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No Man is an Island

29 novembre 2014, 08:02

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Personne n’est un tout. Nous sommes tous un fragment d’un ensemble plus vaste, d’un environnement stratégique qui impacte, d’une manière ou d’une autre, notre destinée. C’est le Britannique John Donne (1572-1631) qui résume notre situation le mieux : «Aucun homme ou femme n’est une île, un tout, complet en soi...» – (No Man is an Island). Par pure coïncidence, les actualités nous ramènent, ce samedi, au destin de deux hommes, dont les routes se sont souvent croisées et séparées : Paul Bérenger et Jean-Claude de l’Estrac.

 

Après avoir croisé le fer au numéro 19 en 1995, partielle qui a conforté le premier dans son rôle de chef de parti et poussé le second à retourner vers la presse et ensuite la diplomatie, ils sont à ce jour – l’un à Maurice et l’autre au Sénégal – engagés dans une campagne intense pour des élections qui vont, sans aucun doute, déterminer leur place dans l’histoire mauricienne contemporaine.

 

Dans notre journal d’aujourd’hui, nous découvrons une facette plus humaine, plus posée, et moins agressive de l’inamovible leader du MMM, chez lui, entre ses lectures, loin du fracas de la campagne. De tous les principaux leaders politiques (ou propriétaires de parti), qui pourtant communiquent à tous vents actuellement, seul Paul Bérenger a accepté de nous livrer son coeur. Cela change du tumulte, des insultes et des tensions des estrades. Dans sa conversation à bâtons rompus avec notre collègue Marie-Annick Savripène (voir pages 6 et 7), il évoque ses relations interpersonnelles avec ses enfants, petits-enfants, «Mme Bérenger» ; parle de son cancer et de ses dettes qu’il veut éponger ; de ses adversaires, de ses craintes et de ses certitudes. Du coup, même s’il persiste à croire en un 60-0, le leader mauve nous apparaît un peu moins comme cette machine de propagande, qui hurle au micro ou qui module son discours au gré des audiences. Bref, cet homme qui confond conjoncture et conjectures et qui attire souvent nos foudres, surtout dans cette colonne.

 

Qu’on soit d’accord ou en désaccord avec ses discours, idées et projets politiques (dont celui de IIe République avec Navin Ramgoolam), qu’il nous insulte dans ses meetings ou pas, les colonnes de l’express resteront ouvertes à Paul Bérenger – ou tout autre politicien qui oeuvre, de toutes ses forces et faiblesses, pour le bien commun de Maurice. En revanche, nous allons continuer à refuser de reproduire des propos sectaires qui ne visent qu’à nous diviser. Nous nous trouvons à une période charnière pour le pays. Et nous avons besoin d’une vision claire et de travailler dans une atmosphère d’entente. Dans cette optique, un Bérenger, apaisé dans ses propos, nous semble bien moins dangereux que lorsqu’il enfile son costume d’excité du micro qui traite tout le monde de bourrique...

 

***

 

Loin de nous, une autre élection majeure se joue. Notre compatriote Jean-Claude de l’Estrac a quitté le petit bassin de l’océan Indien pour nager dans la piscine des grands, dans une courageuse tentative de diriger l’Organisation internationale de la Francophonie qui regroupe plus d’un tiers des membres de l’ONU. C’est durant ce week-end que les chefs d’État et de gouvernement des 57 pays membres vont choisir, à huis clos, le nom de celui qui va prendre le relais des mains de l’ancien président sénégalais Abdou Diouf. Pour l’heure il n’y a pas de consensus autour d’un candidat – il y a cinq candidats déclarés, dont quatre Africains, qui briguent le poste. Mobilisant ses réseaux, Paris a essayé, en vain, de demander aux pays africains – qui représentent plus de la moitié des membres de la Francophonie – de trouver un consensus entre eux.

 

Si Jean-Claude de l’Estrac réunit de bonnes chances en raison de sa vaste campagne internationale et de son envergure personnelle, deux facteurs risquent, néanmoins, de le freiner dans son élan vers le sommet francophone. Primo, le Premier ministre canadien Stephen Harper accompagne personnellement la candidate canadienne Michaelle Jean à Dakar pour convaincre les chefs qui vont voter (alors que le nôtre ne peut pas s’y rendre à cause des législatives). Cette absence risque de froisser certains. Et dans un monde où les États privilégient leurs intérêts avant leurs amitiés, le poids du Canada se révèle conséquent ; il est même plus important que celui de la France qui a, elle, un passé colonial peu glorieux sur le continent.

 

Et puis l’Afrique demeure un club fermé, sélect. Rien ne sert de courir afin de forcer l’entrée. Selon l’écrivain congolais Henri Lopes, lui aussi candidat, il n’y a pas vraiment lieu de faire campagne pour remplacer Diouf. «Dans cette élection, les électeurs sont de très grands électeurs ; des chefs d’État et de gouvernement. Je ne pense pas qu’en s’adressant aux autres cercles de l’opinion on puisse influencer ces chefs d’État. Ils décideront entre eux à l’issue d’un débat, qui pourra être très court.»

 

Enfin, même si la règle non écrite suggère que le poste revienne à un pays du Sud, la candidate Jean possède l’avantage d’être d’origine haïtienne et de représenter la gent féminine.

 

C’est demain soir qu’on saura si de l’Estrac réussira le pari de placer Maurice au sommet du monde francophone... Nous lui souhaitons bonne chance. L’épaisseur de sa campagne est déjà en elle-même une victoire pour le pays.