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Transparence de convenance
Le concept de transparence financière a été au coeur des discussions à Washington, DC, cette semaine. Notre PM y a fait référence dans un discours invitant les dirigeants africains à suivre la voie tracée par Maurice : état de droit avec recours ultime au Privy Council, tribunal d’arbitrage international avec participation de celui de La Haye, signataire de la Foreign Account Tax Compliance Act, législation cohérente contre le blanchiment d’argent etc… Le président Obama, content, y aurait fait référence dans ses propres interventions. À n’en point douter, nous avons des cartes à jouer à ce niveau. Mais la comparaison par contraste avec le continent africain ne doit pas nous suffire. Car, sur le plan planétaire, l’Afrique n’est véritablement qu’à ses premiers balbutiements en matière de transparence. Pour s’accrocher à une image footballistique, c’est aussi parlant que, bon 185e mondial au classement FIFA, nous avançons que nous sommes meilleurs que le Vanuatu (187e), Andorre (198e) ou encore Saint Martin (le dernier, 208e) ?
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Nous discutions l’autre soir, entre amis, de corruption et du doute qui émerge inévitablement à chaque fois qu’un gros contrat est discuté. Cette «discussion» est souvent introduite par un début de phrase style : «Tu as vu, toi…» ou «Qu’est-ce que tu dis de…», tous les interlocuteurs levant alors les yeux au ciel, façon de transmettre l’idée qu’on est tous «au courant». Alors que personne n’a le moindre début de preuve mais que l’on n’en présume pas moins ! On essayait de comprendre ce qui avait mené à ce réflexe d’une très forte proportion de la population et, pour le plaisir et les dividendes/bénéfices du débat contradictoire, nous nous sommes faits l’avocat du diable.
Le réflexe de flairer la corruption partout est d’abord largement alimenté par quelques pistes sérieuses (style Boskalis, Sun Trust Building ou les pouvoirs d’achat étonnants de nos ministres par rapport à leurs salaires connus – campement à Roches-Noires, grande maison coloniale à la route Grannum, Vacoas, par exemple), enfiévré par la signature degros contrats à la veille des élections (Neotown, métro léger, Airbus). Mais, à la vérité, la corruption ces jours-ci paraît beaucoup plus compliquée à envisager. D’abord, la Banque mondiale tient sa liste noire de compagnies «corruptrices». L’Union européenne, les Etats-Unis et de nombreux autres pays ont des règles strictes de pratiques commerciales «clean» et toutes les compagnies savent qu’une fois entachées, d’énormes marchés potentiels disparaissent pour elles. De plus, si vous êtes corrompu, il vous est beaucoup plus difficile de vous cacher. En effet, un «monsieur 5 %» sur un contrat comme celui du métro léger (Rs 22 milliards), c’est un peu plus d’un milliard de roupies ! Où créditer cela au moment où toute la planète bancaire respectable (comme ici) se doit de demander l’origine de tels fonds, surtout si c’est, de près ou de loin, en faveur d’une PEP ; «politically exposed person», dans le jargon des banques centrales ! Est-ce que vous prendriez, vous, des risques avec un «prête-nom» (qui aura aussi la difficulté d’expliquer son pactole, les gains aux courses ayant leurs limites !) ? Ou auriez vous peur que celui-ci n’ait des idées malhonnêtes ? La récente lourde pénalisation de BNP-Paribas fera beaucoup réfléchir, mais admettant même qu’il y ait des banques disposées à fermer les yeux (et il y en aura toujours, style BCCI…) les chances sont que celles-ci soient dans des juridictions douteuses où le mouvement d’argent mal acquis sera très problématique. Un corrompu est alors «riche»,mais comment fait-il pour «jouir» de son argent sans éveiller des soupçons ? Pas simple, même s’il est important de souligner que les dictateurs du tiers-monde qui ont détroussé leurs peuples (Marcos, Duvalier, Mobutu, par exemple) ne semblent pas avoir eu beaucoup de difficultés à le faire à leur époque, dans les juridictions qui ont l’habitude de«faire la leçon» à l’offshore mauricien… La question est complexe certes, mais le point est que corrompre et voler est beaucoup plus difficile ces jours-ci.
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Par contre, un pays qui se targue d’être «transparent» se doit d’avoir un Parlement qui siège régulièrement avec une opposition qui fait son travail d’hygiène publique. Il doit aussi accueillir le rapport d’audit de l’argent public promptement et avec sérieux. Son DPP ne peut pas vouloir faire appel, puis reculer, sans s’expliquer. Il doit finalement régler la question du financement des partis politiques, talon d’Achille, par excellence, de toutes nos prétentions à la «transparence». Vous avez déjà vu les comptes annuels publiés du PTr, du MMM, du MSM, du PMSD et des autres, vous ? Ce serait bien d’avoir ces comptes avant la fi nalisation du mega contrat de Rs 22 milliards…
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