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«MIRACLE» ENTRE GUILLEMETS

9 août 2015, 06:42

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«MIRACLE» ENTRE GUILLEMETS

Nous avons demandé à l’homme et à la femme de la rue de nous donner LEUR définition de «miracle»  économique – slogan qu’on entend de plus en plus ces derniers temps. Fruits d’un travail journalistique, travail guidé par le flair et non pas par une méthodologie pseudo-scientifique, ces réponses nous semblent utiles pour comprendre la complexité et la diversité du monde en général et de notre société en particulier, ainsi que les aspirations, pas toujours conciliables, des uns et des autres…

 

 Trois constats s’imposent 

 

1) Si, stricto sensu, «miracle» peut être un phénomène interprété comme une intervention divine, ou un fait, résultat étonnant, extraordinaire, qui suscite l’admiration, le Mauricien lambda, lui, n’y voit rien d’autre qu’un «slogan» politique qu’on brandit pour le berner. Ainsi, pour Riswana, 45 ans, vendeuse de vêtements, il n’y a pas de «miracle» qui tienne : «Mwa mo trouv péi la pé vinn pli mizer. Trwa kar dimounn pé perdi travay. De plus, nous ne voyons venir aucun développement. Je m’attends vraiment à ce qu’il y ait plus de création d’emplois, surtout pour les diplômés chômeurs.»

 

2) Le citoyen lambda est passablement coupé des discours techniques et politiques sur l’économie. Il sait, des fois, que le PIB demeure le premier indicateur utilisé par les experts pour prendre le pouls d’une économie et de sa croissance, mais il ne s’intéresse nullement au pari des décideurs qui aspirent à passer d’un revenu de $ 9 300 USD par tête d’habitant à $ 12 736, encore moins aux défis structurels et conjoncturels qui jalonnent la route qui mènerait à ce second «miracle» économique. Ce qui l’intéresse en fait, ce n’est pas les chiffres du «miracle» vendu (comme la peau de l’ours), ce qui l’intéresse c’est surtout l’emploi, le prix de ses denrées alimentaires de base et de l’essence, bref, des «bread and butter issues».

 

3) Si tout le monde tend à asséner SA vérité, y compris les éditorialistes, le citoyen lambda, lui, reste désorienté car il entend tout et son contraire. C’est un peu normal. Les économistes euxmêmes s’emmêlent souvent les pinceaux. C’est prouvé que même s’ils suivent une méthodologie identique, trois économistes arriveront à trois conclusions différentes. Ce qui pousse bon nombre d’entre nous, alors, à questionner : l’économie  mérite-t-elle le qualificatif de science ? Mais au-delà du débat épistémologique sur ce qu’est l’économie, l’homme de la rue réalise que c’est avant tout une boîte à outils, dans laquelle puisent nos politiciens pour justifier leurs programmes et leurs actes. Ainsi l’homme de la rue peut ne pas être aussi brillant qu’un Rama Sithanen en économie, mais n’empêche qu’il est conscient que c’est lui qui casque pour les erreurs commises par ceux qui décident en son nom. Il ne connaît certes pas le niveau de la dette publique, ni la tendance relative au déficit budgétaire, mais il s’alarme par rapport aux gaspillages d’argent et aux abus. L’aéroport, l’autoroute  Terre-Rouge–Verdun, la Ring Road sont, pour lui, des exemples de mauvaise gestion des fonds publics. Et il compte bien dénoncer, et sanctionner quand il le peut… 

 

Épilogue 

 

Au final, ce sont les politiciens, pas les économistes, qui écopent. Un cas d’école souvent utilisé pour ceux qui aspirent à cerner les sciences politiques. Le cas de la Grande péninsule. En 2003, le slogan politique du BJP était : «Shining India» pour mettre en avant une Inde en plein essor (environ 9 % de croissance). Mais il y avait un «mais». La croissance avait mis à mal une certaine paix sociale, un certain mode de vie ancestral et rural. L’élite jubilait des chiffres macroéconomiques et narguait le monde occidental qui commençait un long déclin. De leur côté, le gros des électeurs indiens, ceux qui décident au final, en a eu marre de scruter le revers de la médaille. Ainsi, malgré une croissance économique continue et robuste, ils ont administré un vote sanction qui a retenti à la face du monde.

 

La leçon à retenir : la richesse n’est rien contre des facteurs non pécuniaires comme la montée des inégalités, le sentiment d’être floué par ceux qu’on a reconduits au pouvoir, le chômage, la dégradation des conditions de travail (précarité), l’affaiblissement des liens sociaux entre les citoyens et les institutions.

 

Au lieu de vendre le rêve du «miracle», Lepep devrait, surtout, tenter de répondre démocratiquement à ces questions-là…