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Les larmes de SAJ et de Raj

19 septembre 2015, 16:36

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Il nous en a bouché un coin notre Premier ministre quand, contre toute attente, il a été submergé par l’émotion cette semaine. Face à cette scène inhabituelle, l’auditoire au Rajiv Gandhi Science Centre s’est levé, d’un coup, comme un seul homme, pour le soutenir avec des applaudissements émus, alors que le militaire Raj Dayal, un autre coriace en apparence, a sorti le mouchoir pour cacher ses yeux larmoyants.

 

Qu’est-ce qui a bien pu faire fondre ces deux ‘Rambos’? C’est lié au dilemme de la nature, à la problématique du climat, et à l’environnement – bref tout ce qui rattache à la terre, dans son universalité.

 

Nous avons chacun d’entre nous un rapport intime avec la planète, du moins avec un petit coin de celle-ci. Ce sentiment ne se retrouve pas toujours, par exemple, dans la course effrénée pour faire pousser des ‘smart cities’ – et faire respecter l’adage «quand le bâtiment va, tout va». Jugnauth et Dayal en sont conscients, mais en même temps, ils savent qu’ils ne peuvent pas bloquer le progrès et le développement économique. Comment alors réconcilier l’un et l’autre, autrement qu’en
pleurant ?

 

***

 

Nous vivons une année qualifiée de décisive pour l’environnement et le développement, du moins en termes de réflexions et d’actions mondiales. Deux rendez-vous importants se succèdent.

 

1) Au Sommet sur le développement durable, qui se tiendra à New York du 25 au 27 septembre, et auquel participe sir Anerood, les dirigeants de la planète devront surtout accorder leurs violons par rapport aux objectifs du millénaire pour le développement. Adoptés en 2000, ces objectifs n’ont pas encore tous abouti, même s’ils ont permis de faire reculer l’extrême pauvreté à l’échelle mondiale. Sans doute, sir Anerood s’interrogera sur la pertinence de ces enjeux internationaux par rapport à Maurice et à ses ambitions.

 

2) Après New York, les représentants de 196 États convergeront à Paris dans le cadre de la 21e Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques – COP 21. Le challenge cette fois-ci est de trouver un accord sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

 

Ces conférences mondiales, alors que nous avons en ligne de mire la Vision 2030, sont importantes pour nous qui vivons dans un petit État insulaire, au milieu de l’océan. Sir Anerood et Raj Dayal (qui avait activement participé à la conférence de Sendai, au Japon, sur la réduction des risques face aux aléas naturels et au changement climatique en mai dernier), savent tous deux que les nations se doivent de coopérer entre elles pour pouvoir relever les défis communs. Les problématiques comme les émissions de polluants, les déchets dans l’océan et la hausse du niveau de la mer, ou encore la production alimentaire, relèvent de la communauté des nations. Mais ce qui est plus important pour nous – alors que nous voulons augmenter la croissance et accéder au statut de pays à haut revenu – c’est d’arriver, enfin, à intérioriser le fait que les changements du climat et de l’environnement peuvent ébranler notre résilience économique. Il s’agit donc d’intégrer la protection de l’environnement et le progrès économique et social.

 

Récemment on posait la question (dans une analyse intitulée «la croissance et le climat», en date du jeudi 3 septembre) par rapport aux différentes mesures que nous prenons pour doper la croissance économique (qui est l’augmentation continue de la richesse) : «Si on se trompait ? Si la bonne question à se poser était : notre modèle de prospérité actuel, basé sur la croissance, est-il vraiment viable à long terme ?»

 

***

 

 Cette notion de croissance fait, de plus en plus, l’objet de vives contestations, surtout dans les milieux de ceux engagés dans le développement durable. Depuis plus d’un siècle, on nous ressasse les oreilles sur le fait que le progrès économique ne peut se faire qu’au détriment de l’environnement. Mais aujourd’hui les dirigeants vous diront aussi et surtout que si on détruit les fondements écologiques de nos sociétés, cela va mettre l’économie en danger. D’où alors ce besoin pour la communauté internationale d’élaborer un modèle d’économie verte, en réinventant la fiscalité pour le concrétiser.

 

L’un des piliers de cette économie alternative pourrait être les emplois verts. L’Organisation internationale du travail a déblayé le terrain par rapport à cette question. Elle a su démontrer que le secteur des énergies renouvelables peut créer des millions d’emplois, tout en améliorant l’accès à l’énergie.

 

Un autre pilier pourrait être la gestion des déchets qui ne peut qu’augmenter avec la croissance de la population mondiale. Si les déchets sont correctement traités et recyclés, ils peuvent constituer un nouveau type de ressources et générer des emplois et de l’énergie.

 

Et par rapport à la terre et à ceux qui la cultivent, comme jadis les parents de sir Anerood et de Raj Dayal, il nous faudra les encourager et les soutenir car ce sont avant tout des personnes qui prennent soin de nos écosystèmes. Dans certains pays, ils sont rétribués pour ce service. Ici on les chasse des terres pour créer des villes fantômes comme Jin Fei… En faisons-nous trop ? Ne nous restera-t-il que nos yeux pour pleurer après ?