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Une question d’eau
Passons sur les récriminations et les manifestations des usagers lésés par la Central Water Authority (CWA). Voyons le fond du problème d’eau surgissant chaque année, à partir du mois d’octobre, avec l’annonce par la CWA et le ministère responsable de la situation chaotique de nos réservoirs et des nappes phréatiques.
Les explications archi répétées quant aux causes prétendues de cette situation ne convainquent plus personne. Il y a à peine deux ans que le niveau des réservoirs était tombé autour de 25 % de leurs capacités normales. Les autorités avaient dû d’urgence avoir recours à des moyens extraordinaires, comme détourner Mare-Longue vers Mare-aux-Vacoas ou encore avoir recours à des experts singapouriens pour trouver une solution durable à ce problème. Les Singapouriens sont depuis partis et ont sans doute remis leur rapport, mais depuis on entend plus rien et le problème reste entier.
Justement, on pourrait se demander pourquoi les Singapouriens ? Il faut savoir que Singapour est une ville - état de 680 km2, avec une population de presque 5 fois celle de Maurice et une croissance économique de + 13 à 15 %. Ce pays était incapable de stocker l’abondante eau de pluie dont il bénéficiait de par le fait qu’il est situé tout près de l’Équateur. De plus, Singapour ne possède pas de nappes phréatiques. Donc jusqu’à environ de 1990 à 2000, ce pays était obligé d’importer de l’eau de la Malaisie voisine à travers un contrat qui liait les deux états depuis que Singapour a obtenu son indépendance le 9 aout 1965. Singapour a aussi pour surnom «la ville jardin» du fait que la végétation y est partout présente.
Dès 1963 le gouvernement d’alors, conscient du problème d’eau à Singapour créa le Public Utilities Board (PUB) pour gérer le problème d’eau avant même le grand développement économique qui a fait de cette ville-état ce qu’elle est aujourd’hui. Après l’indépendance, le gouvernement fit du développement de l’eau une «Priorité politique, scientifique et économique» pour affranchir le pays des importations en eau. Et en sus de l’assainissement des cours d’eau autrefois hyper pollués, il existe aujourd’hui 14 réservoirs dans le pays dont le plus important est le Marina Dam. En outre, en ce qui concerne des ressources en eau, le réaménagement et le nettoyage ont permis de séparer complètement les systèmes de drainage et d'égout. Ce qui a ensuite été indispensable pour le développement des futures ressources en eau. Malgré l’efficacité de la dépollution et des aménagements pour l’approvisionnement en eau, Singapour possédait toujours des ressources en eau insuffisantes en 2000. Si Singapour est aujourd’hui presque auto suffisante en eau, la bataille a été livrée et gagnée seulement durant les 14 dernières années. Il reste encore beaucoup à faire. Notamment au niveau de l’accord entre le Singapour et la Malaisie pour l’exploitation de l’eau de Johar, petit Etat au sud de la Malaisie. La dépendance de Singapour en eau importée l'a forcé à accélérer la mise en place de nouvelles technologies pour produire ses propres ressources en eau. La cité-état a développé le projet NEWater pour la récupération des eaux usées et a construit récemment la plus grande usine de dessalement d'eau de mer en Asie ainsi que de nombreux barrages et réservoirs. Elle vise à être totalement indépendante vers 2060.
On comprend mieux à partir de cela le pourquoi du recours à l’expertise singapourienne par le gouvernement sortant. Mais il faudrait surtout ne pas laisser le rapport de ces experts au fond d’un tiroir. Si Singapour a su accompagner son développement économique de celui de ses ressources en eau, Maurice aurait, elle, dû s’y atteler depuis un certain temps déjà, soit depuis le commencement du développement économique. On nous parlera du problème de financement. Là, se posera la question de l’importance du métro-léger par rapport à celui de l’eau. Depuis le Midlands Dam en 2004, le pays a connu la création de la cité d’affaires d’Ebène, les nombreux nouveaux hôtels, les shopping malls tel que Bagatelle ou Cascavelle, et tant d’autres activités qui représentent tant de nouveaux consommateurs d’eau – sans compter le rêve d’accueillir les 2 millions de touristes à Maurice – tandis que les ressources en eau sont, elles, restées les mêmes. En cette veille des législatives, il est plus qu’important que les mauriciens dépassent les cancans électoraux habituels pour questionner les candidats sur le besoin de développer nos ressources en eau.
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