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Sir Anerood has a dream...

29 août 2015, 06:57

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Sir Anerood nous a fait bien rêver samedi dernier à la cybercité. Qu’un homme seul, à l’âge de 85 ans, conserve cette faculté à faire rêver une salle comble de politiciens (certes tous acquis à sa cause, sauf, peut-être, Osman Mahomed), de hauts fonctionnaires (libérés des griffes de Navin Ramgoolam, pour résumer le propos du chef de la fonction publique, lire son interview plus loin) et de capitaines du secteur privé (dont plusieurs sont devenus experts en arrondisseurs d’angles) n’est pas donné à tout le monde. Son  discours, était-ce une forme de propagande politique ? Peut-être. Sa vision, est-ce réalisable ? Peut-être pas. Mais SAJ aura quand même réussi, avec ou sans effets spéciaux.

 

Qu’a-t-il réussi au juste ? 

 

Outre le fait salué (à juste titre d’ailleurs) de replacer l’économie au centre des débats, le Premier ministre nous a permis d’échapper momentanément à l’éreintante réalité post-BAI qui tourne au cauchemar pour plus d’un, qui nous empoisonne la vie et qui bouche nos horizons tous les jours un peu plus. Il a montré une direction en idéalisant la réalité. Il a placé des buts qui peuvent paraître très, voire trop,  ambitieux – surtout s’il ne nous dit pas comment les atteindre. Il a lu quelques chiffres un peu trompeurs et inexacts (par exemple sur la moyenne du taux de croissance, comme relevé, en premier, par celui qu’il a lancé en politique, Rama Sithanen). Chiffres qu’on lui a balancés !

 

Le discours de SAJ a ouvert une réflexion commune sur l’idée même du rêve. La question que l’on se pose : cette notion même du rêve (dans le sens large du terme), davantage qu’un besoin, n’est-elle pas avant tout une nécessité pour une nation ? 

 

Prenons le cas de Jonathan Drack. Personne ne s’intéressait vraiment à lui. Quand on a su qu’il allait peut-être faire briller notre quadricolore aux mondiaux d’athlétisme, on a tous eu un frisson. 

 

Depuis Milazar et Buckland aux championnats d’Edmonton, on observe que le sport, à sa manière, réunit l’essentiel des facettes de l’appartenance nationale et des éléments les plus objectifs de l’altérité locale. Applaudissant nos héros, nous nous applaudissons nous-mêmes en fait. Sans nous en rendre compte.

 

Aujourd’hui, SAJ nous a rassemblés autour d’un rêve, aussi farfelu soit-il. Concrètement, il a su structurer les échanges entre deux  clans : le secteur privé et le secteur public. Des deux côtés, il y a des canards boiteux qui retardent notre progression comme pays et nation. Mais des deux côtés, il y a également des champions. En faisant travailler autour d’une même table ce collectif existant, Maurice peut se révéler d’une troublante efficacité. 

 

Le Premier ministre a aussi réaffirmé l’identité individuelle de Maurice. Avant, on disait qu’on était un pays perdu dans l’océan sans ressource naturelle (sauf nous-mêmes). Désormais, on dit que notre pays est riche en ressources naturelles  précisément grâce à son océan. Il a, de ce fait, rétabli un équilibre entre l’énergie et l’inertie nationales. 

 

Au final, il convient de jeter un regard critique sur nous-mêmes. Ce qui est écrit en haut peut paraître élogieux, mais notre propos n’est pas là. Il s’inscrit dans un questionnement opérant à travers le monde. Pourquoi certains pays sont riches et d’autres sont pauvres ? Pourquoi dans certains endroits il y a la prospérité et dans d’autres il y a la famine ? Est-ce dû à la culture, au climat, à la géographie, à la  géopolitique ? Ou l’ignorance des bonnes politiques de gouvernance et de développement ?  Dans «Why nations fail», Daron Acemoglu et James Robinson, deux économistes qui n’ont rien à faire avec le Square  Guy Rozemont ou le Sun Trust, apportent un intéressant éclairage : 

“(…) It is man-made political and economic institutions that underlie economic success (or the lack of it). Korea, to take just one of the fascinating examples, is a remarkably homogeneous nation, yet the people of North Korea are among the poorest on earth while their  brothers and sisters in South Korea are among the richest.” 

 

Leçons à retenir : c’est prouvé, du moins depuis l’Empire Romain, qu’une société qui récompense l’effort et la méritocratie, qui encourage l’innovation et invite tout le monde à participer aux opportunités économiques, et qui s’ouvre sur le monde possède un net avantage sur un pays qui se replie sur lui-même et ses valeurs ancestrales. Le succès économique est alors pérennisé si le gouvernement du jour est transparent et permet une libre circulation d’informations. 

 

Tout est donc une question de choix et de vision politiques. Le discours de SAJ est une vision, qui pèche par manque de réformes à apporter. Il aurait pu rappeler son engagement en faveur de la libéralisation des ondes télévisuelles et le tant attendu «Freedom of Information Act». Car, entre-temps, avec les images de la MBC, on se croirait en Corée du Nord ! 

 

Cependant, l’essentiel pour nous demeure : The man has a dream for his country...