissait comme moi. Je n’ai pas besoin de dieu pour bien vivre en société. C’est cela qui devrait animer les hommes. Vivre au mieux avec les autres. Respecter son prochain est amplement suffisant (donc, aussi, respecter les croyances des autres, à condition que, tout comme avec la liberté, elles finissent là où commence ma noncroyance). Pas nécessairement besoin de religion ou de dieu pour cela.

 

Le droit de croire est inaliénable, tout comme le droit de ne pas croire. Et par conséquent, de ne pas reconnaître les institutions basées sur la foi. Ce qui n’empêche pas de reconnaître la valeur humaine de certaines personnes qui les composent et le travail qu’elles peuvent accomplir. Or, les institutions religieuses sont basées sur quelque chose dont l’existence n’est pas prouvée aux yeux de tous (8 600 personnes se disent sans religion à Maurice en 2011). Comment alors y adhérer puisque nous ne partons pas du même postulat ? Et que ces postulats sont tout autant valables, même si l’un est moins répandu (dieu n’existe pas) que l’autre (dieu existe). S’ajoute d’ailleurs un troisième : ni oui ni non, on n’en sait rien.

 

Les non-croyants tolèrent mieux, semble-t-il, les croyants que le contraire. À la limite, les croyants vont-ils tolérer celui qui doute, parce qu’ils se disent qu’il peut encore verser du côté de la foi. Mais s’ils n’ont pas en face une brebis qui reproduit le «système» aveuglément, c’est un danger ! On tolère les cérémonies religieuses, que les uns ou les autres s’absentent du travail pour leurs prières avec tous les dérangements que cela occasionne, mais on ne tolère pas quelqu’un qui dit qu’il ne croit pas en dieu, et qui ne nuit à personne. Établir l’anathème pour ceux qui ne croient pas, n’est-ce pas un peu intolérant et révélateur d’absence d’amour ?

 

Laissez-nous ne pas croire, au lieu de vous sentir menacés et de réagir agressivement. Nous ne faisons pas de prosélytisme, nous, et nous ne monopolisons pas la parole. Si la religion ne vous a pas appris la tolérance, c’est qu’elle ne sert vraiment à rien.

 

La foi se sent-elle à ce point menacée qu’elle doive s’armer de la loi pour se protéger ?

 

 

 (Ce texte n’engage que l’auteure à titre personnel et non La Sentinelle Ltd)