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Surveillons ceux qu’on porte aux nues...

14 mars 2015, 06:15

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Avec son regard critique, posé de loin, dans une lettre éminemment patriotique, l’écrivaine Ananda Devi nous encourage à soigner notre regard sur ceux que «nous portons aux nues». Les nues, ici, signifient ceux que l’on place sur un piédestal et qu’on élève par rapport au reste des personnes sur le plan de la gouvernance, bonne ou mauvaise. 

 

«En cherchant à punir autrui, l’on s’impose des limites tout aussi rigides et justes. Espérons que le cap de la tolérance et de la mémoire courte de l’électorat est franchi. Ce que vous pointez du doigt, messieurs et mesdames, craignez de n’en être tout aussitôt accusés. Ayez crainte que votre temps de répit ne soit de courte durée, rien que par votre faute (...) J’ose espérer que les balbutiements de ces trois derniers mois ne sont pas symptomatiques du quinquennat», lance Ananda Devi à ceux qui nous gouvernent, dans le «Jeu des sept pouvoirs» – à lire sur lexpress.mu : http://www.lexpress.mu/idee/259776/transparencejeu-sept-pouvoirs 

 

Même s’il a fait moins de 48 heures chez nous, notre invité d’honneur – dont la classe (de l’authentique celle-là !) a impressionné plus d’un – a dû flairer l’odeur de vengeance politique qui flotte dans l’air mauricien – surtout après le cafouillage autour du samadhi de SSR (d’où, sans doute, sa subtilité pour faire un clin d’œil mérité à celui-ci au Parlement, le jour de l’Indépendance). Cette impression, Narendra Modi l’a confirmée après la rencontre avec le président Purryag et les travaillistes... sans Ramgoolam – quelque chose, hier encore, d’inconcevable pour beaucoup, dont les stratèges de la Grande péninsule. 

 

Même si le nettoyage de nos écuries est une bonne chose pour l’assainissement de nos pratiques politiques occultes, le climat de «vendetta», si manifeste, n’est guère propice pour l’avancement du pays et l’image de sérénité que nous voulons véhiculer. Notre regard ne devrait pas se braquer uniquement «sur les coffres regorgeant de billets». Il doit dépasser l’anecdotique pour se porter sur les principes qui ont porté l’alliance Lepep au pouvoir et qui ont fait voler en éclats celle dite «de l’unité et de la modernité». 

 

Nous insistons. Le nettoyage du pays, dont s’enorgueillit sir Anerood Jugnauth, ne devrait pas se focaliser sur les tentacules ramgoolamiennes. Le Karcher doit aussi et surtout pointer sur les ramifi cations mafieuses qui transcendent le jeu politique afin de prendre notre pays en otage. Ces mêmes tentacules font et défont les alliances postindépendance, avec la complicité de quelques «happy few» qui se partagent le gros du gâteau. «En vertu du modèle ‘consociatif’, les élites politiques ont pris l’habitude de contracter des alliances derrière le rideau tout en faisant croire aux électeurs qu’elles sont en compétition. Pour assurer le succès des négociations au sommet entre ces élites, la pratique du secret est une composante nécessaire», souligne, à juste titre, l’observatrice Catherine Boudet, dans la page Tribune de l’express d’hier. Comme Jack Bizlall, elle remet sur le tapis la nécessité pour nous de faire évoluer notre Constitution (certainement pas selon la formule Ramgoolam-Bérenger) et de la faire progresser vers une IIe République. Celle-ci nous permettra, d’une part, de nous défaire de ce lourd héritage postcolonial britannique, dont les mécanismes (entre autres, la séparation incestueuse de pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire) émanant du pernicieux système «divide and rule» ne sont plus adaptés au contexte actuel. On vient de voir les dégâts que peut causer une concentration des pouvoirs aux mains du leader de l’exécutif quand il contrôle aussi le Parlement neuf ans durant. 

 

Il nous faut, d’autre part, préparer l’avenir en misant sur notre avenir commun qui dépendra beaucoup des liens entre notre développement et l’écologie eu égard aux vulnérabilités de notre île. À cet égard, la conférence de Sendai au Japon permettra, du reste, de mieux cerner les enjeux, pour notre environnement, dix ans après le protocole de Kyoto. 

 

Enfin, toujours en raison de notre profil insulaire, et dans le sillage de l’impossible lutte pour retrouver notre souveraineté sur les Chagos, il y a lieu, pour les gouvernements mauricien et indien, de jouer pleinement la carte de la transparence sur Agaléga. Le peuple a besoin de savoir ce que les gouvernements décident au nom de son patrimoine. Le flou autour des deux îles d’Agaléga doit, de ce fait, être dissipé.