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Caste-tête rouge
Peut-on être travailliste aujourd’hui sans être Ramgoolamiste ? Au-delà des enquêtes de la police, c’est pour nous la principale question qui découle de la tragi-comédie du square Guy Rozemont.
La complexité du réel nous échappe souvent parce qu’on choisit de détourner le regard, surtout si celui-ci est blasé. Ce qui s’est passé, mardi, avec le retour en force de Navin Ramgoolam, s’avère grave, pas uniquement pour les rouges et leur sacré problème de leadership.
Cette question dépasse le strict cadre du PTr car elle touche à, au moins, un aspect, souvent occulté, pourtant apparemment incontournable, de notre société : les réflexes communautaristes (ou ‘noubanistes’). Ces réflexes à la peau dure, ces replis stratégiques de convenance, se cristallisent au sein de nos principaux partis politiques.
Dans le cas des travaillistes, la responsabilité pour dénoncer les travers du système politique aurait dû être collective. Le sursaut ne peut pas venir d’Arvin Boolell ou de Sarojini Seeneevassen seulement. Le débat doit dépasser les ‘gros bras’ de Ramgoolam et les patronymes connus.
Non, il ne s’agit pas de critiquer ceux qui, comme Bachoo, Jeetah et Assirvaden, vont demeurer, de manière mécanique, aux côtés du leader Ramgoolam uniquement pour protéger leurs petits intérêts personnels. Ces personnes, qui profitent du statu quo, réfléchissent autrement. Elles ont érigé des frontières symboliques et hiérarchiques entre «nou bann» et les autres. Leur leitmotiv : «Tout est vendetta politique.»
Il ne s’agit pas non plus de critiquer ceux qui prennent leurs distances du PTr dès que le navire prend eau, comme Bappoo, Beebeejaun, Hossen ou, plus récemment, Varma. Ou encore ceux qui, comme Shakeel Mohamed, ravalent, sans vergogne et avec opportunisme, leur crachat. Dans le cas de l’avocat-politicien, on peut comprendre qu’il serait prêt à toutes les contorsions afin de tenter de devenir le numéro deux du même Ramgoolam qu’il invitait, pas plus tard qu’hier, à s’en aller...
Ce qui est grave, ce n’est pas le populisme auquel on s’est habitué, ce qui est grave c’est ce que l’on ne veut pas voir. Pourtant la question castéiste est centrale. Il faut l’affronter et on n’a pas le choix si on veut vraiment promouvoir la méritocratie et apporter, enfin, du neuf au débat politique. Faudrait-il au PTr un autre Vaish pour remplacer Ramgoolam ou pour mater Pravind Jugnauth aux prochaines législatives ? Ou un Arvin, respecté pour ses compétences et son engagement politique, pourrait-il faire l’affaire malgré son hasard de naissance ?
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Même si la crise au Burundi n’a pas de fondement ethnique, ce qui s’y passe devrait nous interpeller. Le destin d’Arvin semble d’ailleurs être lié à ce pays où il a obtenu un emploi. Là-bas, les gens sont descendus dans la rue pour dire non à un troisième mandat de Pierre Nkurunziza (ce qui est contraire à la Constitution burundaise, en avance sur ce plan sur la nôtre).
Le coup d’État au Burundi a éclaté au sein du parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Les frondeurs du parti, qui ont pris position contre la candidature du tout puissant kurunziza, ont été chahutés, bousculés, avant d’être exclus du parti. De là est parti le putsch.
C’est une bien autre réalité qu’à Maurice. À plusieurs reprises, au Burundi, il y a des coups d’État. Cette fois-ci les enjeux en termes de sécurité humaine font craindre le pire. Les Burundais quittent tout et s’en vont au Rwanda, en RDC, en Tanzanie. Une crise de réfugiés dans la région se profile.
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Et notre Arvin national, issu d’une frange minoritaire, et ne pouvant pas compter sur plus d’un tiers des travaillistes inféodés à Ramgoolam, va-t-il baisser les armes et s’en aller au Burundi ? Nous lui avons posé, cette semaine, la question en ces termes : «Bujumbura not looking good, you still wanna go there ?». Toujours disponible et ouvert au dialogue, il nous a répliqué : «I need to find out more...» C’est un vrai caste-tête !
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