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Repenser la discrimination et le recensement
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Repenser la discrimination et le recensement
«Les élections, c’est pour quand ?» On a dû me poser cette question au moins une dizaine de fois ces derniers jours. J’ai compris, un peu plus tard, que c’est surtout un moyen d’engager la conversation en embrayant sur la politique, car d’aucuns me croient dans le secret des dieux. Je n’y suis pas car je préfère rester loin d’eux. Mais je reste attentif aux discours et gestes, aux contradictions et revirements de situation, aux fausses promesses et vrais résultats, comme d’autres analysent les valeurs boursières et la performance des entreprises.
Ainsi, à écouter Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, qui sont des dieux vivants pour beaucoup de Mauriciens, on peut déduire que le Premier ministre souhaite avant tout profiter de son mandat jusqu’à la fin (mai 2015) tout en caressant l’opposition dans le sens de la moustache et en lançant le mégaprojet de métro léger, alors que le leader de l’opposition continue, après le vote massif en faveur du mini-amendement, un laborieux strip-tease, pour que le scrutin soit organisé le plus vite possible (il lui vient comme une envie pressante, style Liz Taylor, de se marier une nouvelle fois).
Même s’il n’a pas l’air pressé, l’imprévisible Ramgoolam peut user de sa prérogative pour dissoudre l’Assemblée nationale afin de surprendre ses adversaires, sans leur donner le temps de s’organiser, de trouver le financement requis et de susciter une adhésion populaire autour de leur programme. En revanche, Bérenger donne l’impression de surtout vouloir devancer ces nouveaux partis qui veulent réinventer la politique politicienne locale, entre autres, en remplaçant les caissons de camions par les réseaux sociaux.
Cela dit, le prochain scrutin, quelle que soit la date choisie par Ramgoolam, sera un digne test du genre «audace ou vérité». Et je me frotte déjà les mains. En votant contre l’amendement qui enlève l’obligation de révéler son appartenance communautaire, Cehl Meeah aura été, à mes yeux, le plus honnête des 67 députés de notre auguste Assemblée. Car contrairement à ses pairs, l’homme de la Plaine-Verte avance sans masques et il se retrouve souvent seul au Parlement, mais remarquez qu’il est loin d’être seul dans la rue pour défendre la Palestine. En revanche, la plupart de nos hommes et femmes politiques du mainstream vont montrer leur vrai visage lors du prochain Nomination Day : vont-ils persister à déclarer leur appartenance ? Il y aura donc deux catégories de candidats admis : ceux qui déclarent leur communauté pour profiter jusqu’au bout du système divide and rule et ceux qui ne déclarent pas, au nom d’un idéal mauricien, et qui auront des chances amoindries d’avoir un siège (malgré tous les efforts de calcul de Sithanen) principalement à cause d’un recensement qui est obsolète. Mais au moins ils ne seront plus rejetés en bloc comme les 104 en 2010.
Après les prestations de nos équilibristes sur la corde raide du Best Loser System, saluons le deuxième rapport de l’Equal Opportunities Commission – qui effectue un travail de déblaiement sur la question de la discrimination politique et ethnique, en faisant avancer la réflexion sur la méritocratie. Réaliste, son président sait qu’il marche sur des oeufs, surtout en marge des prochaines élections. C’est peut-être pour cela qu’il a choisi d’importer de Grande-Bretagne le terme «action positive» (nouveau dans notre jargon) qui est en fait une version plus européenne et censée être moins controversée que la fameuse «discrimination positive» dont on a entendu parler.
En théorie, l’action positive serait moins contraire à l’esprit méritocratique car elle se réfère, en Europe, aux pratiques qui prennent en compte le facteur ethno-racial, par exemple, uniquement lors de la phase initiale de la constitution de l’ensemble des candidats à un poste. La discrimination positive, en revanche, se rattache aux cas où un avantage décisif est octroyé dans la dernière phase du processus décisionnel.
Mais dans la pratique, les deux termes sont quasi-synonymes et peuvent être détournés de leurs objectifs honorables. Un récent rapport sur l’impact de l’action positive souligne que «the introduction of positive action within organisations can produce some negative consequences or backlashes such as negative stereotypes, stigmatisation, lack of proper oversight, dishonest behaviour and malpractice».
Mais au-delà de la terminologie prônée et des risques relatifs à la mise en application de l’action positive dans le contexte mauricien, il nous faudrait, pour dépasser la notion de subjectivité, une base de données actualisée de notre population qui se métisse de plus en plus. Comment faire alors puisque grâce à Rezistanz ek Alternativ et l’ONU, l’on ne peut plus se référer au recensement de 1972 ? Au-delà de l’aspect strictement électoral, l’EOC a le mérite de poser la question autrement. Brian Glover conviendra que débattre de cette question, même s’il est contre l’idée d’un recensement, contribuera, espérons-le, à faire progresser les mentalités mauriciennes.
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