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Astrid, Jane et Vidya: l’ombre et la lumière

8 décembre 2015, 08:28

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Elles représentent notre part d’ombre et de lumière dans les actualités qui s’enchaînent. D’abord Astrid Dalais, déjà plébiscitée sur Facebook pour être la Mauricienne de l’année, selon un nombre grandissant d’internautes. Elle a pu sortir, en l’espace de trois jours, Port-Louis de sa sinistre obscurité et l’a transformée, d’un coup de baguette, en une ville magique, éclairant son histoire, sa diversité, son architecture, ses visiteurs. Elle a transformé le jardin de la Compagnie en forêt enchanteresse ! Elle a cru en son projet dès le départ. Elle a patiemment mobilisé les partenaires du gouvernement, de la mairie, du privé, de la presse, du milieu artistique et, au final, elle a époustouflé le coeur de plus de 300 000 de nos compatriotes qui ont retrouvé dans les rues de la capitale le concentré de notre histoire commune. Si Maurice est un creuset de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe, Port-Louis, sous les lumières d’Astrid, est (re)devenue un condensé de Maurice.

Il y a deux mois, notre coeur de Mauricien avait fondu pour Jane Constance. Elle est arrivée à un moment où on commençait à désespérer des actualités: une économie qui ne décolle pas malgré l’Economic Mission Statement, des nominations douteuses, la manipulation continue de l’info à la MBC, des corps parapublics qui saignent, la chute du pouvoir d’achat et les «vested interests» s’exprimant autour du projet de loi sur l’enrichissement illicite. Et la voix de Jane a résonné comme une fraîcheur bienfaisante à nos oreilles, une voix tombée du ciel qui tranchait avec l’hypocrisie et le ton des discours politiques de chez nous. Ce qui nous a subjugués avec Jane, c’est sa détermination, tout comme Astrid, à prouver qu’il y a de quoi être fier du pays d’où l’on vient. «Malgré les défis particuliers de sa condition, elle ne se morfond pas, ne blâme personne. Au contraire, elle se soumet à un entraînement exigeant, patient, constant, pour faire progresser le talent qu’elle possède. Elle opère dans un système basé sur le mérite, pas sur l’affiliation politique ou la religion», relevait KC Ranzé du 10 octobre 2015.

Et puis est venue Vidya Narayen, sous les feux des projecteurs ces tempsci. Comme première juge de la Cour suprême et puis comme Ombudsperson for the Children, c’est clair qu’elle a toutes les qualifications, l’envergure, la discrétion, le sérieux pour le poste, mais ce n’est pas lui faire honneur si on réduit toute sa carrière, tout son engagement, à une simple case où le laisser-passer s’avère un patronyme tamoul. Dans l’île Maurice d’aujourd’hui, où le métissage est une réalité, il est triste qu’on ait encore besoin d’une Narayen pour remplacer un Murday. Et pathétique que des associations socioculturelles ou socioreligieuses se sentent investies d’un pouvoir politique (pour lequel ils n’ont aucun mandat).

Outre la dimension ethnique de cette nomination, il est important de s’attarder sur la polémique provoquée par le Premier ministre pour expliquer le «no-go» à Murday : «Ce n’est qu’un attendant!» C’est clair qu’il aurait dû dire les choses autrement, sans blesser un corps de métier en particulier, mais il n’a pas tout à fait tort non plus, n’est-ce pas ?

Si le poste de vice-président(e) est purement honorifique, on s’attend quand même à un minimum de bagage intellectuel. Uniquement pour les discours officiels. Car même Rabindranath Ghurburrun, Angidi Chettiar, Raouf Bundhun et Monique Ohsan- Bellepeau, qui n’étaient ni des lumières ni des «attendants», n’ont laissé aucune empreinte de leur passage, tellement le poste de vice-président est lui-même dénué de sens et d’importance.

Au lieu d’accepter cette sinécure (qui coûte cher aux contribuables), peut-on s’attendre que Mme Narayen dise non avec une explication du genre: «Ma carrière est derrière moi et comme ancienne juge, je ne me vois pas comme quelqu’un représentant telle ou telle communauté. Aux yeux de la justice, nous sommes tous égaux. Enfin, je pense qu’il faut laisser la place aux jeunes, à ceux qui n’ont pas encore  eu la chance d’avoir une carrière riche

 comme la mienne…» Peut-on aussi s’attendre que sir Anerood revoie toutes ses nominations et recentre le critère «Qualifications académiques» ? Par exemple, il pourrait questionner la contribution de Bissoon Mungroo au board d’Air Mauritius.

Pour progresser à la fois comme pays et comme nation, il nous faut des sursauts et des frissons collectifs comme ceux provoqués par Astrid et Jane – ou encore celui provoqué, en  juin dernier, lors de l’accession d’Ameenah Gurib Fakim comme première femme présidente de la République. Autant de raisons d’espérer. Autant de lumières pour ne pas désespérer. Autant d’étoiles qu’il nous faut saluer...