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Deux thèses s’affrontent

4 avril 2015, 08:42

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POURQUOI et pourquoi maintenant ? Ces deux questions taraudent le public en général, et le milieu financier local en particulier, depuis la révocation, à 00 h 45 hier, de la Banking Licence de la Bramer Bank, suivie de la mise sous administration judiciaire de la BAI Insurance. Depuis, sur la place publique, c’est l’incompréhension qui engendre la panique. Dès lors, plusieurs interrogations s’entrechoquent : le gouvernement a-t-il agi avec promptitude pour sauvegarder l’intérêt du public et du pays ? Ou est-il allé trop vite en besogne dans un esprit purement revanchard ?

 

Quoi qu’il en soit, le résultat est effrayant. Aujourd’hui, la chute de l’empire BAI – qui a un chiffre d’affaires de Rs 9,9 milliards et qui déclare des profits annuels de Rs 344 millions (selon le Top 100 Companies) – pourrait avoir de sérieuses répercussions sur l’économie mauricienne dans son ensemble et sur l’image du pays. Le gouvernement appréhende ces secousses et lance un appel à l’opposition et à la presse, afin de ne pas ajouter à la panique. D’accord, mais il faut vite apporter des éléments de réponse aux cris de la rue et convaincre que l’intention est bonne – et non pas de nuire !

 

La première thèse. Une explication offi cielle, de nature scandalo-financière – et c’est le Premier ministre en personne qui a porté la charge hier : «La BAI, c’est un Ponzi de plus de Rs 25 milliards». Et, assure-t-il, il fallait protéger les intérêts des dizaines de milliers de clients de la banque et de l’assurance du groupe. Soit. Mais l’on est en droit de se demander si, en retirant les Rs 1,5 milliard de la Sécurité sociale des coffres de la banque Bramer, au début de son mandat, le gouvernement n’a pas volontairement bloqué la liquidité du bras bancaire de la BAI pour précipiter sa chute. L’intérêt d’un gouvernement n’est-il pas aussi de protéger la réputation du pays, surtout dans le secteur offshore (déjà mis à mal par d’autres affaires) et de limiter la casse en termes de pertes d’emploi ou d’épargne ? «On ne pouvait pas laisser d’autres personnes tomber dans le piège BAI. Dans le long terme, cela aurait terni davantage l’image de Maurice et du gouvernement en place», nous explique un ministre. Qu’on le veuille ou non, dans le contexte  «nettoyage» du moment, qui prend souvent des allures de règlement de comptes politiques, plusieurs vont arguer que la décision de liquider la BAI relève surtout de la politique politicienne. Cependant, le groupe n’aurait, selon certains, pas eu la moindre chance de se rattraper et d’améliorer sa situation. Ce qui laissait peu de marge de manoeuvre aux autorités. Attendre aurait voulu dire prendre la responsabilité de la débandade éventuelle. Trancher dans le vif, comme l’ont fait sir Anerood et ses troupes, soulignent l’irresponsabilité de ceux qui étaient aux commandes du pays précédemment.

 

La seconde thèse. Pour que l’analyse soit complète, la transition politique du pays doit demeurer en toile de fond. Parce que si la BAI tombe aujourd’hui de tout son poids, c’est parce qu’elle n’est plus protégée par les hommes et les femmes des autorités régulatrices d’alors (nommément au niveau de la Banque centrale et de la Financial Services  Commission). Jadis le gouverneur avait même choisi pour adjoint un ancien de la BAI ! Et avec le changement de régime, la «bulle» BAI qui a grossi à vue d’oeil depuis une décennie a fi ni par éclater. Les analystes financiers qui planchent actuellement sur le comment «du système de Ponzi de la BAI» vérifi ent, par exemple, si les membres du clan Rawat sont devenus multimillionnaires au détriment des milliers de petits épargnants.

 

Tous ces éléments de réponse peuvent nous aider à mieux  comprendre les ressorts de base de la pyramide BAI. Une chose est claire : la promesse de meilleurs rendements sur son épargne couplée à du bon marketing dans un maximum de médias a alimenté l’illusion jusqu’ici... jusqu’à ce que la bulle éclate.