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Délits de presse
L’affaire Shakeel Mohamed a montré qu’il faut prendre au sérieux les agissements d’une police zélée. Elle a provoqué fort justement des critiques sur le caractère arbitraire des arrestations intempestives et des charges provisoires. Le débat est bien lancé et il va accélérer la présentation du projet de loi censé corriger les dérives constatées.
En ce début de semaine, c’est la convocation d’un journaliste aux Casernes centrales qui suscite des inquiétudes du même ordre. Dans ce cas, l’action policière met en relief l’anachronisme des délits de presse. Une réflexion sur la question est indispensable.
Le journaliste Nassif Joomratty a été interrogé lundi dernier par la police sur la diffusion d’une nouvelle sur les ondes de Radio Plus à propos du niveau d’alerte de la menace terroriste à Maurice. Soupçonné d’avoir propagé une fausse nouvelle, il a été prévenu qu’il pourrait être arrêté ultérieurement. Sans doute, l’enquête de la police est menée, ici comme ailleurs, dans le plus strict respect du droit et des procédures. Mais un pays qui maintient dans son arsenal législatif des peines de prison à l’encontre de journalistes qui ont pu se tromper accuse un grave retard en matière de liberté d’expression.
Dans de nombreux pays, y compris en Afrique et en Amérique latine, les délits de presse ne sont plus passibles d’emprisonnement. Ils ont compris, eux, que la liberté d’expression est un droit fondamental en démocratie et que la menace de poursuites au pénal entrave la libre circulation des informations.
Geoffrey Robertson, spécialiste du droit des médias, remarquait dans son rapport soumis en 2013 que Maurice possède une mosaïque de lois pénales désuètes qui nuisent au journalisme d’intérêt général et ne bénéficient pas à la population. Pour autant, la dépénalisation des délits de presse n’est jamais une licence pour diffamer, injurier ou calomnier. Elle est toujours accompagnée d’une contrepartie civile. Ainsi, le journaliste doit répondre de ses actes mais il n’est pas envoyé derrière les barreaux.
Dans son rapport, Geoffrey Robertson avait proposé un mécanisme qui garantit à la fois la liberté d’expression et la pratique d’un journalisme responsable. Il préconisa la mise sur pied d’une Media Commission présidée par un Media Ombudsperson qui pourrait trancher rapidement les litiges impliquant des citoyens qui se sentent lésés. Cette instance serait habilitée à ordonner le paiement de compensations, le cas échéant.
Un gouvernement qui ne cesse d’invoquer la nécessité d’opérer un nettoyage général a le devoir de dépoussiérer la législation du pays pour la débarrasser des lois régressives.
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