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Entre Obama et Sassou Nguesso

9 août 2014, 07:57

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La photo de Navin Ramgoolam, tout sourire, encadré du couple Obama, à Washington,  DC, publiée jeudi, en Une de l’express, est belle et parlante. Comme il fallait faire vite pour la photo souvenir, il n’a sûrement pas pu dire aux Obama tout ce qu’il pense de la guerre de Gaza. Toutefois, par un jeu de contrastes, notre Premier ministre donne l’impression d’être petit de taille, surtout à côté de la sublime Michelle, en talons  aiguilles. Mais, à bien y voir, il n’était sans doute pas le seul dirigeant africain à se sentir dans ses petits souliers cette semaine. Car au-delà du renforcement des liens économiques entre les États-Unis et le continent (qui connaîtra une croissance de 5,8 % en 2015), l’administration Obama a choisi de mettre l’accent sur la lutte contre la corruption, la protection de la liberté de la presse et le non-respect de l’alternance politique – soit trois des principales menaces à la bonne gouvernance de nombre de pays africains. Maurice, bien évidemment, n’y échappe pas, même si on a tendance à trop s’enorgueillir de notre stabilité politique relative par rapport au reste du continent.

 

Quand on regarde notre pays – la corruption qui a pourri le Champ-de-Mars et la presse qui est asphyxiée par un gouvernement qui ne souhaite pas libéraliser la télévision par exemple –, on se désole. Mais quand on regarde les autres – en Afrique – on se console ! On oublie notre petite taille, et avec des indices louangeurs, comme celui de Mo Ibrahim, on se voit champion toutes catégories en Afrique. Oubliés nos dynasties et dinosaures politiques endémiques qui ne veulent pas disparaître.

 

S’appuyant sur la fameuse déclaration de Barack Obama lors de sa première visite en Afrique – en juillet 2009 au Ghana –, selon laquelle l’Afrique n’a plus besoin d’«hommes forts» mais d’«institutions fortes», John Kerry a rappelé aux dirigeants africains que les peuples d’Afrique sont largement en faveur d’une limitation de deux mandats : «Nous presserons les dirigeants de ne pas modif er les constitutions pour leurs bénéfices personnels ou politiques.»

 

Aucun nom n’a été cité afi n, sans doute, de ne pas froisser les indétrônables Denis  Sassou Nguesso, Paul Kagame, Yoweri Museveni, Eduardo dos Santos et Paul Biya, parmi les invités du sommet de Washington qui ont déjà dépassé de loin, comme  Ramgoolam, deux mandats. En revanche, l’administration Obama a lourdement insisté auprès du président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila, pour qu’il respecte la limite de deux mandats imposée par la loi congolaise, dans la perspective des élections de 2016. Aux pressions US, les dirigeants africains répondent, pêle-mêle, «Angela Merkel est sur son troisième mandat et personne ne trouve rien à y redire»,«c’est le peuple qui décide et c’est le peuple qui vote pour son chef. C’est ça la vraie démocratie», «si le peuple est conscient du fait que le chef doit continuer ses actions, le peuple peut décider».

 

Abusant de la confi ance de leur peuple et de leur système électoral inique qu’ils ne veulent pas réformer, nombre de dirigeants restent au pouvoir car, selon eux, la longévité au pouvoir ne rime pas avec dictature ; elle serait plutôt synonyme de la préservation de la stabilité et du climat social, n’est-ce pas ! Les autres arguments pour ne pas quitter le pouvoir sont, entre autres : le continent n’a que 50 ans depuis les indépendances ; le multipartisme n’est pas encore entré dans les moeurs des électeurs ; les Américains et les Européens ne maîtrisent pas la culture politique des Africains ; le fait que des ethnies et des peuples doivent cohabiter au sein d’un même État est le fruit du découpage sauvage du continent par les puissances coloniales d’hier.

 

Bien avant le sommet de Washington, bien avant les sommets Europe-Afrique, Chine-Afrique, Inde-Afrique, Amérique du Sud-Afrique, la Franceavait, en 1990, tenu le sommet de la Baule, placé sous le signe de la «coopération » entre États souverains. L’objectif avoué de ce sommet, présidé par François Mitterrand, était de convaincre les dirigeants africains de démocratiser leurs régimes. Le discours de Mitterrand était un vrai ratissage au large, au-delà de la Françafrique. Nous étions alors dans un contexte marqué par la fin de la bipolarité mondiale – et le triomphe d’un unique modèle, le libéralisme, qui devait sceller inexorablement le lien entre démocratie et (aide au) développement.

 

Si dans le sillage de la Baule, certains dirigeants totalitaires comme Mobutu (Zaïre),  Moussa Traore (Mali), Denis Sassou Nguesso (alors appelé Congo- Brazzaville) sont partis du pouvoir, d’autres comme Houphouët Boigny Félix (Côte d’Ivoire), Paul Biya (Cameroun), feu Omar Bongo (Gabon) avaient choisi de résister et de rester aux commandes. Après une traversée du désert, Sassou Nguesso est revenu au pouvoir, grâce aux armes, en 1997. Depuis, il est indéboulonnable. À Washington, DC, Ramgoolam a passé au moins une heure avec lui pour discuter, entre autres, de l’exploitation minière et du traité de non double imposition entre les deux pays. Ce n’est pas sûr qu’ils ont parlé de leurs carrières respectives, qui sont toutes deux loin de celle d’un Nelson Mandela, qui a surpris le monde entier en réalisant un seul mandat – du jamais vu en Afrique ! C’est dommage que son geste n’inspire toujours pas ceux qui nous dirigent…